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Histoire des costumes algériens


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Le costume de Kabylie (Source : https://azititou.wordpress.com/)

 

Dans les régions montagneuses, l’histoire du costume reste moins mouvementée que dans les villes. Les modes féminines y sont rarement sujettes aux mutations et aux métissages car l’isolement géographique entrave les communications avec les grands centres urbains.

 

De plus, les conditions de vie modestes des populations rurales et leur méfiance à l’égard des cultures étrangères et des nouveautés quelles peuvent véhiculer ralentissent le renouvellement du patrimoine vestimentaire.

 

Bien que les monts de Kabylie regardent vers la mer, les tribus autochtones manifestent de la réticence envers les navigateurs et les marchands phéniciens. Elles ignorent le principe de la tunique orientale cousue et munie de manches.

 

En revanche, elles partagent avec les tribus des autres massifs montagneux d’Afrique du Nord celui du péplum en laine retenu par deux fibules. Ce vêtement, commun aux costumes antiques de plusieurs populations méditerranéennes, semble identique au peplos des femmes grecques de l’époque dorienne. Il démontre que, dès les origines, le costume kabyle est sans doute moins autarcique qu’il n’apparaît à première vue.

 

Jusqu’au début du XXe siècle, le péplum en laine, appelé akhellal, constitue la pièce maîtresse du costume kabyle. Tissé sur le métier domestique dont est pourvue chaque maison de Kabylie, il est souvent confectionné à partir de fils de laine non teintée. L’akhellal uni et écru cohabite cependant avec des modèles plus compliqués, parcourus de stries verticales polychromes contenant des motifs géométriques aux coloris chauds, tels que le rouge carmin, le brun ou l’orange.

 

Dépourvu de coutures, ce rectangle de laine doit être plié en deux avant de s’appliquer sur le corps. Ses extrémités, terminées par des franges, débordent ainsi le long du côté qui demeure ouvert. Un second type de péplum, plus étroit que l’akhellal, se drape de la même manière et requiert également la présence d’une ceinture nouée autour de la taille : les femmes lui donnent le nom de ta’leout.

 

Enfin, un tissage encore moins ample, appelé dil, orné de décors géométriques, peut remplacer les péplums. Il s’agit d’une simple couverture en lainage qui se porte sur le dos en guise de cape ou de manteau, mais qui nécessite elle aussi une paire de fibules et une ceinture. Ces différents types de drapés habillent les villageoises kabyles depuis l’Antiquité et à l’instar de tous les vêtements méditerranéens antiques, ils ne peuvent se passer de la fibule pour se maintenir sur les épaules.

 

Les fibules, ibzimen, sont toujours en argent massif. De forme triangulaire, elles s’agrémentent de gros cabochons de corail rouge. Leur surface s’enrichit également de lignes géométriques gravées, de dessins filigranés et de granules d’argent. Il est probable que ces éléments ornementaux aient été empruntés aux bijoux des cités portuaires les plus proches, pendant l’époque romaine.

 

En effet, la résistance farouche des Berbères kabyles aux envahisseurs n’empêche pas la pénétration de certaines techniques d’orfèvrerie romaines. Peut-être faut-il attribuer aux populations des plaines et des centres urbains qui ont été repoussées vers les montagnes par les conquérants romains ce transfert de techniques artisanales. Plus tard, les fibules se couvrent d’émaux cloisonnés bleus, verts et jaunes ; c’est vraisemblablement aux artisans de l’Espagne musulmane que les bijoux kabyles doivent leur polychromie étonnante.

 

Véhiculée par les exilés andalous installés à Béjaïa, ce procédé est d’abord utilisé par les orfèvres citadins avant de parvenir à leurs confrères des montagnes voisines. Ainsi, la rusticité des péplums hérités de l’Antiquité contraste avec la complexité des fibules qui les fixent au corps. D’ailleurs, ces dernières sont souvent reliées par une chaîne chargée d’une amulette carrée émaillée et sertie d’un cabochon de corail central.

 

Outre les fibules triangulaires spécifiques aux drapés, les femmes kabyles possèdent un éventail varié de fibules, toutes garnies d’émaux et de coraux, telles que les taharaht, les tibzimin circulaires et les petites idouiren arrondies épinglées aux foulards de tête.

 

La tabzimt la plus précieuse s’accroche au niveau de la poitrine ou du front, en fonction de la coutume suivie par les habitantes de chaque village : réservée au costume nuptial, puis au costume de fête, elle présente parfois un diamètre imposant et des coraux de grande taille.

 

La splendeur de cette fibule circulaire permet d’affirmer que l’originalité de la parure des villageoises kabyles compense la simplicité de leurs vêtements privés de broderies. Certes, les bracelets comme l’énorme aboub et l’amechloub couverts d’émaux filigranes ou les hauts bracelets de chevilles en argent ciselé appelés ikhelkhalen, parfois incrustés de cabochons de corail, sont rarement exhibés au quotidien.

 

De même, les énormes boucles d’oreilles, Letrak, et le diadème, ta’essabt, déposé sur le bandeau qui coiffe la mariée n’apparaissent qu’occasionnellement. Plus faciles à porter, les boucles d’oreilles du type tigouedmatin, ainsi que les innombrables colliers composés de pièces émaillées serties de coraux, de demi- sphères en argent, de pendeloques de différentes formes et de fragments de corail à l’état brut, parfois aussi de clous de girofle, peuvent accompagner l’akhellal de tous les jours.

