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BACHIR DERRAIS, PRODUCTEUR ET RÉALISATEUR, À L'EXPRESSION

"Entre la famille de Ben M'hidi et moi il y a une confiance totale"

 

L'Expressiondz

Samedi 04 Mars 2017

 

Nous célébrons aujourd'hui le soixantième anniversaire

de l'assassinat de Larbi Ben M'hidi.

 

http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P170304-09.jpg

Mon film est tombé par hasard lors de la célébration du cinquantenaire

 

L'occasion de savoir où est en le réalisateur dans la fabrication de ce long métrage qui lui a coûté moult tracasseries ces dernières années, sur tous les plans. Un biopic avec Khaled Benaissa dans le rôle principal, rappelons-le et pas moins d'une centaine de rushes à voir et à revoir afin de réaliser une oeuvre «à la hauteur historique» du chahid estime le réalisateur.

L'Expression: Dans quel état d'esprit vous êtes maintenant que votre film est en plein montage?

Bachir Derrais: Quand on finit un long tournage comme ça on est soulagé. C'est un film qui nous a pris beaucoup de temps. Beaucoup de problèmes. Il fut un temps où on n'y croyait plus. Il fait partie des films très compliqués à faire. Sur tous les plans, financier, historique, humain, il demande beaucoup d'autorisations, de documents administratifs, c'est un film lourd. Donc là je suis franchement soulagé. Ma vie est en otage de ce film.

Le montage risque de prendre beaucoup de temps d'autant que vous nous avez déclaré qu'il y a plus de deux cents heures de rushes...

Il y en a plus, peut-être, 250 ou 300 heures de rushes. Le montage et la post-production sont une autre période très compliquée et très longue de fabrication du film. C'est là où on fabrique le film. Sans compter les autres domaines qui interviennent, la musique, les effets spéciaux, le mixage, l'étalonnage, les post-synchronisations. Tout ceci ce sont des opérations longues qui ne se font pas en Algérie, qui prennent beaucoup de temps. 80% de ces opérations que j'ai citées ne se font pas en Algérie. Il n'y a pas les métiers pour. Si on a les moyens techniques, on n'a pas la main-d'oeuvre, les ressources humaines, ce sont des opérations qui se font à l'étranger.

Le scénario a été revu et corrigé au fur et à mesure, beaucoup grâce à la famille de Ben M'hidi. Celle-ci a-t-elle été aussi consultée ou a-t-elle demandé d'avoir un droit de regard,, notamment sur le montage?

Entre la famille de Ben M'hidi et moi il y a une confiance totale. Je n'ai pas de problème avec eux. Il y a une confiance qui s'est installée dès le départ. Il n'y a aucune méfiance.

Ce qui est intéressant dans cette séquence de montage que nous venons de voir est le fait que vous nous introduisez au sein des réunions tumultueuses de membres du CCE, là où toutes les décisions se prenaient, non pas à la légère, loin s'en faut, mais souvent avec des prises de bec vives témoignant d'une responsabilité accrue de ces hommes à la forte personnalité...

Bien sûr, ils avaient des divergences d'idées. Vous avez vu les réunions du CCE (Comité de coordination et d'exécution). C'est lui qui a géré la révolution, jusqu'à 1957 où ils étaient obligés de partir. Ils avaient été démasqués. Ben M'hidi ne les a pas suivis. Il a été arrêté. Toutes les décisions, que ce soit la grève des 8 jours, les bombes, eh bien toutes de ces décisions étaient débattues. Les gens aujourd'hui ne savent pas comment fonctionnait la révolution. Le CCE prenait toutes les décisions en totale démocratie.

Vous dévoilez un certain côté sombre ou l'arrière-décor de cette révolution...

Yassef Saadi était sous les ordres directs de Ben M'hidi. Les gens se sont habitués aujourd'hui aux images de la bataille d'Alger. Tout ce qui se faisait dans la bataille d'Alger émanait des décisions de ce Comité-là. Il y avait ceux qui étaient d'accord et d'autres, non. Ils se chamaillaient. Ils étaient obligés de voter. Ce n'était pas n'importe qui. C'était des personnes lettrées. Des gens qui avaient des idées, très instruits, qui avaient des visions. Chacun développe son idée. Ils ne prenaient pas les décisions comme ça. Ils réfléchissaient aussi au sort du peuple. Ils ne prenaient pas des décisions suicidaires.

Nous commémorons l'anniversaire de la mort de Ben M'hidi. Vous avez choisi de ne pas sortir votre film à cette date...

