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Il y a 200 ans, la guerre algéro-américaine de 1815 (1) et la mort du Raïs Hamidou


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ALGER- Après la proclamation, en 1783, de l’indépendance des Etats-Unis (Traité de Paris), les navires de commerce américains ne furent plus protégés par le pavillon britannique.

 

Le blocus du détroit de Gibraltar par une croisière perpétuelle espagnole puis par une escadre portugaise préserva momentanément le commerce américain dans l’Atlantique des attaques des croiseurs de la Régence d’Alger.

 

Le début des négociations de paix, en juin 1785, entre l’Espagne et la Récence et l’armistice conclue plus tard entre celle-ci et le Portugal, ouvrit le détroit aux croiseurs algériens qui se ruèrent dans l’Atlantique à la recherche de navires de commerce américains.

 

En plus de deux navires pris en 1785, les corsaires de la Régence capturèrent, pendant le seul mois d’octobre 1793, dix navires américains et cent dix neufs captifs s’entassaient dans les bagnes d’Alger à la fin de l’année 1793.

 

Le Dey Hassan (1790-1798) refusa toute négociation avec les américains et déclara « Qu’il avait assez de pain pour les nourrir et qu’il ne les libérerait jamais même si des millions de dollars devraient couler dans ses coffres ».

 

L’opinion publique américaine, relayée par les exportateurs des produits agricoles réclama au gouvernement des mesures énergiques.

 

Au Congrès, les Fédéralistes du Nord, partisans avec John Adams, d’une solution avec Thomas Jefferson, recommandent le recours à la force.

 

La Chambre des Représentants finit par voter, le 2 janvier 1794, par deux voix de majorité, une résolution « exigeant de prévoir, de suite, une force navale suffisante pour assurer la protection du commerce des Etats-Unis contre les corsaires algériens. » Un bill conseillant la création d’une flotte de six frégates fut adopté par le Congrès et signé par le Président Georges Washington.

 

La doctrine militaire retenue était que ces frégates « devraient réunir les qualités de résistance, de rapidité et de force telles qu’elles soient supérieures à n’importe quel type de frégate européenne. »

 

La « quasi guerre » avec la France devenant inévitable, les Etats-Unis s’empressèrent d’achever ce programme de construction et de procéder à l’achat de navires de guerre si bien qu’ils se trouvèrent, en 1798, en possession de 38 excellentes unités.

 

Cette force ne trouva pas à s’employer contre la Régence d’Alger avec laquelle la paix avait été signée en septembre 1795, moyennant un fort tribut annuel et la fourniture d’une frégate de 36 canons construite et équipée aux frais des Etats-Unis.

 

Cette flotte s’illustra par contre pendant la « quasi guerre » contre la France, durant laquelle elle prit, entre le début des hostilités à la fin de l’année 1800, pas moins de 90 navires de guerre et de commerce.

 

Les relations entre les Etats-Unis et la Régence d’Alger ne furent pas troublées jusqu’en 1800, lorsque la frégate « Georges Washington », du capitaine William Bainbridge, fut réquisitionnée par le Dey Mustapha Pacha pour conduire une délégation à Constantinople auprès du Sultan Selim III. Bainbridge en appela, en vain, au droit international et finit par céder sous la menace d’une rupture avec les Etats-Unis.

 

Les incidents se multiplièrent. Au début de 1808 le Dey Ahmed Khodja réclama et obtint 18000 dollars en compensation de la perte de huit marins algériens jetés par-dessus bord, trois mois auparavant, par l’équipage du Shooner « Mary Ana » de New York. Le 17 juillet 1812, le Dey Hadj Ali réclama le paiement d’un arriéré de 27000 dollars sur les sommes payées depuis le traité de 1795 et ordonna à ses croiseurs de courir sur les navires américains, si bien que des captifs américains furent à nouveau des pensionnaires des bagnes d’Alger.

 

La fin de la guerre Anglo-américaine (Traité de Gand en 1814) permit aux Américains de dépêcher en Méditerranée une imposante escadre commandée par le commodore Stephen Decatur (2).

 

L’escadre qui fit sensation à son arrivée à Gibraltar se mit immédiatement à la recherche de croiseurs algériens. Le 17 juin 1815, elle identifia, au large du cap de Gate, le Meshouda, vaisseau amiral d’Alger portant le pavillon du Raïs Hamidou et équipé de 44 canons.

 

La doctrine militaire adoptée par la marine américaine s’avéra payante. Les navires l’Epervier, la Guerrière et l’Ontario, aussi fins voiliers que le Meshouda lui coupèrent toute possibilité de retraite vers un port espagnol neutre et l’obligèrent à prêter le flanc à la frégate Constellature qui foudroya le pont du navire algérien. Malgré sa blessure qui l’obligea à se tenir assis, l’Amiral algérien continua à diriger son navire lorsqu’il fut carrément coupé en deux par un boulet de la frégate la guerrière montée par Decatur.

 

Il a fallu neuf bordées tirées par le Sloop « Epervier » pour que l’équipage amène son pavillon et cesse sa défense héroïque qui fit l’admiration des américains.

