Zoubir8 174 Posted April 5, 2015 Partager Posted April 5, 2015 L'Algérie et la halalmania, ou l'empire de la bigoterie 08/10/2014 à 12:20 Par Cherif Ouazani Jeune Afrique Salon international du livre en Algérie. Salon international du livre en Algérie. © CITIZENSIDE/FAYCAL NECHOUD / AFP Si en Algérie l'islamisme politique a été neutralisé et le jihadisme circonscrit, à défaut d'être éradiqué, la bigoterie, elle, progresse de manière préoccupante. L'exécution, le 24 septembre, d'un ressortissant français dans le massif du Djurdjura, à une centaine de kilomètres à l'est d'Alger, est-il le signe d'une radicalisation des esprits, voire d'un renouveau du terrorisme en Algérie ? Rien n'est moins sûr, les premiers éléments de l'enquête ayant établi que les ravisseurs ne sont pas de nouvelles recrues jihadistes mais des vétérans des Groupes islamiques armés (GIA), survivance d'un passé pratiquement révolu depuis l'adoption par référendum, en 2005, de la politique de réconciliation nationale engagée par Abdelaziz Bouteflika. Mais la nette diminution des capacités de nuisance des groupes terroristes et le recul de l'islamisme politique qui l'a accompagnée contrastent avec le regain de religiosité, voire de bigoterie que connaît la société algérienne. Premier indice de cette tendance : la croissance exponentielle de l'affluence dans les mosquées. Laquelle s'explique en partie par ce que les Algériens appellent avec humour "promotion zelzla" (promotion "tremblement de terre"), désignant par là "les croyants de la peur", dont la vocation apparaît comme par magie à la suite d'une catastrophe naturelle. Séismes et répliques entretiennent ainsi l'assiduité dans les lieux de culte. Selon les fidèles de la vingt-*cinquième heure, le bikini serait le premier responsable de l'activité sismique en Algérie. "Chez nous, ironise Hanane, étudiante en sociologie à Sétif, la panique fait le bigot." Le 1er août, à la suite d'un tremblement de terre (six morts et beaucoup de dégâts dans le vieux bâti de la capitale) dont l'épicentre se situait à une vingtaine de kilomètres au large d'Alger, les mosquées ont accueilli plus de fidèles que d'habitude, génération spontanée de pratiquants convaincus que "tout cela est de la faute des femmes qui se dénudent sur les plages et se prélassent au soleil, indifférentes au regard des hommes". Ainsi, selon ces fidèles de la vingt-*cinquième heure, le bikini serait le premier responsable de l'activité sismique en Algérie. L'indigence de la vie politique n'est sans doute pas étrangère au recentrage des débats sur des thèmes sociétaux ou, en l'occurrence, sur des tartufferies relayées par les médias et les réseaux sociaux, et dont l'opinion est devenue friande. La controverse, jamais innocente Yadjouz aw la yadjouz ? "Licite ou illicite ?" Chez certains, la controverse n'est jamais innocente et l'arrière-pensée politique toujours de mise. On instille le doute, quitte à travestir les faits. Exemple : des télécoranistes (de plus en plus nombreux avec la libéralisation de l'audiovisuel) ont ainsi dénoncé l'importation par des opérateurs privés de viande rouge prétendument non halal. Et de s'en prendre au laxisme du gouvernement coupable d'autoriser le commerce de viande bovine importée sans vérifier si les conditions d'abattage des bêtes au Brésil, en Argentine ou en France respectent les préceptes de l'islam. "Ces carcasses sont-elles halal ?" s'interroge Cheikh Chemsedine, prédicateur vedette de la chaîne Ennahar TV. Pour étayer son propos, il propose des images non datées tournées dans un abattoir d'Amérique latine. Durant une semaine, le débat fait rage, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit qu'il s'agit en réalité d'une guerre entre importateurs. Autre sujet de controverse entretenue par les télécoranistes : les crédits Ansej, du nom de l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes, un dispositif mis en place par le gouvernement pour promouvoir l'autoentrepreneuriat chez les