Je n'aime pas les dates commémoratives, surtout officielles. Quand je fais un film, il faut qu'il soit bien fait. Qu'il corresponde à une date ou pas ce n'est pas le problème. Il faut que le film soit mûr. Ce genre de films aujourd'hui demande une maturité. Même le public algérien, aujourd'hui, il veut voir un film intelligent, objectif, mûr, pas fait dans la précipitation, pas improvisé. C'est pour cela qu'aujourd'hui nous avons une très grande responsabilité historique. Cinématographe aussi bien sûr. On n'a pas de marge de manoeuvre. Quand on prend Ben M'hidi aujourd'hui, son parcours est clair et net. On doit être à sa hauteur.

Votre film rappelons-le n'a pas été réalisé dans le cadre du cinquantenaire...

Mon film est tombé par hasard lors de la célébration du cinquantenaire. Il a avait été initié bien avant. Ce n'est pas du tout un film de commande. Il n'a pas été écrit pour le Cinquantenaire de l'indépendance. Il a été écrit bien avant. Toutefois, en raison des blocages bureautiques et administratifs que nous avons vécus à l'époque, c'est ce qui a fait que ce film traîne, prenne du retard et coïncide avec le cinquantenaire. Là, il va sortir en 2017.Le hasard fera qu'il va sortir au soixantième anniversaire de l'assassinat de Ben M'hidi. C'est un pur hasard.

Vous en êtes où donc? A quel niveau du montage?

Ca prendra quatre ou cinq mois facilement pour que le film soit terminé, car tout se fait en amont en même temps que le montage, il va y avoir la musique, les problèmes de son etc. Après le montage il va y avoir le tournage encore de quelques plans qui manquent. On n'a pas réussi à ramener les artificiers pour tourner une certaine séquence, pour de nombreuses raisons. Ce sont des scènes qu'on va faire après le montage, peut-être en effets spéciaux. Nous n'avons pas d'artificiers ici. Ce sont des choses qui sont suspendues mais je ne voulais pas pénaliser le film. Une fois qu'on aura fini le montage, on fera ces plans. C'est une question d'une journée ou deux.

Qu'en est-il de la sortie du film en Algérie et à l'étranger?

On est en train de négocier sa sortie pour septembre, y compris à l'étranger. Je pars au Festival de Cannes en vue de faire visionner mon film aux gens des festivals. On est en train de préparer une version dans ce sens.

Dernière question, êtes-vous confiant en l'avenir pour votre long métrage?

Oui je suis très confiant. Je pense que nous allons faire un film correct. Je crois même que nous avons fait un film de qualité internationale. On n'a pas du tout à rougir. Ce que je pourrais rajouter est que c'est dommage qu'on souffre sur le plan administratif. Une fois qu'on règle les problèmes des moyens financiers, nous avons à nouveau des problèmes d'ordre administratif, ainsi de suite. Nous avons réussi effectivement grâce à l'aide du ministère de la Culture et aux sponsors à trouver le fond qui manquait, sauf qu'aujourd'hui on a des problèmes pour payer les gens à l'étranger. Il faut avoir les autorisations de la Banque d'Algérie qu'on n'a pas encore. On n'est pas libre. On est coincé. C'est pourquoi on a retardé aussi le film. On continue donc à se battre.

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  • 5 months later...

Le film larbi Ben M’hidi sortira bientôt

L’histoire n’a pas fini de livrer ses secrets

Un révolutionnaire déterminé (I)

 

El Watan

le 18.08.17|12h00 sans-titre-1_2628634_465x348.jpg.e9ad75c818409f3de421706ee458d47a.jpg

 

 

Dans le cadre de la commémoration du 61e anniversaire de la tenue du Congrès de la Soummam, El Watan Week-end s’est intéressé au personnage de celui qui fut son président, Mohamed Larbi Ben M’hidi. Aux côtés de la sœur du martyr, Drifa Ben M’hidi, El Watan Week-end a assisté, en exclusivité, au visionnage de plusieurs séquences de ce film réalisé par Bachir Derraïs et partage avec vous l’émotion engendrée par ce magnifique travail cinématographique qui restera assurément dans les annales.