 

Les sources américaines font état de 4 morts et 10 blessés côté américain, contre 50 morts et 400 prisonniers côté algérien.

 

Pendant ce temps, un autre drame se nouait à Waterloo où un général de l’armée de Napoléon déserta et se rendit aux lignes prussiennes avant la bataille.

 

L’escadre américaine qui captura en plus brick algérien, se dirigea vers Alger, où tous les croiseurs algériens se trouvaient en mer. Decatur et le commissaire William Shaller exigèrent que les discussions aient lieu à bord de la Guerrière. La ville sans défense capitula et le Dey Omar se résigna, sous la bouche des canons américains à la signature d’un traité imposé par les Etats-Unis y compris, chose inouïe depuis la création des la Régence, le paiement d’indemnités de guerre.

 

Cette défaite de la régence ouvrit la voie, l’année suivante au bombardement de la ville par une flotte ango-holandaise qui acheva le mythe de l’invincibilité d’El Djazaïr et mahroussa.

 

Pendant les années qui suivirent ces défaites, les sept palies d’Egypte s’abattirent sur la Régence (peste endémique, famine, sauterelles, révoltes paysannes, dépréciation vertigineuse de la monnaie etc). La Régence ainsi affaiblie et minée de l’intérieure constitua une proie idéale pour les milieux d’affaires et autres ultra français, qui procédèrent au blocus d’Alger dès 1827 pour aboutir à la chute de la Régence en 1830, mais ceci est une autre histoire.

 

Avec la doctrine Monroe et le corollaire Roosevelt les Etats-Unis se détournèrent de la Méditerranée et concentrèrent leurs activités économiques et militaires en Amérique latine.

 

Les protagonistes de cette histoire tumultueuse connurent des fortunes diverses.

 

Le Raïs Hamidou fut enseveli, à sa demande, dans les eaux de Gibraltar. Omar Pacha que l’Odjak accusa d’apporter le mauvais œil sur la Régence fut exécuté par la milice. Decatur fut tué lors d’un duel avec son collègue le commodore Barron ; il mourut dans d’indicibles souffrances en s’écriant « I did not Know that any man could suffer such a pain ». Les chroniqueurs du temps y voient une vengeance posthume du Raïs Hamidou.

 

William Shaler fut nommé en 1815 Consul Général des Etats-Unis à Alger jusqu’en 1828 puis muté à la Havane où il mourut du choléra en 1833. Le général français déserteur à Waterloo, de Bourmont fut désigné comme commandant en chef du corps expéditionnaire français qui envahit l’Algérie en 1830. La troupe qui n’oublia pas sa trahison à Waterloo le railla et chantait en sourdine :

 

« Alger est loin de Waterloo

 

On ne déserte pas sur l’eau

 

De notre général Bourmont

Ne craignons pas la trahison »

 

Du côté américain, le personnage le plus attachant demeure Thomas Jefferson. Gouverneur de Virginie, ambassadeur à Paris, secrétaire d’Etat sous Georges Washington et deux fois présidents des Etats-Unis.

 

Philosophe, agronome, inventeur et architecte, il fut l’auteur principal de la déclaration d’indépendance de 1776. Il était arabisant et grand lecteur du Coran dont un exemplaire lui appartenant se trouve de nos jours à la bibliothèque du Congrès à Washington. Il fut un protecteur vigilant de la minorité musulmane descendant des morisques expulsés d’Espagne par l’inquisiteur. Il donna même un iftar à la maison blanche le 9 décembre 1805 en l’honneur de l’envoyé tunisien Sidi Soliman. L’ironie du sort voulut qu’il décéda 50 ans après la déclaration d’indépendance dont il fut l’architecte, le même jour que son prédécesseur John Adams qui, à l’article de la mort, s’écria « Thomas Jefferson est-il encore de ce monde ? »

Note 1: Sous l’appellation générique de « Barbary Wars » la première guerre (The Just Barbary Wars de 1801 à 1805 qui est appelée également « the Tripolitanian War » qui vit un affrontement cornée direct avec la seule Régence de Tripoli.

 

La seconde guerre dirigée contre la Régence d’Alger en 1815 est également nommée « The Algerine War

 

Note 2 : Stephen Decatrur réussit un célèbre coup de main contre Tripoli qui a suscité l’admiration de l’amiral Nelson qui qualifia la Provence du commodore de « The most bold and daring act of the age ».

 

Le Commodore fut l’auteur du fameux toast longtemps en usage dans la marine américaine « A notre pays qu’il eut tort ou raison ».

 

Bibliographie sommaire

 

Les lecteurs intéressés par cette histoire consulteront avec profit :

 

Histoire de la guerre entre les Etats-Unis et Tripoli- (Stephen Cleveland Blyth)

Américains et barbaresques (Emil Dupuy)

Histoire d’Alger sous la domination turque 1815-1830 (Henri-Demals de Grammout)

Alger et Tunis au 18è siècle (Ventur de Paradios)

Le Miroir (Hamdan Ben Othmane Khodja)

La France, les Etats-Unis et la guerre de copurse 1797-1815 (Ulare Bonel)

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