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Nadia Matoub : « Mon combat pour la mémoire de Lounès »


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Nadia Matoub

« Mon combat pour la mémoire de Lounès »

El Watan

le 23.06.17 | 12h00

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Le come back de la veuve Lounès Matoub. 19 ans après, elle remis les pieds dans sa maison conjugale après une absence. Chronique d’une femme battante comme son rebelle de mari et d’une victime qui s’accroche à la vie.

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« Depuis la mort de Lounes, j’ai subi tous les dénis : je n’étais sa femme légitime. Il ne m’a jamais aimé. Je n’étais pas une victime et je n’avais jamais été blessée. Je n’avais même plus le droit de rentrer dans ce qui était notre maison. Tout ce que je pouvais dire n’était que mensonges et manipulations. Je ne sais pas comment j’ai pu tenir toutes ces années mais je me suis interdit de flancher pour lui. Pour Lounes mais aussi pour mes sœurs et mes parents que j’avais entraînés bien malgré moi dans ce tourbillon infernal ».Ce sont les propos d’une femme certes profondément blessée mais sereine et apaisée. Les paroles d’une femme qui, du statut de victime, s’est retrouvée dans celui de coupable idéale et de pestiférée à qui l’on demande, au mieux de se taire, au pire de se faire oublier. Ce mardi 19 juin 2017, Nadia, la veuve de Lounes Matoub, a accepté de nous ouvrir les portes de sa maison et celle de son cœur pour nous raconter son long combat pour revenir à la vie. C’est le témoignage d’une femme qui se bat depuis 19 ans pour retrouver sa place. D’abord une place dans la vie puis une petite place dans le cercle familial de son mari d’où elle a été exclue.Le propos est mesuré mais le ton sans ambages : « Je suis une victime mais je ne veux plus réagir en tant que victime. Maintenant je me bats. Lounes aurait aimé que j’aie mes droits donc je me bats pour les avoir. J’ai des choses à faire pour préserver son combat et sa mémoire. Mon but est de reprendre ma place. Je suis la veuve de Lounes et je veux être l’une des gardiennes fidèles de sa mémoire», dit Nadia Matoub. La jeune femme essaie d’apporter des réponses, d’expliquer cet effacement programmé et ses longues années de déni dont elle se dit victime : « Les gens ne comprenaient pas l’état dans lequel je vivais. Ils n’avaient aucune idée des blessures physiques et du traumatisme psychologique que je venais de subir. J’ai fini par comprendre que la mort de Lounes avait occulté tout le reste.Pour toute la Kabylie, il n’y avait rien d’autre que cette mort traumatisante », explique Nadia Matoub assise dans le salon familial sous un immense portrait de son mari. Le conte de fée qu’elle venait à peine d’entamer avec l’élu de son cœur s’est tragiquement achevé en ce début d’après-midi du jeudi 25 juin 1998. Un séisme d’une magnitude sans précédent va secouer la Kabylie et toute l’Algérie. Au sortir d’un virage, sur la route d’Ath Douala, au lieu-dit Tala Bounane, la voiture de Matoub Lounes, monstre sacré de la chanson berbère, est la cible d’un feu nourri de la part d’un groupe armé. Le chanteur résiste et riposte avec sa kalachnikov mais il sera achevé à bout portant d’une balle dans la tête après avoir été blessé. Touchée de plusieurs balles au ventre et à la hanche, sa femme, Nadia, est laissée pour morte. Ses deux sœurs, Ouarda et Farida, gisent sur la banquette arrière, grièvement blessées.

« La vie continuait sans moi, sans Lounes »

Après l’attentat qui a coûté la vie à son mari, Nadia est clouée pendant 40 jours sur un lit d’hôpital. Les dix premiers jours elle est pratiquement inconsciente. « J’avais des douleurs atroces et des fièvres incessantes consumaient tout mon corps à cause des infections que je faisais », se souvient-t-elle. Les médecins, notamment les deux chirurgiens qui l’opèrent, sont inquiets et ne lui accordent pas beaucoup de chances de survivre. Seulement, Nadia est une battante comme son rebelle de mari. Elle s’accroche à la vie. « Je m’accrochais à la vie comme le noyé à une planche de salut. Je me battais pour survivre aidée par cet instinct de survie présent dans tout être humain », dit-elle. Au bout de 40 jours de soins à Tizi Ouzou, Nadia est évacuée à l’hôpital militaire d’Ain Naadja mais elle se sent mal à l’aise au milieu de tous ces uniformes militaires.« Cela m’inquiétais plus qu’autre chose. J’ai préféré alors revenir à Tizi malgré le peu de moyens qu’il y avait là bas », dit-elle. La première fois qu’elle pose les yeux sur un décor qui n’est pas une chambre d’hôpital, elle est choquée de voir des gens vaquer le plus normalement du monde à leurs affaires. Elle prend conscience que la vie, finalement, ne s’est pas arrêté ce satané 25 juin 1998. Elle continuait finalement. Sans elle et sans Lounes mais elle continue. « Malgré tout, malgré la mort de Lounes, la vie continuait. Depuis l’attentat, la vie s’était arrêtée pour moi. J’étais dans un autre monde », raconte Nadia qui sortira de l’hôpital sur des béquilles le 6 août 1998. A la maison conjugale où elle se rend, l’accueil est plus que glacial et avec la belle famille, les choses tournent très vite au vinaigre.« J’ai même eu une crise avant de tomber par terre. Je n’étais pas encore rétablie. Je tremblais sur mes béquilles. Je ne comprenais pas ce qui se passait et ne réalisais pas encore tout ce qui m’arrivait ». Elle passe quand même la nuit à Taourirt-Moussa mais le lendemain, le 7 août, à 10 heures du matin, une voiture vient la conduire chez ses parents. Elle entend des cris de femme qui réveillent toutes ses peurs et ses angoisses. Encore profondément traumatisée, elle ne supporte ni cris ni bruits et part se reposer chez ses parents. A son prochain retour dans la maison conjugale, il y a aura encore d’autres conflits. « Dès qu’on a vu arriver la voiture qui me ramenait, on a fermé toutes les portes. J’ai été insulté à travers un mégaphone. J’ai donc dû faire demi tour et m’en aller », dit-elle.

