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L'armée française hostile à l'ouverture des archives de la Guerre d'Algérie


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Accès aux archives de la guerre d'Algérie: Macron contre Castex?

Le gouvernement, en contradiction avec les promesses faites par le président de la République en septembre 2018, a publié un arrêté qui confirme les entraves actuelles à l’accès aux archives, notamment des guerres d’Indochine et d’Algérie. Les archivistes, historiens et l’Association Josette et Maurice Audin qui ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat vont en introduire un nouveau.

Un recours a été déposé au Conseil d’Etat le 23 septembre 2020 pour qu’il abroge un texte réglementaire qui contredit la loi en entravant l’accès aux archives, notamment des guerres d’Indochine et d’Algérie. Le 15 novembre 2020, le gouvernement, en contradiction avec les promesses faites par le président de la République en septembre 2018, a publié un arrêté qui confirme ces entraves. L’Association des archivistes français, celle des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association Josette et Maurice Audin, qui ont été à l’origine de ce recours, vont en introduire un nouveau.

Le 27 mars 2020, une rencontre devait présenter un guide des archives sur les disparus de la guerre d’Algérie résultant des promesses présidentielles. Reportée au 4 décembre en visioconférence, tout indique qu'elle a été l’objet d’une reprise en main par le gouvernement. Elle devrait être l’occasion pour les archivistes et historiens d’exprimer leur protestation contre ces entraves.

Le 13 septembre 2018 le président de la République, Emmanuel Macron, a publié une déclaration qu’il a remise personnellement à Josette Audin, la veuve de Maurice Audin assassiné en 1957 durant la guerre d'Algérie par des militaires français qui le détenaient, reconnaissant la responsabilité de l’État dans ce crime. Et aussi l’existence d’un système ayant produit beaucoup d’autres disparitions forcées.

Il a également annoncé l’ouverture des archives sur tous les disparus de la guerre d’Algérie : « aussi le travail de mémoire ne s’achève-t-il pas avec cette déclaration. Cette déclaration visait notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires. Une dérogation générale, dont les contours seront précisés par arrêtés ministériels après identification des sources disponibles, ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’État qui concernent ce sujet. »

Dès le lendemain de cette déclaration, le site 1000autres.org a été créé pour documenter les milliers d’autres disparitions d’Algériens qui ont eu lieu pendant la grande répression qu’on a appelé la « Bataille d’Alger ». La journée d’étude le 20 septembre 2019 à l’Assemblée nationale sur « Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises : vérité et justice », dont les débats ont été filmés et dont les Actes ont été publiés en ligne, a souligné l’urgence de cette ouverture des archives. Deux années plus tard, ce n’est toujours pas le cas.

C’est même un phénomène inverse s’est produit. A partir de décembre 2019, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), un organisme assez opaque dépendant de Matignon, a exigé des archivistes une application pointilleuse de l’article 63 d’une instruction générale interministérielle (« l’IGI 1300 ») qui prétend réglementer la communication aux lecteurs des pièces d’archives « classifiées ».

Ce texte ministériel de décembre 2011, datant de la fin de la présidence de Nicolas Sarkozy et qui n’était souvent pas appliqué à la lettre car il rendait impossible les recherches, a interdit la consultation de documents frappés du tampon « secret-défense », bien que la loi dispose qu’ils sont communicables « de plein droit » s’ils remontent à plus de cinquante ans. En décembre 2019, un décret gouvernemental a imposé aux archivistes la « déclassification préalable » obligatoire des documents tamponnés sous peine de lourdes sanctions.

La riposte des historiens et des archivistes

Indignation aussitôt des historiens dont certaines recherches étaient rendues, de fait, impossibles. Et aussi des archivistes obligés de faire un tri préalable et de demander, avant de communiquer ceux pourvus de tampons, une « déclassification » à l’institution émettrice, c’est-à-dire le plus souvent à l’armée. Ce processus très lourd de « déclassification » - car toutes les unités apposaient abondamment sur leurs documents des tampons « secret » - a entrainé le recrutement par le ministère des Armées des centaines de personnels supplémentaires pour opérer ce travail coûteux et inutile au regard de la loi.

