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Baudelaire


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Guest Luciana

Oooh Baudelaire ... je suis amoureuse de cet homme. :o

 

J'allais citer une strophe que j'affectionne particulièrement de "L'héautontimorouménos" dans le topic "Extraits", quand je me suis rendue compte que ce poète méritait largement qu'on lui consacre un topic :o

Je suis la plaie et le couteau !

Je suis le soufflet et la joue !

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau !

 

 

Et voici le poème dans son intégralité:

 

 

L'héautontimorouménos

 

 

Je te frapperai sans colère

Et sans haine, comme un boucher,

Comme Moïse le rocher !

Et je ferai de ta paupière,

 

Pour abreuver mon Saharah,

Jaillir les eaux de la souffrance.

Mon désir gonflé d'espérance

Sur tes pleurs salés nagera

 

Comme un vaisseau qui prend le large,

Et dans mon coeur qu'ils soûleront

Tes chers sanglots retentiront

Comme un tambour qui bat la charge !

 

Ne suis-je pas un faux accord

Dans la divine symphonie,

Grâce à la vorace Ironie

Qui me secoue et qui me mord ?

 

Elle est dans ma voix, la criarde !

C'est tout mon sang, ce poison noir !

Je suis le sinistre miroir

Où la mégère se regarde.

 

Je suis la plaie et le couteau !

Je suis le soufflet et la joue !

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau !

 

Je suis de mon coeur le vampire,

- Un de ces grands abandonnés

Au rire éternel condamnés,

Et qui ne peuvent plus sourire !

 

Spleen et idéal, Fleurs du mal.

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un des textes de Baudelaire que j'affectionne...

L’étranger

"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?

 

- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

 

- Tes amis ?

 

- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

 

- Ta patrie ?

 

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

 

- La beauté ?

 

- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.

 

- L'or ?

 

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

 

- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

 

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

Charles Baudelaire

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Guest Luciana
un des textes de Baudelaire que j'affectionne...

L’étranger

"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?

 

- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

 

- Tes amis ?

 

- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

 

- Ta patrie ?

 

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

 

- La beauté ?

 

- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.

 

- L'or ?

 

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

 

- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

 

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

Charles Baudelaire

 

 

Je l'aime beaucoup, moi aussi...

Cet étranger qui n'est autre que Baudelaire lui-même.

 

L'étrangère, ne me dis pas que c'est de là que vient ton pseudo !?

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Guest Luciana
Non Luciana, mon pseudo ne vient pas de ce poème, que j'avais déjà posté à cause du vers 10.

 

D'accord !

 

Cela dit, je trouve qu'il te va bien : l'étranger répond en vouvoyant alors qu'on le tutoie, et il n'aime pratiquement rien ni personne :p

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Guest Luciana

Enivrez-vous

 

Il faut être toujours ivre. Tout est là: c’est l’unique question.

 

Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

 

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.

 

Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue,

 

demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est;

 

et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront: “Il est l’heure de s’enivrer!

 

Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.

 

Le Spleen de Paris

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Un de mes préférés...mais il y en a tant...

 

Au Lecteur

 

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,

Occupent nos esprits et travaillent nos corps,

Et nous alimentons nos aimables remords,

Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

 

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches;

Nous nous faisons payer grassement nos aveux,

Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,

Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

 

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste

Qui berce longuement notre esprit enchanté,

Et le riche métal de notre volonté

Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

 

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!

Aux objets répugnants nous trouvons des appas;

Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,

Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

 

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange

Le sein martyrisé d'une antique catin,

Nous volons au passage un plaisir clandestin

Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

 

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,

Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,

Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons

Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

 

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,

N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins

Le canevas banal de nos piteux destins,

C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

 

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,

Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,

Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,

Dans la ménagerie infâme de nos vices,

 

II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!

Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,

Il ferait volontiers de la terre un débris

Et dans un bâillement avalerait le monde;

 

C'est l'Ennui! L'oeil chargé d'un pleur involontaire,

II rêve d'échafauds en fumant son houka.

Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,

— Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère!

— Charles Baudelaire

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j'aime beaucoup la gracieuse légèreté de certains poèmes de Baudelaire...quand il n'était pas sous "influence" ou pris par le spleen...

 

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;

Retiens les griffes de ta patte,

Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

Mêlés de métal et d'agate.

 

Lorsque mes doigts caressent à loisir

Ta tête et ton dos élastique,

Et que ma main s'enivre du plaisir

De palper ton corps électrique,

 

Je vois ma femme en esprit. Son regard,

Comme le tien, aimable bête

Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

 

Et, des pieds jusque à la tête,

Un air subtil, un dangereux parfum

Nagent autour de son corps brun.

 

1dce9697.gif

 

Charles BAUDELAIRE

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Guest Luciana
j'aime beaucoup la gracieuse légèreté de certains poèmes de Baudelaire...quand il n'était pas sous "influence" ou pris par le spleen...

 

Hahaha... Oui, et c'était rare !

Pour ma part, c'est dans ses moments les plus "noirs" que j'apprécie le plus Baudelaire. Car c'est dans ces moments-là qu'il se libérait, entièrement...

