Zoubir8 174 Posted December 8, 2016 Partager Posted December 8, 2016 http://ultimaratio-blog.org/archives/8148 Leçons de l’engagement des chars Leclerc au Yémen Posted on 2 December 2016 by Invité Par l’adjudant Guillaume Paris, instructeur spécialiste à l’Ecole de cavalerie En cours depuis 2015, la guerre civile au Yémen est peu couverte par les médias nationaux. Pourtant, les combats qui y font rage ont vu se déployer un nombre important de blindés. En effet, afin d’appuyer le gouvernement, une puissante coalition emmenée par l’Arabie Saoudite a pris part à ce conflit. Soutenus par la France, les États-Unis et le Royaume Uni, les coalisés alignent des matériels occidentaux et, surtout, appliquent des doctrines issues de « l’école » occidentale du combat en zone urbaine. Leclerc Yémen Ces doctrines semblent cependant avoir été mal appliquées par les coalisés avec des systèmes d’armes qui n’étaient pas toujours adaptés. Les engagements de la coalition en zone urbaine n’ont pas, au début, respecté les principes du combat urbain. Les attaques sur les zones habitées n’avaient pas la préparation requise pour des raids blindés et, une fois sous le feu, les unités paniquaient et rompaient le combat en mauvais ordre. Les batailles de Ma’rib ou de Aden en sont les parfaits exemples. Les rebelles ne cherchent pas à capturer les engins abandonnés. Ils les utilisent à des fins de propagande puis les détruisent. Cela dans l’optique de ne pas alourdir leur charge logistique mais également pour éviter que ces engins ne retournent chez les coalisés. Ces pertes sèches expliquent probablement les récents achats d’armement terrestres par l’Arabie saoudite auprès des Etats-Unis pour un montant de 1,15 milliards de dollars. Dans le cadre de l’opération « restaurer l’espoir » de la coalition arabe au Yémen contre les rebelles Houthis, les Émirats Arabes Unis ont déployé 70 à 80 chars Leclerc depuis le printemps 2015. Il s’agit du premier engagement au combat du principal char de bataille français par une armée étrangère. Cette opération mérite à ce titre un retour d’expérience autant au niveau de la préparation opérationnelle et logistique, que de l’emploi tactique des chars en opération et de leur résistance au feu ennemi. Cet exemple doit aussi nous servir en vue de ne pas laisser notre supériorité technologique et doctrinale nous aveugler sur les capacités d’un adverse déterminé à vaincre. Une préparation opérationnelle adéquate La préparation opérationnelle des unités déployées a été bien anticipée en amont. Les unités désignées pour rejoindre le Yémen ont pu s’entrainer régulièrement en simulateur ou en manœuvre avant d’être projetées. Les équipages ont par exemple pu se familiariser avec les kits AZUR[1] même si tous les chars ne furent pas équipés. De nombreuses campagnes de tir leur ont également permis de parfaire leur savoir-faire et maîtriser l’emploi des obus explosifs OE F1, nouvellement perçus. Au niveau tactique, les unités ont participé à des entraînements au camp de Hamra et Thouban pour acquérir les fondamentaux de la manœuvre en zones urbaine, désertique et même montagneuse, afin de coller au mieux à la réalité du terrain yéménite. Des emplois tactiques variés Les unités Leclerc ont été employées pour remplir plusieurs missions dans des contextes variés. Les chars ont été répartis dans deux bataillons blindés au sein d’une brigade blindée qui comprenait par ailleurs un bataillon mécanisé sur BMP3 et une batterie d’artillerie équipée de G6. Engagés tout d’abord ensemble pour la prise de Al anab, les deux bataillons blindés furent séparées pour la suite des opérations, un restant sur Aden et l’autre poursuivant vers l’intérieur du pays. Ces unités furent tout d’abord employées en zone urbaine ou périurbaine, en action offensive dès le début de leur engagement pour la bataille d’Aden (mars-juillet 2015) puis pour la prise de la base aérienne