 

«Celui qui rejoint l’Organisation n’a ni famille ni ami. Il n’aura aucun avenir, hormis celui de combattre pour l’indépendance de l’Algérie ou de mourir en martyr», lance d’une voix ferme Mohamed Belouizdad, l’un des fondateurs en 1947 de l’Organisation secrète (OS), branche militaire du Parti du peuple algérien (PPA), et son premier responsable, à Mohamed Larbi Ben M’hidi dans le film qu’a réalisé Bachir Derraïs sur ce dernier.Pour incarner le rôle de Ben M’hidi, Bachir choisit le talentueux comédien Khaled Benaïssa, connu dans d’autres films, notamment dans L’Oranais, de Lyes Salem où il a joué le rôle de Hamid, ami de Djaffar (l’Oranais), engagé dans la bataille militaire dans la région oranaise, devenu ministre après l’indépendance. Nous sommes peu avant les années 1950. Mohamed Larbi Ben M’hidi avait à peine 25 ans.La rencontre entre les deux hommes, Ben M’hidi et Belouizdad, a eu lieu au magasin d’Issami, le tailleur du coin et l’une des personnes dont on dit qui avait participé à la formation politique de Mohamed Larbi, dans la wilaya de Biskra où vivait à l’époque la famille Ben M’hidi. A l’insu de sa famille, notamment son père, Ben M’hidi était déjà dans le mouvement nationaliste mais il n’était pas satisfait, car il voulait plus.«Celui qui est entré par les armes ne peut sortir qu’avec les armes», explique-t-il à Issami après sa libération lors des événements du 8 mai 1945. Lui, sa tête était déjà dans la lutte armée. Son seul souhait était de prendre les armes pour l’indépendance de l’Algérie. «Je veux prendre les armes et combattre la France», insiste-t-il auprès de Belouizdad. Voyant en lui sa détermination, Belouizdad, mort en 1952 avant même le déclenchement de la guerre de Libération nationale, lui répond avec un trait ferme : «Quelqu’un viendra te voir et t’appellera par un faux prénom.Tu lui diras qu’il s’est trompé de personne. Il te dira, qu’il ne peut se tromper d’homme de grande valeur.» La scène se déroule exactement comme l’avait décrit Belouizdad dans une salle de cinéma là où sont diffusés les bulletins d’information français sur la situation en Algérie. Ben M’hidi prend place.Quelques minutes plus tard, deux personnes le rejoignent. L’un d’eux était le défunt Mohamed Boudiaf, de son nom de guerre Si Tayeb El Watani, dont le rôle a été incarné par le talentueux comédien Samir El Hakimi. Les larmes aux yeux, Ben M’hidi lance un sourire éclatant comme s’il venait d’apprendre la plus importante nouvelle de sa vie. Ces moments signent le début d’un long parcours de celui qui est devenu plus tard l’un des hommes forts de la guerre de Libération nationale, l’un de ses penseurs aux côtés de Abane Ramdane (Nidhal Melouki) et de Krim Belkacem (Idir Benaïbouche) et surtout, le président du Congrès de la Soummam, organisé le 20 août 1956 à Ifri. Sa rencontre avec Abane Ramdane avait changé le cours de l’histoire.

