Jump to content

Zohra Drif au Soir D’Algérie : «Il y a eu un véritable coup d'état institutionnel»


Recommended Posts

Propos recueillis par Abla Chérif

Au cours de cet entretien, Mme Zohra Drif s'est effondrée deux fois en larmes en évoquant la gravité de la situation que traverse le pays. Selon elle, une véritable mafia tente actuellement de prendre totalement le pouvoir dans le pays. Elle appelle les Algériens et les Algériennes à se réveiller.

 

Le Soir d’Algérie : Vous êtes choquée par les évènements qui se sont déroulés à l’APN. Mais que s'est-il passé exactement ?

Mme Zohra Drif : Choquée par deux évènements graves: le premier s'est déroulé avant la plénière. Dans la nuit de jeudi à vendredi, avant la fameuse plénière où le projet de loi de finances 2016 est passé par une coup de force. Je suis profondément choquée mais surtout interpellée. D'abord en tant que parlementaire, je suis membre du Sénat, Conseil de la Nation, ensuite en tant que juriste, je suis avocate de profession, et enfin en tant que femme algérienne patriote, combattante pour la libération de mon pays et pour la démocratie, telle que conçue pendant la guerre de Libération. Ce qui s'est donc passé est un véritable coup d'Etat institutionnel au niveau de la commission des finances et du budget de l'APN.

Le président de l'APN en porte l'entière responsabilité ainsi que le bureau de cette insitution. Le dénommé Djamaï, président du groupe parlementaire du FLN qui n'est pas membre de la commission des finances, a débarqué pendant les travaux de la commission des finances et des budgets qui travaillait alors sur les amendements faits par les députés en plénière pour rédiger le rapport de la commission à présenter dans une dernière plénière. Cet individu a violé, en terme de droit c'est une violation, les travaux de la commission, accompagné des députés FLN qui lui sont acquis et qui ne sont pas membres de la commission des finances pour obliger cette même commission à revenir sur des décisions qu'elle a prises souverainement à la majorité au moins une semaine avant. Et pour ce faire, il a utilisé les moyens les plus haïssables. Il viole le règlement intérieur de l'APN qui est une loi.

 

Quels procédés a-t-il utilisés ?

Les pressions. Les députés de l'opposition et ceux qui avaient par exemple voté souverainement l'abrogation de l'article 71, l'article 66, dans le cadre d'un fonctionnement normal de la commission ayant vu que ces individus étaient prêts à utiliser tous les moyens les plus inqualifiables ont quitté la salle pour empêcher que les décisions souveraines soient remises en cause. A ce moment Djamaï a pris la place du président de la commission des finances qui est lui-même député du FLN mais qui avait pris ces responsabilités avant. Il a pris sa place et il a fait remettre en cause des décisions prises souverainement par la commission des finances et des budgets. Je fais remarquer au passage que cette commission comme les autres d'ailleurs sont des commissions institutionnalisées. On ne peut pas changer les membres de cette façon, selon les bons vouloirs des prédateurs et des mafieux et que cet évènement-là est déjà un coup d'Etat. Au service de qui, et qui représente-t-il ?

 

J'allais vous poser la question...

C'est un coup d'Etat au service de la mafia. La mafia politico-financière.Ce qui s'est passé le jour de la plénière et que la presse a parfaitement couvert, ce n'est que la finalisation publique du coup d'Etat. A ce moment-là, qui est interpellé? D'abord, le président de l'APN lui-même qui accepte un coup d'Etat institutionnel ensuite tout le Conseil de la Nation, c'est l'autre Chambre du Parlement algérien, l'autorité supérieure du pays, le gouvernement mais aussi tous les citoyens et les citoyennes. Je vais dire quelque chose de très grave: même aux moments les plus sombres du parti unique jamais l'Algérie n'a vécu cela. C'est mon premier choc et le premier moment de révolte. Le deuxième, c'est ce qui s'est passé durant la plénière. Cela s'apelle un coup de force, un coup d'Etat. Et donc mes camarades signataires de la demande d'audience et moi-même sommes hélas confortés pour maintenir plus que jamais notre demande et en tant que parlementaire, en tant que juriste, en tant que moudjahida j'interpelle mon frère président de la République, frère de combat, pour lui dire sais-tu qu'il y a un vrai coup d'Etat dans notre pays? Pour les intérêts de qui ? La mafia.

 

Qui est cette mafia ?

Ce qui s'est passé est la mise à nu d'une partie de ces gens-là. Quiconque a participé au coup de force pour faire passer un projet de loi de finances qui signifie le siphonnage de l'argent des Algériens, quiconque a participé directement en votant ou en faisant voter, quiconque a cautionné et enfin quiconque a présenté ce projet de la honte de la haute trahison au peuple algérien et aux chouhadas, tous ces gens-là font partie de la mafia politico-financière que mon amie Louisa Hanoune appelle très justement l'oligarchie. Dans notre demande d'audience au président de la République nous avons d'ailleurs qualifié très clairement ces gens-là comme étant des prédateurs, c'est le pouvoir parallèle occulte. Illégitime. Il se met à nu et la dernière sortie du secrétaire général du néo-FLN est l'une des preuves de cette mise à nu.