De victime à coupable désignée

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Nadia tente tant bien que mal de régler quelques affaires courantes. Elle est reçue par le procureur, répond aux convocations des gendarmes, contacte des avocats mais les portes se ferment devant elle les unes après les autres. La mort de Matoub Lounes est devenue un sujet tabou. « J’étais seule et très affaiblie moralement et physiquement. J’étais une victime mais quelque part, on avait décidé de me sacrifier », dit-elle.Nadia décide de partir en France mais là bas aussi, le terrain lui est devenu hostile. « Je ne savais pas que la propagande qui avait été menée contre moi avait pris autant d’ampleur. Dans la communauté kabyle puis au sein de le presse française. Certains titres comme Libération ou Le Monde reprenaient à leurs comptes toutes les insinuations qui faisaient de moi une coupable, une complice dans l’assassinat de mon mari et non une victime. Avec le recul je me dis que ce qu’on avait fait subir à cette jeune femme de 22 ans, blessée, traumatisée et esseulée est vraiment criminel », soupire Nadia. Seule et affaiblie, Nadia Matoub ne pouvait compter que sur le soutien de sa proche famille et deux ou trois amis.« Quelques rares amis, comme Mohamed Bessa, m’avaient apporté énormément de soutien. J’ai commencé à demander des droits de réponse. Et au lieu de m’occuper de mes soins, je passais mon temps à répondre aux uns et aux autres », se rappelle-t-elle. Avec un avocat, ses droits de réponse passaient plus facilement dans les médias. Vint ensuite le fameux document du « Maol », un obscur mouvement « d’officiers libres » passé maître dans l’art de la théorie du complot. « Je n’y comprenais rien à leurs thèses sauf qu’à la fin on émettait des doutes sur moi. Ma plainte contre eux n’avait pas abouti car le serveur de leur site était domicilié en Angleterre. Avec tout ça, il fallait continuer les soins pour nous trois. Ouarda avait fait d’autres opérations pour les multiples fractures de son bras et on avait opéré également Farida pour lui extraire deux balles qu’elle avait dans le dos », dit Nadia dans un long soupir de lassitude.La jeune femme se met à l’écriture et publie un livre témoignage. « Un peu dans la précipitation car, quelque part, j’avais envie de parler. J’évoquais l’attentat mais c’est aussi un témoignage de ce que j’avais vécu avec Lounes. A vrai dire, je n’ai pas de grande satisfaction par rapport à ce livre. C’était surtout un besoin de m’exprimer à cette époque. Même dans l’urgence », avoue Nadia. La sortie du livre ne l’épargne pas des attaques. « On cherchait des détails dans le livre. On n’essayait pas de me contredire. Il y avait une vraie de volonté de me casser et de m’effacer… »Au printemps 2001, la Kabylie gronde d’une révolte que le pouvoir tente de noyer dans un bain de sang. C’est ce moment que choisit Nadia Matoub pour rentrer de France. « J’avais juste envie d’être là. Parmi les miens, avec tout ce qui se passait en Kabylie. J’ai fait à ce moment là, une autre tentative d’aller à Taourirt. A l’époque, la seule autorité, c’était les « Arrouch ». Je me suis donc adressée à eux. A ceux de Bouzeguene pour prévenir ceux d’Ath Douala que j’allais passer à la maison pour que tout se passe bien. A ma grande surprise, on me répond qu’il ne valait mieux pas que j’y aille. Ta belle mère ne veut pas de toi ! J’étais perdue, je ne savais si je devais me mettre en colère, crier ou pleurer », raconte Nadia.

 

Lettres d’insultes et de menaces

 

Suite

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Djamel Alilat

 

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