Osé

Dans ce film, qui retrace l’histoire de Mohamed Larbi Ben M’hidi, Bachir Derraïs a mis son âme, son cœur et travaillé d’arrache-pied, de jour comme de nuit, depuis plus de deux années afin d’en faire un chef-d’œuvre. Le chemin pour la réalisation d’un tel film digne de ce grand valeureux révolutionnaire et martyr de la nation était certes difficile, notamment sur le plan financier, mais Derraïs s’était battu jusqu’au bout. Le film sur Ben M’hidi est encore en montage mais il faut dire, qu’un chef- d’œuvre il l’est déjà, car tout fait croire, après avoir vu plusieurs séquences, que ce film restera dans les annales de l’histoire et sera un repère pour les générations d’aujourd’hui et de demain.Le film sur Ben M’hidi est digne d’un travail cinématographique comme on a toujours souhaité en voir en Algérie. Bachir Derraïs nous fait voyager à travers le temps pour nous faire découvrir, sans aucun masque, l’une des périodes les plus importantes de l’histoire de l’Algérie contemporaine, à savoir la guerre de Libération et le combat pour l’indépendance de l’Algérie. L’image, le son, le jeu et la réalisation sont d’un grand niveau.Quant au contenu, Bachir Derraïs a osé l’impensable. On ne voit presque carrément pas d’armes ni d’échange de coups de feu. Sans aucun tabou, Bachir Derraïs nous parle plutôt de projets, d’idéologies et des visions différentes des uns et des autres, de ce qui divisait et rassemblait les révolutionnaires et les chefs militaires et nous plonge dans le cœur d’une histoire qui peut être tout sauf celle qu’on raconte dans les carcans officiels. On n’a vu les différents entre les militaires et les politiques lors du Congrès de la Soummam, y compris l’entêtement de Youcef Zighoud (Mebrouk Feroudji), quant à son opposition au principe de la primauté du politique sur le militaire, la difficulté de l’organisation d’un tel rendez-vous et le contexte dans lequel il a été tenu.Bachir Derraïs a montré un Abane Ramdane intellectuel mais très virile et têtu, un Mohamed Larbi Ben M’hidi sage et consensuel, un Krim Belkacem calme et pointu et un Omar Ouamrane (Menad Mebarek) éveillé, alors qu’il était chef militaire et pouvait lui aussi rejoindre Zighoud dans son positionnement. La rencontre entre Ben M’hidi et Ben Bella au Caire témoigne de la véracité du film. L’échange houleux qu’ont eu les deux hommes est stupéfiant et démontre avec profondeur le différend qui existait entre la délégation de l’extérieur et celle de l’intérieur. Envoyé pour négocier la participation de Ben Bella au Congrès de la Soummam, Ben M’hidi avait vite compris que l’hôte de Djamel Abdenasser n’était pas motivé. L’on comprend que son «ego» l’avait probablement empêché mais pas que.Ce dernier reprochait à Abane et ses compagnons le principe de la primauté de l’intérieur sur l’extérieur. Soudain, Ben M’hidi déferle sa rage sur Ben Bella : «Vous êtes ici pour nous envoyer des armes et des munitions, mais vous n’avez rien fait. Nos frères et sœurs sont en train de mourir au maquis. Et que faites-vous pendant tout ce temps-là ? Vous vous preniez pour qui ? Vous vous considériez comme un chef alors que vous n’avez comme exploit qu’une seule attaque contre un poste !» Les deux hommes s’étaient emportés et ont failli en arriver aux mains. Boudiaf les sépare. Ben Bella finit par refuser la proposition de Ben M’hidi. Ce dernier revint bredouille en Algérie.

Théâtre

Le Congrès de la Soummam n’était pas que des négociations politiques mais aussi un élan d’humanisme montrant des chefs militaires et politiques avec leurs bons côtés des choses et leurs défauts. Les larmes versées par Youcef Zighoud sur la mort de son compagnon et ami Mostefa Ben Boulaïd donnent la chair de poule. L’on ressent de la sincérité, du courage et beaucoup de détermination de la part de ces jeunes gens qui ne pensaient qu’à une seule chose, l’indépendance de l’Algérie.Et qui l’aurait cru ? Qui l’aurait cru ? Surtout dans des moments d’incertitude quand on sait que ces jeunes sont partis de rien ? Ces derniers, dont Mohamed Larbi Ben M’hidi, y croyaient profondément ; ce que l’on voit dans ce film. Ben Boulaïd, qui devait prendre part lui aussi au Congrès de la Soummam, a été assassiné au champ d’honneur, 5 mois avant l’événement. Dans ce film que nous avons eu le privilège de visionner en présence de la sœur de Ben M’hidi, Drifa Ben M’hidi (veuve Hassani) et Lyes Chibane, ancien membre du mouvement citoyen des archs, ami de la famille Ben M’hidi et passionné de l’histoire, notamment celle en rapport avec la guerre de la Révolution et des valeureux martyrs de la guerre d’indépendance, donne beaucoup à réfléchir. Qui étaient-ils ? Et comment sont-ils arrivés à faire de ce qui paraissait «utopique» une réalité ? Né en 1923 à Aïn M’lila dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, Mohamed Larbi Ben M’hidi était footballeur et un comédien de théâtre, un moyen qu’il utilisait, entre autres, pour faire passer des messages politiques au peuple. Issu d’une famille plus au moins aisée, dont le père, cheikh d’une zaouïa, possédait des commerces à Biskra et à Constantine, il avait un seul frère Mohamed Tahar et trois sœurs, dont la plus jeune Drifa. Ben M’hidi obtient un certificat d’études primaires à Batna puis rejoint sa famille à Biskra. Après avoir été recruté par Belouizdad, il rencontre Mourad Didouche, chargé à l’époque de la région constantinoise par l’OS. D’autres, comme Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, les ont rejoints par la suite. Les réunions interminables, qui ont duré quatre jours, selon les souvenirs de Drifa, ont été organisées dans la toute nouvelle demeure de la famille Ben M’hidi à Constantine. Les codes et les stratèges utilisés à l’époque témoignent de la difficulté de la mission qu’ils se sont confiée. Didouche aimait beaucoup s’asseoir dans les cafétérias françaises afin d’éloigner tout soupçon sur lui. Ils étaient tous bien habillés, costumés et démontraient un sens élevé de responsabilité envers l’ultime objectif pour lequel ils ont fait le serrement.

