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400 cadres laissés en jachère...


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Eco-Business, Management, Une

Des maquettes futuristes aux mots croisés : Le triste destin de 400 cadres algériens

Par Abdou Semmar | avril 1, 2015 4:10

[ATTACH]3056[/ATTACH]

 

Le 20 septembre 2007, Brown & Root Condor (BRC), une firme mixte algéro-américaine, a été dissoute. BRC était spécialisée dans l’ingénierie, la construction et l’assemblage et dont le capital était détenu à 51% par Sonatrach et à 49% par Halliburton. Elle a été créée en 1994 et avait conçu et géré de nombreux projets stratégiques en Algérie.

 

Après avoir fait l’objet de plusieurs accusations de surfacturation et de corruption, cette société a été dissoute dans le sillage des scandales de Sonatrach qui ont ébranlé toute l’Algérie. Mais, ce qu’ignorent de nombreux Algériens, c’est que cette société disposait de pas moins de 600 ingénieurs, cadres et techniciens algériens formés à l’excellence et à la performance grâce à des stages et des séminaires assurés par la célèbre compagnie américaine Halliburton. Un grand nombre de ces 600 cadres a fait des séminaires et des stages de formation aux USA, à Houston, en Afrique du Sud ou en Belgique. “BRC était un véritable vivifier de compétences qui ont appris la bonne gestion et l’innovation, en se frottant aux cadres d’une grande et prestigieuse multinationale. Malheureusement, après la dissolution de cette entreprise, notre pays n’a pas su profiter de ce vivifier”, regrette un des anciens cadres algériens de la BRC, qui révèle aujourd’hui son amertume et sa profonde déception.

 

Des infrastructures et… des joyaux architecturaux

 

En dépit de la réputation sulfureuse de BRC, cette ancienne filiale de Sonatrach a permis à l’Algérie d’engranger un véritable savoir-faire aujourd’hui totalement inexploité. Les ingénieurs de la BRC ont construit et conçu de nombreux projets névralgiques pour le pays sans recourir à une main d’oeuvre étrangère et dilapider de précieuses devises. En effet, l’actuel ministère de l’Energie situé à Hydra, à Alger, est l’oeuvre de ces ingénieurs algériens. Le nouveau hôpital militaire d’Oran, un joyau architectural, a été aussi conçu par les ingénieurs et architectes algériens de la défunte BRC. Le joli siège régional de Sonatrach à Oran, l’hôpital militaire de Constantine, des bases de vie à Hassi Berkine et Tifernine ainsi que plusieurs autres infrastructures publiques ont été livrées à l’Algérie dans les délais et en respectant les normes de construction les plus modernes.

 

Lorsque leur ancienne entreprise fut dissoute sur fond du scandale politico-financier qui a secoué Sonatrach, et dont on ignore encore les dessous, les ingénieurs algériens ont été réintégrés et repris par la compagnie pétrolière nationale. Cette réintégration a été gérée de manière tellement catastrophique que ces compétences ont fini par se retrouver au placard, alors que “l’Algérie recourt à des ingénieurs étrangers pour réaliser les projets de développement de ses plans quinquennaux”, dénoncent de nombreux observateurs proches de ce dossier.

 

Payés à faire… des mots croisés

 

Il est vrai que le gâchis est phénoménal. Preuve en est, parmi les 600 ingénieurs, 200 d’entre eux ont quitté l’Algérie pour les pays du Golfe comme Dubaï aux Emirats ou le Qatar. Certains sont allés au Canada. “200 compétences algériennes qui font aujourd’hui le bonheur des sociétés internationales et des pays étrangers”, regrette Mokhtar, un architecte décorateur, installé aujourd’hui à Dubaï. “Nous avons quitté notre pays parce que la Sonatrach nous a humiliés. Nous avons été enfermés dans des bureaux sans rien faire. Nous n’avions plus aucune marge de manœuvre. Nous subissions la bureaucratie de Sonatrach sans pouvoir contester. Nous touchions des salaires pour faire des mots croisés pendant toute la journée, alors qu’auparavant, nous concevions des maquettes futuristes pour notre pays”, s’indigne Mokhtar, qui n’oubliera jamais cette traversée du désert vécue à Sonatrach.