 

Que voulez-vous dire par là ?

Je suis choquée. Toutes mes camarades signataires de la demande d'audience le sont, c'est le cas de Khalida Toumi, de Badia Sator, de Meriem Benhamza et, j'en suis sûre, de tous mes camarades hommes. Je vais plus loin, c'est le cas de toutes les femmes algériennes militantes des droits des femmes et de la démocratie. Nous sommes révoltées, profondément révoltées. Comment sommes-nous arrivés dans notre pays à avoir des responsables politiques aussi vulgaires ? Aussi scandaleusement misogynes, irrespectueux de ces femmes, et même de l'Algérie et de son peuple ? Je tiens à préciser que l'attaque contre Louisa Hanoune est une attaque contre toutes les femmes de l'humanité. Je suis juriste et je mesure ce que je dis. Sur le plan moral d'où sort cet individu? C'est une atteinte aux chahidate, à Hassiba Ben Bouali. J'interpelle tout le monde, les femmes mais aussi les hommes et je dis: chahidate et chouhada, sortez de vos tombes (Zohra Drif verse de chaudes larmes). Est-ce que l'Algérie de Hassiba Ben Bouali mérite d'avoir des personnes comme cela à la tête de pays majoritaires par la grâce de la fraude et qui usurpent le nom du FLN de Ben Bouali, de Ben M'hidi et de Bitat aussi... ? Vous savez, "poule pondeuse" est une expression qui a plusieurs sens je vous laisse le soin de deviner ce qu'il en est... Il est indigne d'être à la tête du FLN.

 

Le secrétaire général du FLN semble cependant pourtant s'exprimer au nom du pouvoir.

Le Bouteflika que je connais, celui de la révolution. Si Abdelkader ne peut pas admettre que le FLN ait à sa tête un homme qui n'hésite pas à traîter les femmes de cette manière. Qui n'hésite pas à traiter des militantes de cette façon.

 

Pourquoi le Président Bouteflika n'agit pas donc ?

Nous ne savons pas et c'est pour cela que nous avons formulé cette demande d'audience pour clarifier ces choses. Jusqu'à l'heure, il ne nous a pas répondu et nous n'avons aucune preuve qu'il ait reçu la lettre alors nous maintenons notre demande d'être reçus par le Président.

 

Vous avez évoqué un coup d'Etat institutionnel. Où peut-il mener ?

Ce coup d’État renseigne sur la nature du pouvoir si jamais ils le prenaient entièrement. Ce sera la pire des dictatures. Ils tirent sur tout ce qui bouge, ils violent les règlements intérieurs du Parlement, ils font des coups de force pour faire passer ce qu'ils veulent... Cela veut dire: Algériens, Algériennes, réveillez-vous, ce qui nous attend avec ces gens-là, c'est une dictature avec la pire des polices politiques. Jamais l'Algérie n'a connu cela auparavant. Actuellement, ils ont une partie du pouvoir, ils veulent la totalité de ce pouvoir. Ce qu'ils ont fait à l'APN renseigne sur ce qui nous attend, qu'à Dieu ne plaise, si jamais ils réussissaient. Mon message en tant que moudjahida c'est que Ben M'hidi et Hassiba ont laissé des millions de femmes et d'hommes prêts à se sacrifier pour les en empêcher. Nous les empêcherons.

 

Que signifient, selon vous, tous ces changements au sein du DRS ?

Je suis une civile, je ne connais pas le fonctionnement de l'ANP et ses démembrements, cependant, je suis fière de l'ANP et de tous ses démembrements qui sont les dignes héritiers de l'ALN. (Zohra Drif pleure encore une fois) Est-ce que ceux qui ont tout sacrifié pour que l'Algérie ne sombre pas dans l'Etat islamique méritent cela? Des cadres civils qui ont subi le même sort viennent me voir au Conseil de la nation et me racontent leur souffrance. J'imagine qu'il en est de même pour ces cadres militaires. Je suis moudjahida, ancien membre de l'ALN et militante de la démocratie. Je fais partie de ces millions d'Algériens et Algériennes aujourd'hui prêts à mourir pour que le pays ne retombe pas entre les mains de l'ancien colonisateur. Ces mafieux qui veulent s'emparer de la totalité du pouvoir prennent leurs directives chez l'ancien colonisateur. Mon message est clair.

A. C.

Link to post
Share on other sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Guest
Répondre

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

×
×
  • Create New...