d’Al-Anad. Peu de temps après la conquête de cette base, le premier bataillon blindé se retrouva en posture défensive et mena des contre-attaques en zone urbaine et montagneuse, certainement sous forme de raids blindés, afin de chasser les troupes ennemies qui menaçaient la base depuis les hauteurs voisines. Par la suite, les forces émiriennes ont employé les Leclerc du second bataillon blindé dans des actions offensives en zone montagneuse autour de Ma’rib ou en zone urbaine sur Sabr mais avec des résultats mitigés. Les chars servirent également dans des rôles secondaires, comme par exemple en appui-feu au profit de l’infanterie ou en position statique pour la protection des PC. 69d556z Le soutien logistique sur le théâtre d’opération Le déploiement des chars Leclerc au Yémen a bénéficié d’un soutien logistique remarquable. La chaîne de ravitaillement en pièces de rechange ou en équipement a été assurée par air ou mer (Le port d’Aden servira de port de ravitaillement après la prise d’Al anab et la reconquête de la ville) puis par voie terrestre jusqu’aux troupes aux contacts. Les unités logistiques émiriennes ont ouvert des voies de réparation technique et de ravitaillement jusqu’au plus bas échelon, ce qui est évidemment capital pour la disponibilité opérationnelle des engins et leur capacité tactique. Sur trois mois de combats, un bataillon de chars pouvait ainsi consommer en moyenne 200 obus de 120mm de trois types différents. L’évacuation des personnels blessés, parfois nombreux comme par exemple lors des combats de Ma’rib, ne fut pas négligée et participa à la bonne tenue de la troupe. Là aussi, des voies aérienne ou terrestre de soutien sanitaire furent crées afin d’évacuer les blessés dans les meilleurs délais. Le Leclerc au combat Les chars Leclerc ont été exposés à des conditions de combats difficiles et à un feu ennemi précis. Les machines ont souffert du sable et des rocailles de leurs zones d’opérations. La poussière soulevée par les engins mais surtout le sable ont réduit les performances des armements. Les mitrailleuses lourdes de 12,7mm et de 7,62mm ont connu de fréquents ratés du fait d’enrayement inopinés. La nature du terrain a aussi provoqué une recrudescence des pannes des électro-ventilateurs de dépoussiérage moteur à cause de l’accumulation du sable et de la poussière autour de la partie arrière du char lors de ses déplacements. Enfin, les patins des chenilles ont subis une usure rapide face au terrain rocailleux des hauteurs du Yémen, forçant certains engins à rouler a même la chenille entraînant une usure prématurée et la dégradation de certains éléments du train de roulement comme les barbotins, par exemple. atf Le feu ennemi a été appliqué face aux Leclerc de manière pragmatique. Les optiques du viseur chef et du tireur ont été systématiquement mitraillés par des armes collectives ou par des fusils de précision. L’armement de toit a lui aussi été mitraillé en vue de le rendre inutilisable (câbles de mise de feu sectionnés ou corps de l’arme perforé). Certains chars ont subi des tirs d’armes collectives lourdes sur l’arrière afin de détruire le groupe motopropulseur (GMP) mais sans grand succès. Les Leclerc ont également été victimes de mines anti-char et d’IED qui ont mis à rude épreuve les trains de roulement de trois engins, sans provoquer cependant de perte humaine. Tous les chars endommagés ont par ailleurs pu être réparés avec succès. En revanche, un Leclerc aurait été définitivement neutralisé par un tir direct de missile guidé antichar. La charge creuse aurait traversé la partie frontale du char au niveau du poste de pilotage tuant le pilote et blessant le chef de char aux jambes. Le modèle du missile n’est pas connu mais à la lumière des photos des dégâts et en suivant les vidéos postées par les rebelles sur les combats autour de ma’rib on peut raisonnablement penser qu’il ne s’agit pas de Kornet mais plutôt