 

Puisque tu suggères la place que tenait le haschisch et de l'opium dans les oeuvres et la vie de Baudelaire, je partage cet auto-portrait qui a été fait sous leur influence :

8287062autoportrait-jpg.jpg

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Hahaha... Oui, et c'était rare !

Pour ma part, c'est dans ses moments les plus "noirs" que j'apprécie le plus Baudelaire. Car c'est dans ces moments-là qu'il se libérait, entièrement...

 

Puisque tu suggères la place que tenait le haschisch et de l'opium dans les oeuvres et la vie de Baudelaire, je partage cet auto-portrait qui a été fait sous leur influence :

8287062autoportrait-jpg.jpg

 

Il s'est vu 2 fois plus grand que la colonne Vendôme pour le coup..

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  • 2 weeks later...
Guest Luciana

Hymne

 

A la très chère, à la très belle

Qui remplit mon coeur de clarté,

A l'ange, à l'idole immortelle,

Salut en l'immortalité !

 

Elle se répand dans ma vie

Comme un air imprégné de sel,

Et dans mon âme inassouvie

Verse le goût de l'éternel.

 

Sachet toujours frais qui parfume

L'atmosphère d'un cher réduit,

Encensoir oublié qui fume

En secret à travers la nuit,

 

Comment, amour incorruptible,

T'exprimer avec vérité ?

Grain de musc qui gis, invisible,

Au fond de mon éternité !

 

A la très bonne, à la très belle

Qui fait ma joie et ma santé,

A l'ange, à l'idole immortelle,

Salut en l'immortalité !

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Guest Luciana

L’horloge

 

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit : » Souviens-toi !

Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible,

 

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon

Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

A chaque homme accordé pour toute sa saison.

 

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix

D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,

Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

 

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

 

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.

Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

 

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,

Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),

Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

 

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

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  • 2 months later...
Guest Luciana

Danse macabre

 

A Ernest Christophe

 

Fière, autant qu'un vivant, de sa noble stature,

Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants,

Elle a la nonchalance et la désinvolture

D'une coquette maigre aux airs extravagants.

 

Vit-on jamais au bal une taille plus mince ?

Sa robe exagérée, en sa royale ampleur,

S'écroule abondamment sur un pied sec que pince

Un soulier pomponné, joli comme une fleur.

 

La ruche qui se joue au bord des clavicules,

Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,

Défend pudiquement des lazzi ridicules

Les funèbres appas qu'elle tient à cacher.

 

Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres,

Et son crâne, de fleurs artistement coiffé,

Oscille mollement sur ses frêles vertèbres.

Ô charme d'un néant follement attifé.

 

Aucuns t'appelleront une caricature,

Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,

L'élégance sans nom de l'humaine armature.

Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher !

 

Viens-tu troubler, avec ta puissante grimace,

La fête de la Vie ? ou quelque vieux désir,

Éperonnant encor ta vivante carcasse,

Te pousse-t-il, crédule, au sabbat du Plaisir ?

 

Au chant des violons, aux flammes des bougies,

Espères-tu chasser ton cauchemar moqueur,

Et viens-tu demander au torrent des orgies

De rafraîchir l'enfer allumé dans ton coeur ?

 

Inépuisable puits de sottise et de fautes !

De l'antique douleur éternel alambic !

A travers le treillis recourbé de tes côtes

Je vois, errant encor, l'insatiable aspic.

 

Pour dire vrai, je crains que ta coquetterie

Ne trouve pas un prix digne de ses efforts ;

Qui, de ces coeurs mortels, entend la raillerie ?

Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts !

 

Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pensées,

Exhale le vertige, et les danseurs prudents

Ne contempleront pas sans d'amères nausées

Le sourire éternel de tes trente-deux dents.

 

Pourtant, qui n'a serré dans ses bras un squelette,

Et qui ne s'est nourri des choses du tombeau ?

Qu'importe le parfum, l'habit ou la toilette ?

Qui fait le dégoûté montre qu'il se croit beau.

 

Bayadère sans nez, irrésistible gouge,

Dis donc à ces danseurs qui font les offusqués :

" Fiers mignons, malgré l'art des poudres et du rouge,

Vous sentez tous la mort ! Ô squelettes musqués,

 

Antinoüs flétris, dandys, à face glabre,

Cadavres vernissés, lovelaces chenus,

Le branle universel de la danse macabre

Vous entraîne en des lieux qui ne sont pas connus !

 

Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange,

Le troupeau mortel saute et se pâme, sans voir

Dans un trou du plafond la trompette de l'Ange

Sinistrement béante ainsi qu'un tromblon noir.

 

En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire

En tes contorsions, risible Humanité,

Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,

Mêle son ironie à ton insanité !

 

 

 

En parlant de l'art macabre, je pense qu'il serait temps de le remettre au gout du jour ... vu la tournure que prend le monde !

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  • 2 weeks later...
Guest Luciana
Il y a ce sonnet de Baudelaire que j'aime particulièrement et qui me parle assez :

http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/l_ennemi.html

 

EDIT : Rani 7afdou lol

 

Vas y, récite-le :D

 

Je le colle ici, pour une meilleure visibilité

 

 

L'ennemi

 

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils ;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

 

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,

Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

 

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

 

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,

Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

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