zadhand 546 Posted March 2, 2017 Partager Posted March 2, 2017 Yacef Saâdi raconte la Bataille d’Alger la bombe de la rue des Thèbes (1) 12:00 jeudi 2 mars 2017 | TSA Algérie/Yacef Saâdi Le sinistre sous-préfet Andre Achiary, qui a repris du service en 1956, a organisé l’attentat de la rue des Thèbes, dans la Casbah d’Alger. La nuit du 10 août, cet odieux et incroyable attentat a fait plusieurs morts et de nombreux blessés. Il a marqué un vrai tournant dans la guerre d’Algérie. Ainsi à Alger, le contre-terrorisme a précédé le terrorisme. Alors, contre une action pareille, que devait faire le FLN ? Se croiser les bras et accepter le sort que lui a réservé le colonialisme ? Non ! En défenseur de la justice, du droit et du principe de novembre, il devait réagir.Le 10 août 1956, tapis dans le refuge de Sidi Benali, Ali la Pointe et moi quêtions un peu de sommeil dans une nuit un peu plus calme que les précédentes qui étaient sans cesse perturbées par les alertes et les bouclages de quartiers.La ville dormait… Soudain, une violente déflagration fendit l’air. Alger trembla comme sous l’effet d’une forte secousse tellurique dont l’épicentre se situait au cœur de la Casbah. Nous fûmes littéralement projetés hors de nos lits et bondîmes aussitôt sur les terrasses pour comprendre.Dans le silence de la nuit lumineuse, nous perçûmes des douleurs et encore des cris, des pleurs et des appels au secours émanant d’une source située à une trentaine de mètres à vol d’oiseau de notre terrasse.Une épaisse couche de poussière noircissait déjà le ciel. Sur les autres terrasses, les gens, agglutinés, regardaient vers la même direction. Il était minuit deux minutes.Sans perdre une seconde, nous nous engouffrâmes dans les étroits escaliers de la demeure. En moins de cinq minutes, nous étions sur les lieux. Une fumée âcre mélangée de poussière nous accueillit. On pouvait à peine distinguer les effets de la déflagration. Les façades des numéros 8, 9, 10 et 12 de la rue des Thèbes, soufflées par la bombe, s’étaient répandues à plus de cinquante mètre à la ronde. À leur place béait un cratère.Des pans de murs s’écroulaient encore. Une quinte de toux fusait de temps à autre dans le silence, vite réprimée par les gémissements.Des gravats et des pierres dégringolaient dans le trou béant suivis de débris de verres écrasés. On tâtonnait des blessés enfouis sous les décombres, ils raclaient la terre de leurs ongles en gémissant pour signaler leurs présences.La paralysie du premier moment laissa place à une activité plus humaine avec ses chapelets de voix d’hommes, de femmes et d’enfants criant de douleurs comme dans un hôpital de campagne, improvisé après un bombardement.Spectacle horrible, des membres déchiquetés, de lambeaux de chair collés aux planches de soutènement et de mottes de terre baignant dans un mélange de sang et d’eau provenant des tuyauteries échappées. Des hommes, des femmes et des enfants frappés dans leur sommeil.Au bord de la fosse, les femmes larmoyaient, priaient en étouffant leurs sanglots. De temps en temps, comme un éclat métallique, des cris stridents perturbaient l’atmosphère. Une heure après, les intarissables décombres livraient toujours leur part de deuil. La cadence des secours dépendait autant de l’efficacité des secouristes que de leurs moyens de fortune. La fouille s’était poursuivie ainsi pendant deux heures. C’est à ce moment-là que les sapeurs-pompiers, encadrés de patrouilles de policiers et de soldats, investirent l’endroit. Nous abandonnâmes malgré nous les lieux. Des profondes entrailles de la vieille cité, une sourde colère refluait à la surface. La Casbah grondait. Des dizaines, puis des centaines d’hommes et de femmes occupèrent les rues, tentés d’envahir la ville européenne. Les terrasses scandaient la vindicte. Les crues suicidaires s’enflaient, recherchaient l’affrontement, la poitrine à l’air. Des cibles de choix pour la mitraille d’en face qui n’attendait que la première irruption pour se déclencher.Pour contenir cette chaudière humaine et lui éviter de dégénérer en chair à canon, je lançai immédiatement des groupes armés dans le labyrinthe. Sur les terrasses, on improvisa des meetings volants, en promettant à la bouillonnante lame de fond une contre-offensive disciplinée et plus meurtrière.