jeunes. Certains imams ont dénoncé ce système en invoquant le caractère illicite du riba ("l'usure"), les prêts étant assortis de versements d'intérêts. "C'est une attitude totalement hypocrite, déplore Mohamed Aïssa, ministre des Affaires religieuses. Ces pseudo-imams encouragent la fraude fiscale, qu'ils présentent comme une ruse commerciale et non comme une atteinte à la loi. Tout comme ils déclarent licite le paiement de pots-de-vin pour faire passer un conteneur de marchandise contrefaite, voire avariée. Bien sûr, il s'agit d'une infime minorité de nos fonctionnaires, dont le comportement menace la longévité professionnelle." Les enseignements de la "tragédie nationale" Selon lui, le regain de religiosité ne saurait effacer les enseignements tirés de la "tragédie nationale", à savoir l'insurrection islamiste des années 1990. "La décennie noire n'est pas un simple accident de l'Histoire, mais le fruit d'une agrégation de dysfonctionnements au sein de deux institutions de la République : l'école et la mosquée. Résultat : dilution de l'islam ancestral au profit d'un islam importé totalement étranger aux valeurs de cohabitation religieuse pacifique qui ont, de tout temps, caractérisé la société algérienne." Parallèlement au traitement militaire et politique du phénomène jihadiste, un effort de réflexion a été engagé au début des années 2000 pour prémunir la société contre toute tentation de récidive. Premier chantier, l'école. Pour le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, il s'agit de revoir de fond en comble les programmes en matière d'éducation islamique : "Les livres scolaires semblent destinés à former des muftis [hommes de religion énonçant des avis juridiques] plutôt que des citoyens." Instruction a été donnée au département de Nouria Benghebrit, ministre de l'Éducation nationale, de réviser en profondeur la teneur des cours d'éducation islamique afin de s'assurer que l'école, le collège et le lycée soient totalement imperméables à "l'idéologisation de la religion". Déficit en cadres abyssal Pour Mohamed Aïssa, l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques a engendré deux perceptions antagonistes de l'islam, l'un, officiel et au service de l'État, l'autre, revendicatif. "L'islam n'est ni l'un ni l'autre, et l'extrémisme est le résultat de ces errements. Il faut réhabiliter notre islam ancestral. Celui de Cordoue. Un islam accepté par l'autre et acceptant l'autre. Notre référent religieux national ? Nous sommes des sunnites de rite malékite ouverts aux autres rites - ibadite, caractéristique de la région du M'Zab, hanafite, fruit de la longue présence [cinq siècles] ottomane et à l'écoute de l'exégèse hanbalite -, car notre société doit s'adapter au temps et à l'espace. Notre islam cohabite pacifiquement avec les autres cultes, héritage de notre histoire." Comment débarrasser le référent religieux national de l'étiquette d'islam officiel ? "C'est toute la difficulté de la tâche. Comment l'État doit-il gérer le culte, sans interférer dans sa pratique ?" D'abord en faisant en sorte que les lieux de culte ne soient pas confiés à de faux prédicateurs et à de vrais charlatans. "Notre islam est celui des Lumières, pas celui de la roqia ["exorcisme"]. Notre imam n'a pas vocation à interdire ou à autoriser, mais à être un modèle de rectitude." Mais le déficit en encadrement est abyssal. "Nous ne disposons que de 23 000 cadres pour gérer nos 17000 mosquées, explique Mohamed Aïssa, et la majorité des 120 diplômés annuels en sciences islamiques se révèle incapable de diriger la prière. Pis, nombre d'entre eux constituent des vecteurs de propagation d'idées radicales, car la gestion des salles de prière des campus universitaires échappe à notre vigilance." Vigilance dont fait heureusement preuve l'écrasante majorité d'une population vaccinée par la décennie noire. Citer Link to post Share on other sites
