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Enfants violés, marqués à vie


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Une enquête, menée auprès de victimes de violences sexuelles alors qu’elles étaient mineures, montre les conséquences à l’âge adulte.

 

Le docteur Muriel Salmona a passé sa vie de psychiatre à prendre sous son aile des victimes de violences sexuelles souvent bien seules et cabossées. "Je me suis toujours révoltée de voir que la société les sommait de tourner la page. Sans comprendre que leurs symptômes sont liés non à leur personnalité, fragile par essence, mais aux traumatismes subis. Il y a un vrai manque de solidarité. C'est comme si on disait à quelqu'un atteint de multiples fractures qu'il doit se lever et marcher…" Il y a cinq ans, le médecin de 59 ans a créé l'association Mémoire traumatique et victimologie pour mettre au jour "l'abandon social des victimes", "un scandale de santé publique ignoré".

 

Les mineurs, premières victimes

 

Cette prise en charge encore insuffisante sera lundi au cœur du colloque "Enquête de reconnaissance", organisé au Sénat par l'association de Muriel Salmona. Temps fort de la manifestation, la présentation des résultats d'une enquête inédite sur l'"Impact des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte". Pour la première fois, plus de 1.200 victimes ont témoigné. "Le suivi médical et judiciaire n'est pas à la hauteur", résume le docteur Salmona.

 

L'étude éclaire notamment les violences qui touchent les mineurs, "frange de la population la plus à risque" et pourtant "oubliée" : 81 % des personnes qui ont répondu déclarent avoir subi les premières violences dans l'enfance. Parmi elles, une sur deux avait moins de 11 ans au moment de la première agression. Ces chiffres sont à mettre en regard des estimations de l'Observatoire national des violences faites aux femmes, selon lequel environ 123.800 filles et 32.500 garçons de moins de 18 ans seraient victimes d'une tentative ou d'un viol chaque année.

 

De nombreuses questions sondent les conséquences de ces traumatismes sur la santé et mettent en évidence des troubles physiques autant que psychiques, attestés par des études épidémiologiques depuis les années 1990. Selon l'enquête, 42 % des victimes ayant répondu à l'association Mémoire traumatique assurent avoir déjà fait au moins une tentative de suicide et 44 % éprouvent un sentiment de solitude extrême. 43 % d'entre elles déclarent des conséquences importantes sur leur santé physique. Une sur deux est sujette à une addiction (alcool, tabac, drogue). Et 58 % ont souffert de douleurs chroniques.

 

Traumatismes physiques

"Pour des raisons neurobiologiques, les violences, qui affectent le cerveau et dont les effets sont visibles par IRM, ont des conséquences terribles : perte d'estime de soi, perte de mémoire, troubles anxio-dépressifs, évitements, phobies, mise en danger et donc risque de mort précoce, toxicomanie", précise Muriel Salmona, qui rappelle que, selon l'OMS, le fait d'avoir subi des violences dans l'enfance est le principal déterminant de la santé à l'âge de 50 ans.

 

Le stress engendré par le traumatisme affecte aussi le corps. "Il y a des répercussions au niveau génital mais aussi cardio-vasculaire, respiratoire, digestif, des troubles de l'immunité. Le risque d'être atteint d'un diabète ou d'un cancer est augmenté", poursuit la psychiatre. Sans parler du danger de répétition : avoir subi des violences est le facteur principal pour en subir à nouveau (lire interview).En donnant la parole aux victimes, Muriel Salmona ne souhaite pas faire entendre un vain chœur de plaintes mais bien inciter les pouvoirs publics à repérer les violences sexuelles pour mieux les soigner. Parmi les mesures réclamées : un plan violences sexuelles dont l'efficacité a été prouvée dans plusieurs pays, une meilleure formation des étudiants en médecine et des professionnels de santé à cette problématique et la création de centres de soins dans tout le pays. "La thérapie ne change pas l'histoire de la victime mais l'aide à ne plus être colonisée par la violence subie. Comme les fractures, les atteintes neurologiques régressent", conclut le médecin. À condition que les autorités mettent enfin les victimes en situation de pouvoir "se réparer elles-mêmes".

 

* L'enquête "Impact et prise en charge des victimes de violences sexuelles" a été conduite de mars à septembre 2014 auprès de 1.214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans (1.153 femmes et 61 hommes). Diffusé sur internet, dans la presse, à la radio, le questionnaire anonyme auto-administré comprenait 184 questions.

 

Anne-Laure Barret - Le Journal du Dimanche

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