« C’est le Front de libération nationale qui vous représente, vous devez lui obéir en rentrant chez vous ». Petit à petit la masse se dispersa, décidée à passer le reste de la nuit en éveil.Pendant ce temps, on continuait à dénombrer les victimes de l’attentat. Au petit jour, on faisait état de soixante-treize morts. Le nombre de blessés restait inconnu.Il est temps pour nous de changer de méthode, me suis-je dis. La mitraillette, le pistolet et l’arme blanche ne suffisaient plus à endiguer la démence des ultra-colonialistes. Il n’y a qu’un seul moyen pour les calmer : LES BOMBES. D’ailleurs, l’idée des bombes à Alger nous vient de l’adversaire. Déjà, depuis le mois de mars 1955, ils en sont à plus de trente charges explosives. La bombe du FLN naquit le 22 août 1956. Les dosages étaient conformes à la formule et l’essai était concluant. Le 28 septembre, Taleb, notre chimiste, achevait la mise au point de trois bombes. Il ne nous restait plus qu’à mettre « le feu aux poudres ». Les volontaires étaient sélectionnés sur des critères spéciaux. Le profil devait leur assurer un accès facile au sein de la population européenne, la langue et parfois la démarche étaient nécessaires pour ne pas attirer les soupçons. La dernière, la plus importante des conditions, était le sang-froid.La mission présentait beaucoup de risques, et je le savais. Ainsi, on m’avait présenté des volontaires, tels que les combattantes Drif Zohra, Samia Lakhdari, Bouhired Djamila, au domicile de cette dernière, situé au 5 impasse de la Grenade à la Casbah. Elles furent très sensibilisées après le récit du dramatique événement de la rue des Thèbes avant de leur confier ensuite cette dangereuse mission qui consiste à attaquer l’ennemi au cœur d’Alger. – Je ne vous cache pas que c’est la première fois que nous recourrons aux bombes pour renforcer nos capacités d’intervention.Je pense qu’avant de vous engager dans cette entreprise, vous avez réfléchi aux conséquences. Nous devons prouver à notre peuple que nous sommes en mesure de répondre efficacement aux provocations.Vous avez trois bombes, sur chacune d’entre vous. Elles vont être réglées pour exploser au même moment, il s’agit de la cafétéria rue Michelet (actuel Didouche Mourad), du Milk Bar, rue d’Isly (Larbi Benmhidi) et la troisième au terminal d’Air France dans l’immeuble Air France Maurétanie.À présent, rendez vous à cette adresse, quelqu’un vous y attend pour procéder au réglage… Et bonne chance.Ce n’est que le 30 septembre 1956 qu’explosèrent les premières bombes du FLN. Ce massacre inqualifiable de la rue des Thèbes, les tenants de la colonisation qui ont allumé la mèche pour une grandiose explosion. Et c’est à partir de là qu’au nom du FLN, et en guise de réponse, j’ai ciblé des objectifs en plein centre d’Alger. J’étais en possession de bombes en parfait état de marche que venait de fabriquer notre chimiste Taleb Abderrahmane. Ces bombes, il fallait les poser dans des lieux où elles devaient faire mal. Il s’agit de la cafétéria du Milk Bar et de l’immeuble Mauritania. Vers dix-huit heures vingt-cinq, du haut de mon refuge à la Casbah, j’entendis la première détonation, puis la seconde, mais pas d’écho pour la troisième.A priori, le détonateur était probablement défectueux. Néanmoins, les deux autres bombes ont fait beaucoup de dégâts et de bruit, non seulement au cœur d’Alger mais dans tout le pays et leur écho raisonnait dans le monde.Après l’explosion des bombes, les militants du FLN parcouraient rues et ruelles de la Casbah pour dire aux habitants que le FLN les avait vengés, il a fait payer l’attentat et vous en avez la preuve. D’autres bombes et des dizaines d’attentats ont été enregistrés à Alger dans différents quartiers résidentiels. Peu de temps après, ce fût une autre série de bombes qui allaient secouer Alger. C’est ainsi qu’Alger rentrait de plain-pied dans le tourbillon de l’insécurité. La peur devait changer de camp, l’ennemi l’a voulu, le FLN a répondu avec l’énergie qui caractérisait ses combattants et ses militants.Ainsi a commencé le déploiement des maquis urbains et les groupes armés faisaient appel à d’importants effectifs, indépendamment des commandos dont la mission se situait au niveau des opérations spéciales dans lesquelles l’aspect spectaculaire déroutait les grands stratèges de l’armée ennemie et les ultras de l’Algérois. Il fallait consolider davantage les structures de directions par d’autres formes d’organisation, je commençais par situer, dans le temps et l’espace, l’action de ces valeureux nationalistes invétérés au courage exceptionnel qui ont fait l’historique de la