Zoubir8 174 Posted April 5, 2015 Author Partager Posted April 5, 2015 A Alger, le salon du livre en proie à l'intégrisme islamique Le Monde.fr Le 09.04.2009 Dans un contexte d'élection présidentielle jouée d'avance et d'expression citoyenne muselée, Nadia Khouri-Dagher s'élève contre l'avancée de l'intégrisme islamique en Algérie. Parmi les bonnes feuilles de son livre, L'Islam moderne, Des musulmans contre l'intégrisme (Hugo & Cie), cette enquête au Salon international du livre à Alger : L'arme de guerre des islamistes : des millions de livres ! Pour avoir une idée du marché du livre en Algérie et de ce que les gens lisent, indicateur pour moi le plus important, partout et en tous lieux, de ce qu'ils pensent, je me rends, en ce mois d'octobre 2007, au SILA, le Salon international du livre en Algérie. Le parc des expositions se trouve loin du centre-ville. Il me faut prendre un autobus, bondé en cette heure " creuse " de la matinée : 45 minutes debout, serrée comme dans le métro aux heures de pointe – sauf qu'à Alger, comme au Caire, comme dans d'autres villes arabes, c'est l'heure de pointe toute la journée et que les températures atteignent 30 à 40° presque six mois dans l'année… Serrée comme une sardine dans le bus, je sais que c'est aussi pour des raisons aussi triviales que cela que les femmes se voilent dans ces pays : ne pas se faire pincer les fesses dans un bus bondé, garder sa dignité lorsqu'on se retrouve poitrine contre poitrine, fesses contre fesses, avec de parfaits inconnus mâles, pendant de longues heures, chaque jour, pour aller travailler ou pour faire son marché. Station " Pins maritimes " : beaucoup de monde descend et se dirige vers le salon du livre, en ce jeudi, jour d'ouverture, à 11 heures du matin. Sur le chemin de terre qui mène de la route à quatre voies au parc des expositions, je croise plusieurs jeunes gens barbus, en djellaba et toque sur la tête, d'allure pauvre. Je commence ma visite par le pavillon le plus important, celui, selon le programme, qui abrite les éditeurs algériens et les grands éditeurs arabes et français. Fouille à l'entrée, contrôle des sacs, portique de sécurité : ces mesures de sécurité sont devenues tellement banales dans tous les pays désormais, des aéroports aux musées en passant par les universités, que l'on a presque oublié qu'elles sont la conséquence directe du terrorisme islamique, qui a ainsi imposé dans nos vies, où que nous vivions, des fouilles au corps, des indiscrétions dans nos sacs à main et, surtout, des files d'attente considérables que nous trouvons normales à présent : le terrorisme islamique est un nouveau fléau dont nous devons nous protéger, et nous prenons les mesures qu'il faut, les subissant comme, jadis, on supportait les mesures restrictives à notre liberté nous protégeant de la peste ou du choléra… Dans ce pavillon qui est le plus grand, les premiers stands importants sont tous des stands islamiques. Et ils sont impressionnants : des monceaux de livres, présentés sur des étagères, mais aussi sur des tables présentoirs et, surtout, posés sur le sol, en piles montant très haut. Je pense aux caravaniers de jadis qui devaient pareillement exposer leurs sacs d'épices, de laine et de coton, en vrac, plus il y en a plus le client va être attiré : les livres sont présentés comme dans un souk, marketing intelligent pour cibler la clientèle recherchée. Les livres sont superbes : des ouvrages reliés cuir, dorés sur tranche, avec de belles calligraphies arabes donnant les titres en couverture, et je lis – en arabe, bien sûr : Le Saint Coran, La Sira nabawiyya (Tradition du Prophète, qui est la vie de Mohammed), La Foi, Le Prophète, L'islam, Histoires de femmes dans le Coran, Histoire de l'islam, Ne sois pas triste – 22e édition (" Le livre qui s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires ", précise une pancarte posée sur la pile de dizaines d'exemplaires apportés pour le salon – combien en stock dans les containers à côté –, éditeur : Obeïkom Publishing, Ryad, Arabie Saoudite). Certains éditeurs proposent aussi des livres en