 

Les mots croisés et se tourner les pouces, tel est le triste destin des 400 cadres de la BRC qui ont décidé de rester dans leur pays. A Dely Ibrahim, au niveau de la Direction engineering des infrastructures de Sonatrach, les 160 ingénieurs et anciens employés de BRC , affectés par Sonatrach à cette direction, vivent une véritable souffrance psychologique. “Nous avons perdu notre génie. Auparavant, on bossait vraiment sur des projets ambitieux. On sortait sur le terrain, on travaillait d’arrache-pied, on imaginait des plans et des maquettes, on cherchait des solutions aux problèmes du pays dans notre secteur. Aujourd’hui, on stagne. Ni projet, ni travail sérieux, on lit les journaux, on fait des propositions et on reste dans les bureaux à tuer le temps”, confie un ingénieur qui regrette les beaux jours de BRC, où les ingénieurs algériens suivaient au moins trois séminaires de formation par an, la norme internationale dans une multinationale, pour améliorer leurs compétences. “A Sontrach, on a perdu plus de 30 % de notre salaire. Nous avons subi des reconversions insensées. Un ancien chef de projet dans les années 90, redevient en 2015, un simple ingénieur ! Un chef de département est rétrogradé sans aucune explication. Nous ne servons plus à rien, alors qu’on pourrait aider notre pays dans ses grands chantiers”, souligne un ancien cadre de BRC, aujourd’hui à Sonatrach.

 

L’urgence d’un audit de la ressource humaine à Sonatrach

 

Mise à l’écart, discrimination, baisse de salaires, horizons professionnels bouchés, ces ingénieurs algériens formés, pourtant, aux techniques modernes grâce au management américain, sont livrés à eux-mêmes. Ceux qui peuvent démissionner et partir du pays le font et s’en vont pour gagner des salaires en plusieurs milliers de dollars. D’autres se contentent des 90 mille DA par mois de Sonatrach et guettent un quelconque changement. En attendant, l’Algérie accuse un déficit immense en matière de suivi des projets et du contrôle de la qualité des matériaux de construction. Notre pays peine à se moderniser et recourt à des sociétés étrangères, alors que des compétences nationales existent et ne demandent qu’à être sollicitées.

 

Le sort de ces ingénieurs devrait inciter nos décideurs à lancer un véritable audit concernant la politique de gestion de la ressource humaine dans les entreprises publiques, notamment à Sonatrach. Les objectifs de développement de l’Algérie ne seront jamais atteints, si nos autorités laissent en jachère de si précieuses compétences ou les mettre à la disposition d’autres pays par négligence.

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Par Abdou Semmar | avril 1, 2015 4:10

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Le 20 septembre 2007, Brown & Root Condor (BRC), une firme mixte algéro-américaine, a été dissoute. BRC était spécialisée dans l’ingénierie, la construction et l’assemblage et dont le capital était détenu à 51% par Sonatrach et à 49% par Halliburton. Elle a été créée en 1994 et avait conçu et géré de nombreux projets stratégiques en Algérie.

 

Après avoir fait l’objet de plusieurs accusations de surfacturation et de corruption, cette société a été dissoute dans le sillage des scandales de Sonatrach qui ont ébranlé toute l’Algérie. Mais, ce qu’ignorent de nombreux Algériens, c’est que cette société disposait de pas moins de 600 ingénieurs, cadres et techniciens algériens formés à l’excellence et à la performance grâce à des stages et des séminaires assurés par la célèbre compagnie américaine Halliburton. Un grand nombre de ces 600 cadres a fait des séminaires et des stages de formation aux USA, à Houston, en Afrique du Sud ou en Belgique. “BRC était un véritable vivifier de compétences qui ont appris la bonne gestion et l’innovation, en se frottant aux cadres d’une grande et prestigieuse multinationale. Malheureusement, après la dissolution de cette entreprise, notre pays n’a pas su profiter de ce vivifier”, regrette un des anciens cadres algériens de la BRC, qui révèle aujourd’hui son amertume et sa profonde déception.

 

Des infrastructures et… des joyaux architecturaux

 

En dépit de la réputation sulfureuse de BRC, cette ancienne filiale de Sonatrach a permis à l’Algérie d’engranger un véritable savoir-faire aujourd’hui totalement inexploité. Les ingénieurs de la BRC ont construit et conçu de nombreux projets névralgiques pour le pays sans recourir à une main d’oeuvre étrangère et dilapider de précieuses devises. En effet, l’actuel ministère de l’Energie situé à Hydra, à Alger, est l’oeuvre de ces ingénieurs algériens. Le nouveau hôpital militaire d’Oran, un joyau architectural, a été aussi conçu par les ingénieurs et architectes algériens de la défunte BRC. Le joli siège régional de Sonatrach à Oran, l’hôpital militaire de Constantine, des bases de vie à Hassi Berkine et Tifernine ainsi que plusieurs autres infrastructures publiques ont été livrées à l’Algérie dans les délais et en respectant les normes de construction les plus modernes.