Mariage

Mais la vie de Mohamed Larbi n’était pas aussi facile. L’engagement pris, l’acharnement des services coloniaux contre lui et l’obligation de secret envers sa famille ont compliqué sa mission. Comme tous les parents qui ignorent le rôle confié à leur fils et l’engagement politique de ce dernier, ils posent des questions. Les rentrées tardives à la maison ont suscité des soupçons. Le prenant pour un fêtard ou un soulard, sa mère n’arrêtait pas de lui demander de cesser de salir l’honneur de sa famille, de penser à travailler et se marier.D’ailleurs, elle ressassait constamment : «Quand est-ce que tu vas me rendre heureuse en te mariant mon fils ? Ne me dis pas qu’aucune fille ne te plaît ici à Biskra ?», insiste-t-elle. A croire que c’était son seul souhait et objectif dans sa vie : assister au mariage de Mohamed Larbi. Jusqu’au jour où ce dernier décide de lui répondre. «Ne t’inquiètes pas maman. Un jour je te rendrai heureuse et tu seras tellement fière de moi. Si je reste en vie, je te donnerais des dizaines de petits-fils. Mais si je ne reviens plus, tous les enfants de l’Algérie seront les tiens», confie-t-il à sa mère. L’émotion atteint ici le seuil de la tolérance. Impossible de se ressaisir. Bachir Derraïs reste scotché sur sa chaise et n’arrive plus à retrouver des séquences plus gaies afin de nous faire éviter des scènes émotionnelles.Lyes Chibane ne pouvait plus retenir ses larmes. Des cris de fierté parfois, des soupirs dans d’autres cas, ce film véhicule l’espoir d’une jeunesse qui a cru en elle, a défié l’empire et a réussi à atteindre l’objectif. Même le monteur, qui a passé plusieurs heures dessus, n’a pas pu retenir ses larmes. Emportée par ses souvenirs lointains, Drifa Ben M’hidi, les mains posées sur son visage, reste figée. Les seuls mots qu’elle avait prononcés étaient pour saluer le jeu et la beauté de la petite fille qui a incarné son rôle. Le jour où Ben M’hidi présente Didouche à sa famille, il lui offrira son premier cadeau.C’était une robe courte que la mère a bombardé de critiques. «Tu veux qu’elle devienne française ?», lui crie-t-elle. «Non maman, c’est une robe moderne. Elle n’est pas belle ma sœur ?», s’interroge Ben M’hidi souriant. Ben M’hidi aimait beaucoup sa petite sœur qui a eu la chance d’assister aux réunions des cinq qui ont préparé la guerre de Révolution, car c’était elle qui était chargée de les accueillir et de leur ramener de la nourriture et du café. Elle les connaît tous. Alors qu’elle n’avait que 14 ans, Boudiaf lui confie la mission de transporter d’importants documents. Drifa ou Lala Cherifa, son nom de guerre, échangeait son cartable contre celui de Didouche qu’elle lui remettait au lieu indiqué. Comme l’étaient ses frères, Drifa a fini par rejoindre la Révolution et est devenue, par la suite, moudjahida elle aussi.

 

A suivre

Meziane Abane

 

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Le film larbi Ben M’hidi sortira bientôt

L’histoire n’a pas fini de livrer ses secrets

Un révolutionnaire déterminé (II)

El Watan

le 18.08.17|12h00

 