français, et parmi ceux-ci : Le Prophète Commandant, L'Arrivée au but, Des hommes autour de l'envoyé de Dieu, Le Monde coranique, La Foi du croyant, Mohammed comme si tu le voyais, Comment embrasser l'islam, L'Islam sans peine à l'usage des enfants musulmans, Les Grands Péchés. Les éditeurs de ces titres en français… sont libanais ! Comme Dar Ibn Hazm, du nom du célèbre théologien et poète andalou du Xe siècle, auteur d'un traité sur l'amour qui fut l'un des "best-sellers" à l'époque, équivalent de L'Art d'aimer d'Ovide, et reste l'un des grands classiques de la littérature arabe. Ibn Hazm qui était libre-penseur, fut emprisonné plusieurs fois pour cela, et ses livres furent brûlés. Je ressens une rage à voir son nom détourné de la sorte pour proposer une littérature religieuse bon marché qu'il aurait, s'il était encore vivant, violemment combattue… D'autres éditeurs de littérature religieuse populaire sont libanais, et je ressens une grande honte : mon pays, la Phénicie, qui a inventé l'alphabet, sans lequel je ne serais pas là à vous écrire tout cela et vous ne seriez pas là à pouvoir me lire, Phénicie dont la ville-fondatrice, Byblos, tient son nom du mot grec biblios qui signifiait papyrus et signifiera livre plus tard, le Liban, foyer des lettres et de la pensée depuis l'Antiquité, terre de commerçants ataviques aussi, est devenu, pour suivre la loi économique d'airain de l'offre et de la demande, une terre d'éditeurs islamiques, qui inondent le monde arabe de leurs productions religieuses… Le stand d'à côté est celui de l'éditeur Dar el Fikr – littéralement Éditions de la Pensée (!) –, dont je lirai sur leur site Internet : "Bismillah el rahman el rahim - Dar el Fikr is one of the largest islamist companies in the Middle East"… En savoir plus sur A Alger, le salon du livre en proie à l'intégrisme islamique Citer Link to post Share on other sites
Zoubir8 174 Posted April 5, 2015 Author Partager Posted April 5, 2015 Sur un stand, j'ouvre Les Grands péchés et je lis, en français, p.176 : "Dieu a maudit le vin, celui qui le boit ou le donne à boire, qui le vend, qui l'achète, qui presse son fruit en jus, qui lui est pressé, qui le porte, qui lui est destiné, et celui qui touche son prix." J'apprends donc que je suis maudite, car je confesse boire du vin et y prendre un certain plaisir même, et je réalise par la même occasion que, chrétienne et buvant ce breuvage interdit, je suis maudite aux yeux de millions d'hommes et de femmes que je ne connais pas ! Je repense à cet été dernier en Tunisie. J'avais loué une maison dans le quartier balnéaire et résidentiel de la capitale où j'ai vécu des années, La Marsa. De retour du Monoprix, qui vend du vin tunisien de quelque 2 000 ans d'âge et dont certains crus sont excellents, un chauffeur de taxi, au vu de nos couffins chargés de ce breuvage maudit, avait tout bonnement refusé de nous emmener à la maison ! Parmi ces livres, il y en a une foule pour enfants, car le livre jeunesse est un secteur en pleine expansion dans les pays arabes : Histoire des prophètes pour enfants, Le Coran m'a appris… Et beaucoup de titres pour les femmes, dont de nombreux sur la vie conjugale et sexuelle qui respecte les principes de la charia : Le Mariage musulman heureux, Comment protéger mon fils de la débauche, Perdez votre ventre… Il y a d'autres livres aux titres qui me semblent très loin de ce que l'on nomme spiritualité et élévation de l'âme : De la préservation d'être souillé par l'urine, De la punition de celui qui se laisse sodomiser… Je finis par déprimer totalement, les larmes me montent aux yeux, d'impuissance et de rage, face à ces écrits médiocres, à cette non-littérature, à cette non-pensée, dans la capitale qui fut pendant des siècles l'un des foyers intellectuels de toute l'Afrique du Nord, de toute la Méditerranée… Car la foule des visiteurs du Salon est en majorité constituée d'hommes, jeunes, portant la djellaba, la toque, et parfois la barbe islamique… Autour de moi, depuis