 

Si les tissages de laine suffisent à confectionner l’essentiel de la garde-robe kabyle, les villageoises ne bannissent pas pour autant l’usage des soieries. Elles se procurent des voiles et des amples foulards soyeux provenant de la capitale pour compléter leur costume nuptial. Le pagne de laine ou de cotonnade, appelé fouta ou fouda, aux rayures jaunes, rouges et noires existe lui aussi dans une version plus raffinée, entièrement tissée de soie, qui couvre les épaules de la mariée, fixée par une tabzimt ronde.

 

L’introduction de ces pièces en soie date probablement du XVe ou du XVIe siècle, lorsque les liens entre les chefs des tribus kabyles et les rois d’Alger se consolident. La proximité de la ville encourage également l’émergence d’une plus grande variété de couvre-chefs pendant la période ottomane. Ce rapprochement se devine à travers les noms assignés aux différents types de fichus et de coiffes, tels que l’amendil, omniprésent dans toute la Kabylie, qui désigne un foulard de tête de coton noir ou de soie jaune bordé de franges, dérivé du mendil citadin, dont les extrémités sont remontées et attachées au-dessus du front. La timehremt, liée à la meherma algéroise, qui couvre la chevelure avant de se nouer sous le menton, la ta’jart, parente de la voilette’ejar, portée par les femmes kabyles en guise de bandeau frontal, et surtout la tabniqt, similaire à la bnika brodée qui enrobe la chevelure humide des Algéroises après le bain, mais qui s’élève ici au rang de coiffure nuptiale, témoignent toutes de l’influence du costume de la capitale.

 

Les emprunts au patrimoine vestimentaire citadin se concrétisent moins au niveau des bijoux que des autres formes d’accessoires, tels que les rares modèles de chaussures dont les tibechmaqin en cuir inspirés des bechmaq citadins. Seul le diadème ta’essabt hérite du concept de la’assaba d’Alger.

Au contraire, parmi les accessoires, la ceinture, agous ou tisfifin, fait exception puisqu’elle reste spécifique au costume kabyle : elle se façonne à partir de plusieurs longues tresses de fils de laine aux coloris lumineux enroulées autour de la taille et terminées par trois glands. Les femmes lui attribuent des pouvoirs prophylactiques, d’où son statut privilégié par rapport aux autres types de ceintures. Enfin, les vêtements évoluent à l’écart des modes algéroises, même si l’irruption de l’ahaïk, voile blanc endossé lors des longs déplacements, puis de la taqendourth, première tunique en laine cousue sur les côtés qui s’enfile sous le péplum à fibules, révèle l’influence respective du haïk et de l’ancienne gandoura.

 

Au début du XXe siècle, les tissus manufacturés atteignent les hauteurs du Djurdjura. Ils poussent les villageoises à renoncer progressivement au tissage de l’akhellal. La suppression du péplum millénaire propulse alors la taqendourth vers une position externe; en l’espace de quelques années, elle devient l’élément principal du costume féminin kabyle.

 

Cette robe munie de manches longues se caractérise par sa coupe simple, rendue originale par la présence d’un empiècement rectangulaire situé entre épaules et poitrine. Il est cerné de galons de différentes couleurs qui se retrouvent autour des poignets et le long du bord inférieur du vêtement. Coupée dans des cotonnades imprimées de motifs fleuris polychromes, la taqendourth s’avère idéale pendant la saison chaude, mais elle ne suffit pas à protéger les femmes de la rudesse de l’hiver.

 

Privées de l’akhellal et du dil en laine, celles-ci se contentent de superposer deux ou trois robes. La fouta aide à les maintenir en place autour des hanches et des jambes. Ainsi, avant le milieu du XXe siècle, le costume féminin connaît une véritable mutation. Seule la tenue nuptiale garde, comme dans certaines villes dont Tlemcen, le souvenir du drapé antique : la chemise blanche aux manches de tulle brodé et la taqendourth ou djebba sans manches de soie rouge, orange, rose, blanche ou jaune, bariolée de galons dorés, qui habillent la mariée sont couvertes par un large pan d’étoffe soyeuse.

 

Ce péplum qui semble une réplique de la melhafa citadine se referme autour du corps à l’aide de deux fibules; il s’appelle timelheft.

 

La parure subit aussi quelques transformations pendant la première moitié du XXe siècle. Elle tend à s’appauvrir ; l’introduction de la tehzamth, ceinture à boucle rigide en argent émaillé serti de petits coraux, ne compense pas l’abandon des énormes fibules circulaires et des boucles d’oreilles du type letrak. Plus tard, les ikhelkhalen, sans doute trop onéreux, disparaissent aussi de la panoplie des bijoux kabyles. Enfin, la ta’essabt et la large ceinture en soie arrangée autour de la tête qui lui sert de support connaissent le même destin.

 

Pourtant, au cours des dernières décennies du XXe siècle, malgré la raréfaction du corail rouge et l’emploi de plus en plus fréquent de faux coraux en celluloïd, les artisans kabyles, en particulier ceux de Beni-Yenni, exécutent encore des parures de grande beauté, fidèles à l’ancienne tradition. Quant à la taqendourth, elle s’agrémente d’une quantité importante de passements aux couleurs vives qui dessinent des motifs de plus en plus étendus et compliqués en guise de véritables broderies. Cette recrudescence des galons polychromes, associés aux émaux et aux coraux des bijoux, confère au costume kabyle une luminosité inégalable.

 

Extrait de Leyla Belkaid.

 

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Voilà mirabata!

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