ONU

Ben M’hidi insistait beaucoup sur les études de son frère, Mohamed Tahar. Il l’a même envoyé continuer son cursus en Tunisie. Il disait à sa mère qu’il voulait que Mohamed Tahar apprenne le français, le latin, l’anglais, l’arabe, le théâtre et la musique. Mohamed Tahar avait tenté à maintes reprises de convaincre son grand frère pour le laisser rejoindre le maquis, en vain. «Je veux que tu réussisses tes études pour gouverner l’Algérie plus tard ? Ce sont les intellectuels et les gens instruits qui doivent tenir le pays après l’indépendance.Ou sinon qui va le faire ? Les harkis peut-être ?» tente Ben M’hidi de convaincre son jeune frère lors de leur rencontre à la cité universitaire sise à la rue Trolard, à Alger. Mohamed Tahar n’a pas pu résister et a fini par rejoindre Youcef Zighoud dans la 2e Région. Drifa confie que ce dernier l’avait refusé dans ses rangs mais il avait fini par céder devant sa détermination. Mohamed Tahar est tombé en martyr, à l’âge de 24 ans, deux mois avant son grand frère.Retour à Alger, après la nomination de Mohamed Larbi à la tête de la Zone autonome. Ce dernier désigne à son tour Yacef Saâdi à la tête des opérations à La Casbah, chose qui a déplu, selon ce que montre le film, à Brahim Chergui, dont le rôle a été incarné par l’autre avenir du cinéma algérien, Youcef Sahairi. Il propose alors à son groupe, dont Abane, Krim, Benkhedda, la grève des huit jours, une action pacifique dont l’objectif était de faire entendre la voix de l’indépendance de l’Algérie auprès de l’ONU.L’action fut une réussite, mais ses conséquences étaient dramatiques. Plusieurs arrestations ont été enregistrées et Alger était encerclée, ce qui a poussé ces derniers à revenir sur leur décision. Tout le monde devait quitter la capitale. Mais Ben M’hidi avait refusé en disant qu’il ne voulait pas quitter le peuple. Il crèche chez Benkhedda jusqu’au jour où sa plaque fut retrouvée.Ben M’hidi a été arrêté par les éléments du colonel Bigeard qui montre une sidération sans égale face à sa détermination et son intelligence. Ces images où on le voit souriant resteront gravées dans l’histoire. Ben M’hidi était même salué par les militaires français avant de le livrer à Aussaresses. Il subit toutes sortes de tortures. Dans le film, on le voit enchaîné et pendu, priant Dieu avec une voix presque inaudible de le laisser partir et le rejoindre dans l’Au-delà. La séance fut arrêtée.Drifa, suffocante, eut un malaise mais sans conséquence grave sur sa santé. Tout le monde a fondu en larmes. Au moment où certains se sont précipités pour ramener de l’eau pour Drifa, d’autres ont préféré quitter la salle et essuyer leurs larmes loin des regards. Pour l’écriture d’un tel scénario, il a fallu trois ans de recherches, de déplacements dans différentes régions du pays, dont Biskra et Constantine, d’exploration d’archives et de témoignages.Bachir Derraïs en est conscient. Le personnage n’est pas quiconque, car on parle là de l’un des membres des six qui ont préparé la guerre d’indépendance, devenu l’homme fort de son organisation, président du Congrès de la Soummam, Mohamed Larbi Ben M’hidi n’était pas qu’un chef de guerre, mais un porteur de projets et un propulseur d’espoir et d’idées. Gloire à nos martyrs.Ben M’hidi a été assassiné la nuit du 3 au 4 mars 1957 à l’âge de 33 ans. La France avait dit qu’il s’était suicidé, chose que sa famille n’a jamais crue. En 2001, après la sortie de son livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957 des éditions Perrin, le général Aussaresses reconnaît avoir procédé à l’exécution sommaire, par pendaison maquillée en suicide, de Larbi Ben M’hidi.

Meziane Abane

 

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  • 1 year later...

POLÉMIQUE SUR LE FILM «BEN M'HIDI» DE BACHIR DERRAIS

 

Parlons-en!

L'Expressiondz

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«Lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer les places. Ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre et certains y pensent déjà... Oui, j'aimerais mourir au combat avant la...fin.» Larbi Ben M'hidi

 