ce matin, dans ce Salon du livre d'Alger qui célèbre en grande pompe cette année 2007 où Alger a été nommée "capitale culturelle du monde arabe", dans cette capitale algérienne fruit de tant de penseurs et d'intellectuels depuis l'Antiquité, de Saint Augustin à Camus, qui a ouvert ses bras à tant d'esprits éclairés qui firent, de la lumière algérienne, jaillir un peu de lumière sur notre pensée et pour le monde entier, sur cette terre qui inspira à la fois Fernand Braudel et Germaine Tillion, mes deux gourous, mes deux maîtres, mes deux références absolues en matière d'études sur la Méditerranée, qui n'ont cessé de marteler qu'il n'y a pas de spécificité "musulmane" mais une identité méditerranéenne commune au Nord et au Sud des deux rives dont les racines remontent à la Grèce antique, dans ce Salon du livre d'Alger, je suis submergée de livres coraniques, d'exégèses islamiques, de lecteurs qui pour la plupart sont tous des hommes, barbus, en djellaba et en calotte islamique ! Très loin de la Vénus de Cherchell, aux formes voluptueuses, sculptée nue, sur ces terres mêmes… Ces hommes jeunes vont de stand en stand, parfois en groupes de trois ou quatre, quittent les stands avec des cartons pleins qu'ils portent sur leurs épaules, et ils s'en vont reprendre le bus pour emportent tous ces livres dans leurs mosquées, dans leurs centres culturels islamiques, dans leurs villes de province, dans leurs villages illettrés. Ils font leurs provisions une fois pour l'année, comme jadis les paysans venaient dans les foires de la Mejderda acheter leur grain pour l'année. Lorsque je les croise dans les allées, aucun ne daigne croiser mon regard : je suis une femme, et mon regard seul est souillure pour eux, interdit, péché – pour eux je n'existe pas, ils ne peuvent pas me voir. Et je réalise ce que je n'avais jamais réalisé depuis vingt ans que je travaille sur ces pays arabes et que je les vois évoluer : que l'une des toutes premières stratégies islamiques, sinon la première, est d'une telle évidence et d'une telle facilité, se passe tellement au vu et au su de tous que, nous, Occidentaux, musulmans laïcs et éclairés, libres-penseurs du monde entier, croyants ou athées, ne l'avions pas vue, telle la lettre de Poe posée sur une table : En savoir plus sur A Alger, le salon du livre en proie à l'intégrisme islamique Citer Link to post Share on other sites
Zoubir8 174 Posted April 5, 2015 Author Partager Posted April 5, 2015 LA DIFFUSION DU MESSAGE ISLAMIQUE PASSE PAR LES LIVRES. LES LIVRES ISLAMIQUES SONT DISTRIBUÉS POUR UNE BOUCHEE DE PAIN ! Il n'y a donc pas que les télévisions satellitaires, plus ou moins coraniques. Le livre, censé être chez " les gens du livre" LA référence absolue, joue un rôle-clé dans l'offensive islamique menée aujourd'hui. Car livre et religion sont intimement liés en pays d'islam. Étymologiquement, le Coran, Qur'an en arabe, vient de la racine "qara'a" qui veut dire "lire", "qira'a" veut dire "lecture", et "qari" désigne indifféremment le lecteur (d'un livre), le lettré, et… le récitateur du Coran : s'il peut le réciter, c'est qu'il sait le lire ! En français, de la même façon, on appelle bibliophile celui qui aime les livres, bibliothèque le lieu où on les range, et le livre saint chrétien, la Bible, vient du mot grec "biblos" ("papyrus"), qui donnera en grec Biblion, "livre". En arabe, c'est exactement pareil : dans les deux – et même les trois – monothéismes, le livre saint fut souvent le premier – et le seul – livre lu et possédé par ceux qui savaient lire : moines chrétiens ici, récitateurs du Coran là, rabbins pour les autres… Et de la même façon que pendant longtemps, dans l'Europe illettrée, le seul livre que possédaient bien des familles, où seul l'un des membres savait lire, était une Bible, de la même façon qu'autrefois en France on donnait à lire aux jeunes filles et jeunes gens avides de lire des vies des Saints, les jeunes générations d'Arabes nouvellement alphabétisés, dont les parents