Zone Autonome d’Alger (ZAA) et lui donner ce lustre qui était le sien face aux hordes formant les régiments de l’armée française.Dans cet esprit, Alger la Capitale, bénéficiait de par son importance dans le cadre politico-organique, d’une structure spéciale représentée par l’historique Zone Autonome d’Alger, celle-ci était propice et mieux adaptée à la clandestinité pour appliquer la guérilla urbaine, aussi importante pour le FLN que les combats dans les maquis. Et c’est ainsi qu’il a été décidé la création de l’Historique Zone Autonome d’Alger, qui sera détachée de la wilaya Quatre et que j’ai eu l’honneur de diriger. À suivre… Citer Link to post Share on other sites
zadhand 546 Posted March 9, 2017 Author Partager Posted March 9, 2017 [h=1]Yacef Saâdi raconte la Bataille d’Alger la bombe de la rue des Thèbes (suite et fin)[/h] 17:24 jeudi 9 mars 2017 TSA Algérie Yacef Saâdi Après notre riposte du 11 août 1956, au lendemain de la bombe de la rue des Thèbes, les quartiers populaires retrouvaient leur image de calme apparent. Il fallait donc multiplier les investigations pour compléter nos listes de suspects terroristes européens. À la mi-août l’enquête sur Gérard Étienne était terminée. Il habitait à El-Biar. C’était un homme très actif. Sa fiche fourmillait d’indications. Son domicile, ses habitudes, les endroits précis pour le localiser. Tout y était indiqué. Il y avait cette autre précision : dangereux et toujours armé. Une vraie cible ! Il jouissait d’un grand prestige dans le quartier. Il était propriétaire d’une luxueuse salle de cinéma, le « Rex », et du bar du même nom qu’il exploitait sur l’avenue Georges Clemenceau. Il faisait partie de ces commandos au bavardage assourdissant, qui plaçaient des bombes et pratiquaient l’enlèvement sous l’œil bienveillant de la police.Il recevait beaucoup. Surtout des hommes d’allure mystérieuse. Des barbouzes à peine déguisés. Il devint notre homme dès lors qu’un soir, par manque de vigilance, son jeune employé- un Algérien- découvrit un râtelier plein d’armes installé dans son bureau du « Rex ». Le garçon en fut tellement effrayé qu’il alla tout droit raconter son aventure à son responsable de cellule.Sur le plan pratique, son élimination ne posait aucun problème. C’est Briki Yahia, chef du secteur FLN-ALN qu’a recruté Abdelkader Benbarek qu’il chargea d’éliminer Gérard Étienne. Il le revit le lendemain 28 août 1956 dans un café de Bab El-Oued pour mettre au point les conditions du déroulement de l’action. L’arme, Benbarek ça le connaissait, il l’avait pratiquée pendant son service militaire.Le dimanche 2 septembre 1956 au soir au moment où le gris-bleu de la nuit s’apprête à absorber les derniers rayons du soleil, une « 203 » de marque Peugeot se gara à proximité de la salle de spectacle juste assez en retrait pour ne pas attirer l’attention.Yahia Briki conduisait. Sur la banquette arrière, les mains enfouies dans un sac de sport, Benbarek remontait sa mitraillette. De temps à autre, il jetait un regard furtif à son compagnon de gauche, visiblement mal à l’aise.Par le rétroviseur, Briki balayait du regard la lunette arrière tout en s’efforçant de scruter les passants à travers son pare-brise. Au même moment, Gérard Étienne accompagné de sa femme et d’un ami sortaient du bar. Mais au lieu de se diriger vers le rond-point comme d’habitude, ils décidèrent de poursuivre leur discussion au bon milieu du trottoir, en face de la « 203 ».Un peu plus loin, il y avait des soldats qui faisaient leur ronde. Après un moment d’hésitation, Benbarek retira l’arme du sac, en cala le canon dans l’encoignure de la portière arrière. Inspira fort, à cet instant Gérard Étienne opéra un tour complet sur lui-même criblé de douze balles.En appuyant sur la gâchette, Benbarek avait imprimé à l’arme un léger mouvement, de haut en bas, pour aligner les impacts de balles comme s’il eut l’intention de trancher dans le sens vertical. En fait c’était pour éviter la femme de Gérard et son ami.Profitant de la confusion, le véhicule démarra et fila tout droit en direction du stade d’El-Biar, où il devait être abandonné.Sans la négligence du pourvoyeur qui, dans sa panique, avait laissé traîner deux chargeurs sous la banquette arrière, la police n’aurait pas remonté la filière jusqu’au propriétaire, le fabricant de boissons « Zerka » qui devait soutenir avec la dernière énergie que son véhicule a été volé.Les frères Di-Roza qui affectaient d’être d‘honnêtes