Encore une fois les martyrs sont réquisitionnés pour une cause triviale. Il s'agit en l'occurrence, d'un film retraçant la vie de Ben M'hidi, une des icônes les plus pures de la Révolution. Le film Ben M'hidi», de Bachir Derrais est interdit de projection en Algérie et à l'étranger. Petit rappel des faits, rapportés dans la contribution suivante: «Son réalisateur est atterré par cette décision de la commission de visionnage du ministère des Moudjahidine.» Dans un entretien qu'il a accordé à Jeune Afrique, Bachir Derrais explique les derniers développements. Il explique que «la commission conteste certaines scènes et me reproche de ne pas avoir mis l'accent sur la vie et le parcours de Larbi Ben M'hidi. Elle juge que le côté politique de ce biopic prend plus de place que le volet de la lutte armée. Elle estime en outre que le film n'a pas suffisamment mis l'accent sur les scènes de guerre et sur les atrocités commises par l'armée française. Elle n'a pas non plus apprécié que le film évoque les désaccords entre les chefs historiques du Front de Libération nationale (FLN), ainsi que la guerre de leadership qui avait opposé d'un côté Ahmed Ben Bella et la délégation extérieure et de l'autre Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane et le CCE. Le réalisateur affirme que la commission l'accuse d'avoir porté atteinte aux symboles de la révolution. Puis de s'enflammer: «C'est totalement surréaliste. On fait le procès d'une oeuvre cinématographique qui repose entièrement sur les écrits et les témoignages de ces mêmes chefs ainsi que sur les récits de témoins directs dont les livres se vendent librement en Algérie.» Si l'on en croit le réalisateur, la commission lui reproche pourquoi il n'a pas montré les tortures qu'aurait subies Ben M'hidi. Seulement, le réalisateur renvoie la commission aux historiens. Aucun élément n'atteste que Ben M'hidi a subi des tortures durant sa captivité. Tous les témoignages des militaires français qui ont pris part à son arrestation, à sa détention et à son exécution attestent qu'il n'a pas été soumis à la torture. (...), ajoutant: «Je ne peux tout de même pas inventer un épisode de la révolution algérienne qui n'a pas existé. Si la commission possède des documents historiques qui attestent des faits de torture sur Ben M'hidi, je suis prêt à les consulter et en prendre compte.» Honnêtement le ton ne me plaît pas, pour deux raisons: la science infuse de celui qui prend ses censeurs de haut et aussi pour les références qu'il pense être des références. Certes, à la fin de son interview, il se rattrape en se disant prêt à écouter. Il eut fallu faire un scénario qui, sans mentir, serait oecuménique. Pourquoi le scénario n'a t-il pas été lu avant la mise en place du film. Mettre 4 millions d'euros dans un film qui ne serait pas vu et de l'argent du contribuable en pure perte. C'est le sort de tous les films interdits comme Krim Belkacem, seul le film Benboulaïd a su conquérir le coeur des Algériens. S'il est vrai que la famille révolutionnaire se croit intronisée pour veiller sur l'histoire dont elle détiendrait le monopole et les cordons de la bourse, il n'en demeure pas moins que je ne suis personnellement pas d'accord avec ce qui est écrit. Je ne vais pas chercher mes références uniquement en face, étant entendu qu'historien ou pas la plupart des historiens français - et c'est de bonne guerre- ne résistent pas à la tentation de minorer la part des révolutionnaires de la première heure dans le récit national. Le problème est de savoir si ce film est une fiction auquel cas il serait mal venu de dépenser 4 millions d'euros, c'est près de 60 milliards de centimes. Si maintenant ce n'est pas une fiction, il eut été honnête de décrire les faits historiques, tous les faits historiques rien que les faits historiques en s'entourant d'un collège d'historiens algériens- ce film n'a pas vocation à avoir l'imprimatur des historiens français surtout s'ils sont clivants, nos historiens ont les savoirs et la sensibilité qu'il faut pour rendre un honnête témoignage. Il est donc malvenu de chercher un appui auprès des historiens français en prenant de haut les censeurs d'un pays qui a quand même financé le film avec l'argent du contribuable.

La mort de Ben M'hidi racontée par les autres

L'un des points d'achoppement sur lequel le réalisateur intervient est l'existence de documents sur la torture de Ben M'hidi du côté algérien à en croire Le Matin d'Algérie, je cite: «Larbi Ben M'hidi lit-on sur Le Matin d'Algérie, assassiné par les paras du général Massu à Alger après l'avoir affreusement torturé est un personnage emblématique de la Révolution algérienne. Son aura auprès de la jeunesse algérienne en mal de repères a gagné en importance. Aussi, cette interdiction sonne a priori comme une volonté de régenter l'histoire.» Vu du côté des historiens français qui semblent être pris pour des références. Il serait utile de restituer autant que faire se peut ce qui s'est passé. Sur la base des informations de ces tortionnaires nous en citerons deux: Bigeard et Aussaresses. Justement et dans ce sens, Comme rapporté par le journal Le Point «En novembre 1984, Marcel Bigeard a admis, lors d´une interview au journal Algérie Actualité, qu´il avait utilisé le Penthotal (ou «sérum de vérité») pour faire parler Larbi Ben M´hidi, l´un des plus importants chefs du FLN: «On va pas torturer Ben M´hidi, quand même! (...)»