étaient illettrés, commencent d'abord par se ruer vers les premiers livres vers lesquels se tournent les tout fraîchement lettrés : non pas des romans, non pas des BD, non pas des livres de sciences sociales, mais des livres qui vous parlent de religion, car c'est ce qui vous est le plus familier, une science que vos parents connaissent aussi, dans laquelle vous avez baigné enfant car elle rythmait le rythme de l'année, les fêtes et les grands rassemblements, Aïd El Kébir, Aïd El Séghir, la Grande Fête, la Petite Fête… Donc logiquement, les premiers livres que veulent acheter ces millions de garçons et de filles, d'hommes et de femmes – car il y a quelques femmes voilées parmi les visiteurs aussi – fraîchement alphabétisés, sont des livres religieux. Les éditeurs de cette littérature islamique foisonnante en arabe viennent d'Arabie Saoudite, de Syrie, du Liban, d'Égypte… Ils ont trouvé un moyen infaillible pour répandre leur bonne parole : la diffuser à très grande échelle, et à très bas prix. Stratégie marketing de base du monde capitaliste d'aujourd'hui. Outre leur quantité phénoménale – ils représentent, à vue de nez, en volume plutôt qu'en nombre de stands, car leurs stands sont gigantesques, les 2/3 ou 3/4 des livres exposés dans ce pavillon principal –, la principale caractéristique de ces livres islamiques, est leur très bas prix. Les livres islamiques coûtent une bouchée de pain, et c'est pour cela qu'ils se vendent autant ! Les islamistes, dont on savait qu'ils maîtrisent tous les outils des technologies modernes pour diffuser leur message – d'Internet aux technologies satellitaires télévisées – maîtrisent donc également cette autre science-clé pour gagner de la puissance en notre monde moderne : le marketing. La science de la vente. Ces commerçants ataviques n'ont pas mis longtemps à comprendre ce que nos Carrefour, Auchan, et Discount Stores ont compris il y a des décennies : si vous voulez vendre aux masses, vous devez vendre BON MARCHÉ. De beaux Corans reliés cuir, format A4, sont vendus 350 dinars, soit 3,5 euros, et les livres de poche islamique se vendent 1 euro : ce qui est économiquement impossible vu le prix du papier sur le marché mondial. Rien de comparable avec le prix d'un livre étranger – le roman Chicago, de l'Égyptien Alaa El Aswanay, publié chez Actes Sud, et qui dénonce férocement l'hypocrisie islamiste et ses accointances avec le pouvoir égyptien, est vendu 13,50 euros – en phase avec le prix en France. Même chez les éditeurs algériens, qui vendent le livre moins cher qu'en France car les coûts d'impression locaux sont moins élevés, un livre ne coûte pas moins de 7 ou 8 euros. Le livre arabe Ne sois pas triste, ce livre " vendu à plus d'un million d'exemplaires dans le monde ", est proposé à 400 dinars : 4 euros. Dans ce salon du livre, c'est le prix d'un sandwidh et d'un coca… Des livres islamiques subventionnés… stratégie redoutable ! Je repense aux propos de Boussad Ouadi, le libraire de la Librairie des Beaux-Arts, sur la " terrible force de frappe " que représentent ces éditeurs islamistes… Il m'avait aussi parlé de " combines ", d'impressions réalisées à Chypre, de papier sur lequel on ne payait pas de taxes… Et je me demande : que représente le coût d'un livre, le coût d'un million de livres, pour des puissances pétrolières riches à milliards… Sur le site de Obeikan publishers, l'éditeur saoudien du best-seller Ne sois pas triste, je lis : "Obeikan is established in 1991 (1141 H.) as one of the largest bookstores in the Middle East. It includes more than 100,000 books. In 1995 Obeikan established its own publishing division. […] With the beginning of the new Millenium, Obeikan Bookshops, believing in its message to spread knowledge, launched an ambitious expansion plan." L'éditeur fait partie du groupe "Obeikan: investment group", qui, comme l'indique la page d'accueil, est un holding spécialisé dans… le papier, le carton et l'emballage ! Sur mon ordinateur apparaît une usine très