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Ces Français du FLN.


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23/02/2010

Jean-Marie Boeglin, "Pied-Rouge" jusqu'en 1981

 

Né en 1928.

 

Les paroles de Jean-Marie Boeglin étaient calmes et mesurées. Il n'eut aucune hésitation à se rappeler ses motivations qu'il véhiculait avec passion et conviction. Les valeurs de la Résistance contre les nazis était le moteur principal de son opposition à la guerre d'Algérie et en ce sens il souhaitait souligner la dette qu'il avait envers son père, qui était suisse-allemand et avait travaillé comme garde-barrière. Son père avait de fortes convictions communistes et, durant l'Occupation, était un membre dirigeant du FTP à Châlons-sur-Marne. Comme il expliquait pourquoi à son fils, il insista sur le fait qu'il n'était pas animé d'un sentiment anti-allemand mais qu'il prenait parti dans le combat international contre le nazisme, et cette distinction marqua profondément Boeglin. Après la chute de la France en 1940, Jean-Marie Boeglin fut envoyé dans la zone non-occupée, ne retournant à Châlons-sur-Marne qu'en 1942 quand les nazis étendirent l'Occupation au reste de la France :

 

« Il est toujours difficile d'expliquer le sens d'un engagement quand c'est l'évidence. C'était aussi évident pour moi pendant l'Occupation, c'est-à-dire que ça n'a posé aucun problème, qu'au moment de l'engagement contre la Guerre d'Algérie, je crois que ça s'est passé de la mémo manière... une sorte d'évidence. C'est-à-dire que de toute cette période de l'Occupation, pour moi, il en ressort deux grands mots : liberté, parce qu'on était occupé, parce qu'il y avait une force d'oppression et de résistance. Et il y a peut-être mon côté d'être toujours contre, je e suis un peu anarchiste. J'ai toujours été contre de nombreuses choses, contre la société, contre les injustices. »

 

 

 

La Seconde Guerre mondiale fit de Boeglin un pacifiste et un anti-militariste. Il espérait beaucoup de la Libération et pensait que la France allait être transformée de manière fondamentale. Quand on demanda au FTP de rendre les armes, Boeglin se sentit trompé : il était convaincu qu'il s'agissait d'un geste calculé, destiné à étouffer la révolution populaire. Il s'en souvenait comme d'une expérience difficile qui représentait la fin de ses illusions. De même, il fut profondément choqué de découvrir les camps de concentration. Plus tard, il découvrit les atrocités perpétrées par l'armée française en Algérie et le parallèle avec les camps de concentration fut immédiat dans son esprit.

 

 

 

Ce qu'il voyait comme l'échec de la Libération fit de Boeglin un marginal. Vers la fin des années 40 et le début des années 50, il avait été anarchiste et surréaliste, et tout naturellement n'avait eu aucun désir de se conformer à la norme. Il exprimait sa colère envers la société au travers d'actes provocateurs en dynamitant les portes de prisons pour en libérer les occupants, ou en urinant du haut du clocher de l'église locale sur les fidèles qui étaient en dessous. La manière dont il fut en 1951 expulsé des Jeunesses Communistes pour avoir été trop anarchiste et de la Fédération Anarchiste pour avoir été trop marxiste montrait la mesure de son rejet instinctif de toute autorité.

 

C'est à travers la guerre d'Indochine que Boeglin prit conscience du problème algérien. Avant 1954, il n'avait pas réellement suivi l'évolution des événements en Algérie : deux incidents en particulier le rendirent plus attentif. Le premier fut le mouvement des réservistes qu'il couvrait comme journaliste pour l'Union de Reims. À Rouen, en septembre 1955, il fut témoin de la révolte des réservistes ; puis à Grenoble durant le printemps 1956, il vit des milliers de personnes essayer d'arrêter un train qui partait pour l'Algérie. Malgré l'ampleur des manifestations, se souvenait Boeglin, il n'en était jamais fait mention dans la presse. Ses articles étaient régulièrement censurés ou réduits au dixième de leur longueur initiale. C'est à partir de ce moment-là que Boeglin se plaça passionnément et intellectuellement contre la guerre d'Algérie. Le second événement qui le fit réellement prendre conscience de la situation fut l'enlèvement de Ben Bella en 1956. Parmi les personnes capturées avec Ben Bella se trouvait Mostefa Lacheraf que Boeglin avait rencontré plusieurs fois dans les bureaux de la rédaction des Temps Modernes à Paris Il savait que Lacheraf était d'un naturel doux, et non le dangereux terroriste dont parlaient les rapports officiels. Boeglin savait que ces rapports étaient falsifiés et refusait d'être manipulé. Il devint, à partir de ce moment, très attentif à ce qui se disait sur l'Algérie dans les médias.

 

Boeglin fut encouragé à entrer dans la clandestinité en raison du manque d'activité d'une certaine partie de la gauche au pouvoir. Pour lui, si le PCF avait réagi dans cette guerre comme il l'avait fait durant la guerre d'Indochine et avait encouragé les réservistes, les événements auraient été complètement différents. La position du PCF lui semblait dérisoire et il y voyait une trahison des principe. « En m’opposant à la guerre d'Algérie, j’ai agi par souci d'internationalisme... J'essayais de redonner un certain sens de l'internationalisme à la gauche française qui n'en avait pas du tout. »

 

En travaillant avec le FLN, le désir de Boeglin était de rompre avec le paternalisme de la gauche traditionnelle. Dans son esprit, la gauche au pouvoir n'était pas réellement anti-coloniale et elle se préoccupait par trop des limites de la légalité.

 

Au début de l'année 1957, Jean-Marie Boeglin commença à travailler avec Jean Planchon au Théâtre de la Cité à Villeurbanne. En 1957, à Grenoble, lors d'une présentation de son travail dans une école, il rencontra certains étudiants algériens. En parlant avec Boeglin, ils se rendirent compte qu'il soutenait leur cause et, quelques mois plus tard , un de ces étudiants vint rendre visite à Boeglin à Lyon pour lui expliquer comment un de ses amis avait été arrêté et torturé. Boeglin fut révulsé et répondit qu'il était prêt à l'aider s'il pouvait entrer en contact avec le FLN. Il n'eut jamais l'impression de faire quoi que ce soit d'illégal car, pour Boeglin, défendre les Algériens contre la torture relevait d'un acte instinctif.

 

Les méthodes utilisées par le FLN ne choquaient pas Boeglin. Il accueillit l'explosion de la raffinerie de pétrole de Mourepiane en août 1958 comme une stratégie acceptable. Boeglin fut très influencé par Frantz Fanon, qui était passé de l'anti-colonialisme au tiers-mondisme.

 

Après la guerre, Boeglin tourna le dos à l'Europe, alla vivre en Algérie et y resta jusqu'en 1981. Il croyait à la théorie selon laquelle la révolution allait se répandre de là à tout le continent africain.

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