d’AT5 ou AT5B Konkurs/Konkurs M. L’engin aurait pu être ré-engageable après réparation car aucun élément technique nécessaire à la mise en œuvre du système d’arme n’a été endommagé. Cela nous rappelle qu’aucun char n’est indestructible. D’ailleurs, les Saoudiens ont perdu au moins 9 M1A2 suite à des tirs anti-chars. Etudier la possibilité de la pose d’une protection additionnelle comparable au système LEDS ou un blindage réactif comme le système russe Relikt pourrait permettre de pallier le manque de protection sur certaines parties du char. x175239-pagespeed-ic-biw8y-qlw Leclerc émirien équipé d’un kit AZUR Enfin, les rebelles houthis ont mené une guerre électronique intense face aux systèmes de communication. Les postes radio d’origine française des chars ont ainsi été affectés par des brouillages, des intrusions ou des interceptions. Conclusion Les chars Leclerc ont eu une disponibilité opérationnelle plus que satisfaisante grâce à une bonne chaîne logistique émirienne. Les engins se sont bien comportés face au feu ennemi et aucune perte ne fut irrémédiable. Néanmoins, le seul char touché – de face – par une arme antichar aurait été perforé et neutralisé. Ainsi, le bilan des Leclerc au Yémen est paradoxal, ils ont satisfait pleinement l’armée émirienne au niveau opérationnel et en même temps démontré des lacunes dans la protection de l’équipage. Le suivi des combats sur ce théâtre permettra de continuer à connaître les capacités au feu du Leclerc. Sur tous les lieux de conflits actuels, la zone urbaine est un lieu de combat incontournable. Les blindés se sont montrés indispensables à un combat interarmes seul capable d’emporter la décision dans cet environnement. Mais les blindés vont devoir évoluer pour s’adapter au mieux aux menaces qui évoluent dans ces zones. C’est notamment le sens du programme de valorisation du Leclerc qui devrait remédier à une bonne part des faiblesses identifiées. Suite à ce retour d’expérience, nous pouvons dégager quelques pistes d’amélioration pour nos chars : Pour le blindage structurel, l’utilisation de matériaux nano-cristallisés serait pertinente, comme c’est le cas sur Type 10 japonais. Du fait du coût prohibitif de cette technologie, il conviendrait de les intégrer dans les caissons évolutifs prévus sur Leclerc. En matière de soft kill, le Kit Balistique de Contre Mesure était pertinent pour le Leclerc. Il mixait DAL et brouilleur large bande. Le Détecteur d’Optique Pointé (DOP) JD3 présent sur les ZTZ 99 chinois est une piste intéressante surtout lorsque l’on sait que cette technologie est française à l’origine et a été utilisée sur sniper alley à Sarajevo. Pour rappel, ce système capte de manière multidirectionnelle les lasers ennemis et leur renverrait une impulsion plus importante, « grillant » le récepteur laser. En matière de hard kill, le retard accumulé par notre armée est important. L’achat sur étagère pourrait être une piste comme devrait le faire l’US Army avec l’Iron Fist israélien. L’Allemagne a développé l’AMAP-ADS (connu sous le nom de Shark en France) qui devrait entrer en service à Singapour. [1] Le kit AZUR ou action en zone urbaine équipant les Leclerc EAU est réduit par rapport au kit initial prévu pour la version France. En effet, il n’est constitué que des grilles anti RPG à l’arrière du châssis et de la tourelle et des plaques anti cocktail molotov recouvrant les persiennages sur la plage moteur. Enfin, un système de communication sans fil est aussi monté pour communiquer avec l’infanterie la plus proche. Seul 13 kits auraient été livrés aux EAU en 2011. Le succès de cet équipement auprès de la troupe a été tel que les Emiriens ont demandés d’autres kits à la France. Malheureusement, ces kits n’étant pas fabriqués en série et ne possédant pas de stock, la commande ne put être honorée. Citer Link to post Share on other sites
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