 

Lorsque leur ancienne entreprise fut dissoute sur fond du scandale politico-financier qui a secoué Sonatrach, et dont on ignore encore les dessous, les ingénieurs algériens ont été réintégrés et repris par la compagnie pétrolière nationale. Cette réintégration a été gérée de manière tellement catastrophique que ces compétences ont fini par se retrouver au placard, alors que “l’Algérie recourt à des ingénieurs étrangers pour réaliser les projets de développement de ses plans quinquennaux”, dénoncent de nombreux observateurs proches de ce dossier.

 

Payés à faire… des mots croisés

 

Il est vrai que le gâchis est phénoménal. Preuve en est, parmi les 600 ingénieurs, 200 d’entre eux ont quitté l’Algérie pour les pays du Golfe comme Dubaï aux Emirats ou le Qatar. Certains sont allés au Canada. “200 compétences algériennes qui font aujourd’hui le bonheur des sociétés internationales et des pays étrangers”, regrette Mokhtar, un architecte décorateur, installé aujourd’hui à Dubaï. “Nous avons quitté notre pays parce que la Sonatrach nous a humiliés. Nous avons été enfermés dans des bureaux sans rien faire. Nous n’avions plus aucune marge de manœuvre. Nous subissions la bureaucratie de Sonatrach sans pouvoir contester. Nous touchions des salaires pour faire des mots croisés pendant toute la journée, alors qu’auparavant, nous concevions des maquettes futuristes pour notre pays”, s’indigne Mokhtar, qui n’oubliera jamais cette traversée du désert vécue à Sonatrach.

 

Les mots croisés et se tourner les pouces, tel est le triste destin des 400 cadres de la BRC qui ont décidé de rester dans leur pays. A Dely Ibrahim, au niveau de la Direction engineering des infrastructures de Sonatrach, les 160 ingénieurs et anciens employés de BRC , affectés par Sonatrach à cette direction, vivent une véritable souffrance psychologique. “Nous avons perdu notre génie. Auparavant, on bossait vraiment sur des projets ambitieux. On sortait sur le terrain, on travaillait d’arrache-pied, on imaginait des plans et des maquettes, on cherchait des solutions aux problèmes du pays dans notre secteur. Aujourd’hui, on stagne. Ni projet, ni travail sérieux, on lit les journaux, on fait des propositions et on reste dans les bureaux à tuer le temps”, confie un ingénieur qui regrette les beaux jours de BRC, où les ingénieurs algériens suivaient au moins trois séminaires de formation par an, la norme internationale dans une multinationale, pour améliorer leurs compétences. “A Sontrach, on a perdu plus de 30 % de notre salaire. Nous avons subi des reconversions insensées. Un ancien chef de projet dans les années 90, redevient en 2015, un simple ingénieur ! Un chef de département est rétrogradé sans aucune explication. Nous ne servons plus à rien, alors qu’on pourrait aider notre pays dans ses grands chantiers”, souligne un ancien cadre de BRC, aujourd’hui à Sonatrach.

 

L’urgence d’un audit de la ressource humaine à Sonatrach

 

Mise à l’écart, discrimination, baisse de salaires, horizons professionnels bouchés, ces ingénieurs algériens formés, pourtant, aux techniques modernes grâce au management américain, sont livrés à eux-mêmes. Ceux qui peuvent démissionner et partir du pays le font et s’en vont pour gagner des salaires en plusieurs milliers de dollars. D’autres se contentent des 90 mille DA par mois de Sonatrach et guettent un quelconque changement. En attendant, l’Algérie accuse un déficit immense en matière de suivi des projets et du contrôle de la qualité des matériaux de construction. Notre pays peine à se moderniser et recourt à des sociétés étrangères, alors que des compétences nationales existent et ne demandent qu’à être sollicitées.

 

Le sort de ces ingénieurs devrait inciter nos décideurs à lancer un véritable audit concernant la politique de gestion de la ressource humaine dans les entreprises publiques, notamment à Sonatrach. Les objectifs de développement de l’Algérie ne seront jamais atteints, si nos autorités laissent en jachère de si précieuses compétences ou les mettre à la disposition d’autres pays par négligence.

 

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