étendue, aux bâtiments soigneusement alignés et bordés de palmiers ; en animation sur fond musical, des images défilent : boîtes de sablés Ritz, dentifrice Colgate, piles de livres reliés cuir, bouteilles en plastique de Coca-Cola ou de Fanta, emballages de médicaments aussi… Obeika se compose de plusieurs divisions : Obeika Printing, Obeika Packaging, Obeika Flexible Packaging, Obeika Saint Gobain Performance Plastics, Obeika Paper Mill, Elopak, etc… "Obeika Publishers and Booksellers" n'est que l'une des activités de ce groupe industriel tout puissant. Sur l'écran, je lis aussi (fautes de grammaire incluses) : "Obeika investment group would like to strenghten its position in the market through introducing her products to meet the customer needs for printing and packaging materials." Loi de l'offre et de la demande : vous voulez du livre religieux ? "Customer need ?" On va vous en produire ! J'imagine la force de frappe colossale de tels groupes industriels, dont l'édition n'est que la "danseuse" et qui peut être subventionnée par les profits colossaux des autres divisions du groupe, j'imagine cette force de frappe – non, je l'ai sous mes yeux, là, avec ces stands gigantesques, ces livres luxueux bradés à prix cassés, et je comprends que la guerre entre islamistes et anti-islamistes est d'abord, avant d'être une guerre idéologique, une guerre économique. Me reviennent en mémoire des flashes de voyages : en 1994, en reportage au Mali, la première vision aperçue sur la route menant de l'aéroport à l'hôtel avait été une gigantesque mosquée, flambant neuve, avec une grande affiche indiquant "Don de Sa Majesté le Roi Fahd"… Et sur les marchés de Bamako, à côté des tongs en plastique et des tee-shirts importés de Chine, des oignons et des bananes vertes, on trouvait, mis en vrac pareillement par terre sur un tissu de pagne, des centaines de petits livres islamiques, en français, J'apprends à faire ma prière, Le Bon musulman… Ces livres en français, de quelques dizaines de pages parfois, d'un format minuscule et qui étaient vendus l'équivalent d'un franc français, proposaient la version phonétique des récitations de prières coraniques. En ouverture de ces livres, on pouvait lire ainsi, en transcription phonétique : " Bismillahou lrahman elrahim ", puis des sourates pareillement, en transcription phonétique, pour ce public d'Afrique de l'Ouest non arabphone...Retournant les petits livres, imprimés sur du papier bon marché, presque du papier journal, j'avais lu "Don de l'Ambassade d'Iran"… Au Caire, séjournant à l'hôtel Shepheard's, qui est l'un des meilleurs de la ville, j'avais trouvé dans le tiroir de la table de chevet un beau Coran relié de cuir vert, "Don de sa majesté le Roi d'Arabie Saoudite". Je l'avais pris car je ne possédais pas de Coran en arabe et n'avais jamais songé à en acheter un ; le fait d'avoir embarqué ce livre m'était aussitôt apparu comme un acte induit par la présence même du livre saint dans chaque chambre de cet hôtel de luxe. De la même façon, lors d'une exposition organisée par je ne sais plus quel État du Golfe, il y a quelques années, à l'Institut du monde arabe à Paris, des milliers de beaux Corans reliés cuir, en traduction française, avaient été gracieusement distribués aux visiteurs. Et je songe que je n'ai vu qu'aux États-Unis une Bible dans chaque chambre d'hôtel… Les États-Unis sont, intérêts pétroliers obligent, les meilleurs alliés de l'Arabie Saoudite et un pays qui verse de plus en plus dans le populisme religieux, avec l'extraordinaire emprise des églises évangéliques, aussi éloignées du christianisme authentique que l'islamisme l'est de l'islam, et qui exploitent pareillement la détresse des plus pauvres – noirs, latinos, immigrés. Avec aussi, la montée en puissance d'une certaine droite anti-avortement, anti-droits des femmes, heureusement contrée par la récente élection d'un démocrate… Citer Link to post Share on other sites
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