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Pourquoi fait-on autant confiance à la radio ?

 

Publié le 28.02.2017

Mis à jour le 28.02.2017

 

Bien que touchée, comme les autres médias, par une crise

de confiance généralisée, la radio reste considérée par

les Français comme le média le plus crédible.

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Le dernier baromètre annuel de La Croix sur la confiance dans les médias a révélé un important niveau de défiance à leur égard. Si la télévision reste la source principale d’information (et de son approfondissement), c’est à la radio que, depuis l’origine du baromètre en 1987, les sondés font le plus confiance pour la qualité de la restitution de l’information : 52 % des personnes des sondées estiment ainsi « que les choses se sont passées » comme le « raconte » la radio, soit 5 points de plus que le « journal » en moyenne, environ 10 points de plus que la télévision et le double d’Internet. Comment expliquer que l’on accorde plus de confiance à la radio qu’aux autres médias ?

Une image d’indépendance

Une multitude d’hypothèses peuvent être avancées. Anthropologiquement, nous pouvons considérer le son comme le premier moyen de communication (y compris prénatal). La radio semble être un média à l’abri du pouvoir de l’image : le contenu sonore est invisible et paraît arriver immédiatement et directement dans notre cerveau sans altération, dégradation, manipulation, narration (story telling), voire sans représentation et subjectivité. Ses informations semblent ainsi moins altérées, et donc plus pures.Historiquement, la radio est le média de l’appel du 18 juin, de Mai 68 ou des « radios libres » succédant à un long monopole d’État. Cela a forgé un imaginaire lié à la liberté et à la révolte.

Politiquement, elle décrypte, interroge, critique, moque quotidiennement la vie politique et globalement l’actualité, à l’image des « matinales » avec leurs chroniques, interviews (par des journalistes et des auditeurs), éditoriaux, revue de presse… Cela peut donner une impression d’autonomie. Même les radios musicales et jeunes diffusent des flashs d’information (courts mais réguliers). Constamment en contact (critique) avec la société, la radio diffuse des programmes socialement valorisant qui la légitiment (politique, information, musique classique, culture...).

À chacun sa radio

Techniquement, la radio est mobile, agile, pratique, souple, réactive et nécessite peu de moyens : au niveau de la production (le personnel et les moyens techniques nécessaires), de la diffusion (émetteur, antenne) comme de la réception (9,6 récepteurs en moyenne par foyer).Économiquement, plusieurs modèles de financement coexistent : publics; non commerciaux ; commerciaux à vocation locale indépendants ; commerciaux à vocation locale affiliés ou franchisés ; commerciaux à vocation nationale thématiques ; commerciaux à vocation nationale généralistes. Le pluralisme des modèles juridico-économiques sont susceptibles de diminuer la défiance à l’égard des journalistes constamment jugés « dépendants des pressions de l’argent » dans le baromètre.Malgré la domination de groupes (rappelons l’achat du groupe RTL par le groupe M6 au sein du groupe Bertelsmann) et de réseaux – qui risquent de continuer à se développer avec le nouveau calcul du seuil anti-concentration –, l’existence d’un secteur associatif alternatif viable – qui développe aussi des réseaux – rend possible l’existence de nombreux formats (radios générationnelles, confessionnelles, communautaires, culturelles…) et d’autres paroles à différents échelons géographiques. Tous ces éléments favorisent la proximité, l’identification et la confiance.

Un média qui parle à tout le monde

La radio parvient à toucher tout le monde, toutes les catégories socioprofessionnelles, tous les niveaux d’étude (y compris les analphabètes) et toutes les générations (plus difficilement les plus récentes) avec la spécificité d’une réception qui est « affaire de temps, identité et engagement ».Et ces publics ont la possibilité d’investir certaines radios – les radios associatives – à différents niveaux : dans l’administration, dans le financement (par le don), en tant qu’invité et même animateur, mais aussi à l’antenne en tant qu’appelant (l’existence des « libres antennes » étant une spécificité de la radio).

Mêlant professionnalisme mais aussi amateurisme, c’est un espace public ouvert moins méprisé par les élites que la TV – média qui a toujours fait l’objet de critiques d’intellectuels, politiques, associations… – et plus accessible aux classes moyennes et populaires que la presse papier ou la TV.Cette démocratisation – bien moins importante que sur les réseaux socio-numériques, mais bien plus qu’à la TV et dans la presse – peut donner confiance là où Internet risque de garder longtemps la réputation de diffuser tout contenu sans distinction et hiérarchisation. Et ce malgré l’investissement du Net par les médias traditionnels et les pure players, qui, comme les blogs, peuvent pluraliser l’information mais restent fragiles économiquement : ArretsurImages, Atlantico, Bastamag, Explicite, Fakir, Libre@Toi, Médiapart, Slate, Spicee, StreetPress, TheDissident, 8eétage …

Et demain ?

D’autres hypothèses explicatives sont sans doute à envisager et tester, tandis que le baromètre est à affiner et complexifier. Mais la radio semble structurellement moins artificielle, clinquante et massive, plus discrète, proche, participative, locale, intime et personnelle. Cela n’en fait pas un média infaillible, loin de là – sa cote de confiance n’est pas si éloignée de celle des autres médias et, comme eux, elle est touchée par un niveau de défiance historique.La radio parvient à toucher tout le monde, toutes les catégories socioprofessionnelles, tous les niveaux d’étude. Les difficultés économiques des radios associatives ou l’augmentation de la syndication et de la concentration internationale, nationale et régionale prévues en 2017 ne pourront pas aider la « Radio du Futur ». Tandis que les jeunes préfèrent Internet et le mobile, que la RNT progresse lentement et que la concurrence sonore – webradios, streaming, podcasts, (BoxSons, Binge Audio) – se développe.À l’heure des postradiomorphoses, de l’ubérisation des médias (désintermédiés), de l’économie de l’attention et de la « désinformation » - post-vérité, conspirationnisme, réinfosphère… –, se demander ce qui fait une information crédible est plus que jamais un enjeu stratégique.

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