Il y a donc bien eu torture morale, le bourreau s'aide d'une drogue pour amoindrir le jugement de Larbi Ben Mhidi qu'il sait réfractaire au sens résilient à la torture physique, Pour sa part l'exécuteur des basses oeuvres assume. Il l'écrit dans son livre (Services spéciaux, Algérie 1955-1957),: «Arrêté par les parachutistes à la mi-février 1957, Larbi Ben M'hidi a été exécuté, mais n'a pas été torturé le «commandant O» effectue sans états d'âme la sale besogne que le pouvoir politique laisse faire, voire ordonne, aux chefs militaires français à Alger. Dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, Larbi Ben M'hidi est donc emmené, en jeep, à vive allure, vers la Mitidja, plaine agricole proche d'Alger. Le chef FLN est conduit dans la ferme désaffectée d'un colon extrémiste. On le fait attendre à l'écart. Pendant ce temps, Aussaresses et ses hommes, six au total, préparent l'exécution. (...) Il est un peu plus de minuit quand on introduit le chef FLN dans la pièce. Un parachutiste s'approche pour lui mettre un bandeau sur les yeux. Larbi Ben M'Hidi refuse. «C'est un ordre!», réplique le préposé à la tâche. Larbi Ben M'Hidi rétorque alors: «Je suis moi-même colonel de l'ALN (Armée de Libération nationale), je sais ce que sont les ordres!» Ce seront ses dernières paroles. Le «commandant O» refuse d'accéder à sa requête. Larbi Ben M'hidi, les yeux bandés, ne dira plus rien jusqu'à la fin. Pour le pendre, les bourreaux vont s'y prendre à deux fois. La première fois, la corde se casse. Dans cette précision révélée par Aussaresses, Drifa Ben M'hidi, la soeur du supplicié, dit aujourd'hui trouver du réconfort. C'est à ses yeux «le signe d'une intervention divine»».

Ce que je pense

Pour n'avoir pas vu le film, je veux espérer que cet épisode entre Bigeard et Ben M'hidi soit honnêtement rapporté. Comment l'Etat peut donner de l'argent pour faire un film sur un personnage de premier rang dans la révolution algérienne sans qu'on ne parle avant tout de l'adversaire? On peut comprendre que dans son domaine le réalisateur fait ce qu'il fait, mais en l'occurrence, faire un film sur la révolution n'autorise pas à avoir une vision hémiplégique de la réalité. On peut se donner comme cap de transcender la révolution pour aller chercher dans les méandres, la face cachée. Je pense que cette vision de voir aurait sa place dans un pays où l'histoire réelle et connue est assumée. Nous n'en sommes pas là. Je suis de ceux qui prônent un récit national honnête, sans déformation, qui décrit ce qui s'est passé. Tout ce qui s'est passé, rien que ce qui s'est passé.

Le combat de Ben M'hidi est connu, s'il est vrai qu'il avait une vision pessimiste du futur, Il n'en demeure pas moins que je suis aussi de ceux qui militent dans mon pays pour tout ce qui peut renouer les fils de la trame sociale sans insister outre mesure sur les divisions. C'est à cette dimension éducative d'une histoire sereine que devrait s'atteler le film qui n'a pas vocation à plaire de l'autre côté de la Méditerranée. S'il est vrai qu'il faut se battre pour que l'histoire soit écrite honnêtement grâce à l'appui d'historiens algériens, je dénie aux autres de nous dicter le sens de l'histoire. Justement, à propos de récit national, à quand une liberté aux historiens de dire ce qui s'est passé dans une histoire que je refuse de limiter à seulement 8 ans sur une épopée de plus de 28 siècles. La Révolution de Novembre n'est qu'un maillon d'un récit d'heurs et de malheurs que les jeunes gagneraient à connaître pour éviter d'être en apesanteur comme c'est présentement le cas, entre une histoire martelée à l'école avec toujours des faiseurs d'histoires et les autres sirènes nihilistes, il faut bien qu'un jour et le plus tôt serait le mieux, que des historiens s'attellent à écrire un récit national. Il serait alors plus que temps aussi que les archives algériennes qui sont à Aix soient rapatriées. Cette quête devrait s'ajouter à celle de la récupération des restes mortuaires des 35 crânes des patriotes algériens encore «détenus» dans les musées de France et de Navarre. S'agissant de Larbi Ben M'hidi, je suis convaincu qu'il ne faut pas se faire d'illusions, aucun fim présent ou futur ne peut rendre compte de ce que fut la grandeur du combat de Ben M'hidi, ses doutes, ses certitudes, et par-dessus tout un amour de l'Algérie qui lui fait se sacrifier pour une cause sacrée à la fois de l'indépendance, mais aussi de la dignité humaine.

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