commerçants, le jour, en vendant de la glace et des spiritueux, la nuit venue, déposaient des bombes ou assassinaient de pauvres gens .Ils avaient la manie de vanter leurs performances nocturnes. Ce bavardage devait coûter la vie en premier lieu, à Jean, l’aîné. Pour l’éliminer, Boualem Abaza et Omar El Kahouadji désignèrent Mokhtar,leur coéquipier, qui l’exécuta derrière la mosquée des dix colonnes.Vincent Béringuez, un coiffeur gravement porté sur la vantardise, était domicilié au 7 rue Souilah Mohamed. Il adorait se « montrer » devant sa clientèle européenne. Son exécution échut à un candide jeune fidaî qui eut l’audace de le traquer à l’intérieur de son salon.Les gens de Bab El-Oued, comme Vincent le marseillais dit « la Rascasse », s’adonnaient au terrorisme en silence. Pour le débusquer, on fit appel à Ali Z’Yeux bleus. Les deux hommes se connaissaient déjà. Ali s’était présenté chez lui en jurant qu’il ne voulait pas se laisser intimider par le F.L.N. Il lui montra un visage affligé de peur. Insistait sur la menace imaginaire qui planait sur lui. Ébranlé, la « Rascasse » retira sa main de l’arme qu’il dissimulait derrière le comptoir sous la caisse enregistreuse. Puis il s’entendit répondre : « Écoute Ali, tu n’as aucune raison de les craindre. Nous allons tout arranger. On te donnera une arme et de l’argent. Comme ça tu seras des nôtres ». La preuve étant faite, Ali sortit son arme et lui administra deux balles. Dans la même semaine l’autre Di-Roza-Vincent, subissait le même sort aux confins de la Casbah.Le cas de Claude Mestre était diffèrent. Ce fonctionnaire des renseignements généraux, estimé de ses chefs, menait une double vie. Il était affable et attentionné avec les gens du « Grand Café du Sahel » que gérait son père, Place du Gouvernement (actuel Place des Martyrs), et il lui arrivait de dire, par des allusions à peine voilées, sa façon de mener ses interrogatoires dans les locaux de la D.S.T. Sa brutalité ne connaissait pas de bornes, sans se rendre compte, il transgressait la règle du silence dont s’entourait habituellement son service. Que l’écho de ses bavardages nous fût parvenu rapidement il n’y avait rien là d’étonnant. Nos agents de renseignements traînaient partout. Son exécution fixée au 10 septembre échut à Merzak Hahad qui activait au sein du groupe de la basse Casbah. Merzak connaissait parfaitement la mentalité des tenanciers de bars européens. Ce soir-là, il s‘était rendu seul à son rendez-vous sans prendre d’autres précautions, que le revolver accroché à sa ceinture.Claude Mestre n’était pas un monsieur comme tout le monde. Il était méfiant et même dangereux. Pourtant il s’affaissa sans avoir le temps de tirer. La liste n’était pas close pour autant, elle ne cessera de s’allonger tout au long de la guerre.Sans trêve en perspective, la guerre se poursuivit donc. Mais pour ne pas attiser la folie exterminatrice des Européens, nous dûmes décrocher pendant trois jours. Et le 31 décembre, par des attaques à la grenade, je lançais nos commandos à l’assaut des quartiers résidentiels. Je résolus de réduire le nombre des lanceurs : deux hommes, un lanceur et un guetteur, suffisaient amplement. L’offensive fut fixée à 18 heures ; l’heure des sorties des bureaux. Les gens emplissent les rues : les cafés, les bars regorgent d’une foule bigarrée au milieu de laquelle des militaires en grand nombre.Le lendemain, la presse donnait une somme de précisions : « Aux alentours de 18 heures, des témoins auraient vu deux Algériens, apparemment de simples promeneurs, se séparer en arrivant à hauteur du café des Boulomanes, rue Hoche, et y lancer une grenade. L’explosion a provoqué beaucoup de dégâts ».Au même moment, au pont Polignac, la devanture du café de l’Étoile volait en éclats. Prés de l’Hippodrome du Caroubier, c’est le Santa-Lucia qui a été visé. Le Santa-Lucia est un bar fréquenté habituellement par des militaires en goguette. Puis c’est le café « Chez Tonton », avenue Point-Carré à Kouba qui écope. Dans le même élan, deux grenades sont lancées rue St-Anne au « Clos Salembier ».À la nuit tombée, le bilan est de 8 morts et 16 blessés. La journée prit fin vers 21 heures avec une bombe qui explosa à l’intérieur du tri postal à la Gare Maritime, situé à quelques mètres du commissariat de police du port. Elle fut déposée par le jeune El madaoui et Z’minzère. Citer Link to post Share on other sites
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