D’où le dépôt, le 23 septembre 2020, par l’Association des archivistes français (AAF), celle des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, d’une requête au Conseil d’Etat lui demandant de mettre fin à cette situation illégale et absurde. Un film, « Après l’affaire Audin. Les disparus et les archives de la guerre d’Algérie » a été réalisé par François Demerliac pour retracer le contexte et le déroulement de leur mobilisation.

La question est remontée jusqu’au président de la République puisque lors de sa conférence de presse, le 2 octobre, aux Mureaux, il a déclaré : « j’ai été saisi par plusieurs historiens des difficultés qu’ils rencontraient pour l’accès aux archives et donc j’ai demandé que des clarifications me soient apportées, et, dans les prochaines semaines, je répondrai à ces clarifications qui me sont demandées par plusieurs historiens (1) ». Et, lors de la cérémonie du 11 novembre au Panthéon, un dialogue a été enregistré involontairement par France télévision entre Emmanuel Macron et Jean-Noël Jeanneney, auquel le chef de l’état-major particulier du président de la République, l’amiral Rolland, a été associé, qui a donné l’impression que le président était prêt à entendre les historiens et à renouer avec ses promesses de septembre 2018 (2).

Le « passage en force » du gouvernement de Jean Castex

Mais c’est le contraire qui est arrivé.

Tout indique que le gouvernement a voulu « passer en force », poussé par certains responsables de l’armée qui n’ont pas accepté la déclaration présidentielle de septembre 2018 et ont voulu, en la matière, imposer leur volonté aux autorités civiles du ministère de la Culture et des Archives nationales.

Poussé peut-être aussi par la Secrétaire générale du gouvernement qui était précédemment à la tête du SGDSN. Le 1er novembre, au journal de 20 heures de TF1, le premier ministre, Jean Castex, s’est distingué nettement des propos tenus à plusieurs reprises par le président de la République sur le passé colonial de la France : « Je veux dénoncer toutes les compromissions qu’il y a eues pendant trop d’années, […] nous devrions nous autoflageller, regretter la colonisation, je ne sais quoi encore » — déclaration dont s’est démarquée publiquement la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui s’est déclarée plus proche sur ce sujet du président de la République (3).

Et le 15 novembre 2020, un arrêté ministériel est paru qui a confirmé le principe d’une obligation de « déclassification préalable » pour les documents tamponnés « secret » pourtant légalement consultables, un arrêté annoncé depuis plusieurs mois mais dont on pouvait espérer que le dépôt du recours au Conseil d’Etat avait dissuadé le gouvernement de publier. Arrêté qui a été immédiatement repris par un certain nombre de sites de l’armée et critiqué par le compte Twitter « Archives ça débloque ! » du collectif qui a lancé cette protestation.

Cet arrêté prolonge l’IGI 1300 avec quelques amendements. Il place à 1934 dans la nouvelle IGI la date d’ouverture des archives alors que la loi et le code du patrimoine disposent que celles de plus de 50 ans sont librement communicables - soit, en 2020, toutes celles antérieures à 1970.

Cette date de 1934 introduite par cet arrêté dans l’IGI 1300 représente même un recul par rapport à ce qui se pratiquait, par exemple, depuis le début de l’année 2020 au Service historique de la défense (4). Par ailleurs, aucun délai de réponse n’encadre l’éventuelle « déclassification » d’archives demandées par un lecteur. Et cet arrêté permet même que des documents qui n’avaient pas été tamponnés « secret » pourront être « classifiés » a posteriori ! C’est un renforcement honteux du règne de l’arbitraire.

L’arrêté ministériel du 15 novembre 2020 va faire l’objet de la part des trois mêmes associations d’une nouvelle requête au Conseil d’Etat, qui sera jointe par lui à celle déposée le 23 septembre. Elle demandera clairement que soit retiré de cette IGI tout ce qui conduit à imposer une procédure de « déclassification » de documents d’archives publiques communicables de plein droit.

De nombreux soutiens dans le monde

Cette mobilisation reçoit un vif soutien des historiens et archivistes et de journaux d’autres pays. Le Conseil international des archives (AIC), organisme rattaché à l’Unesco, leur a apporté son appui. Dans son ouvrage Archives and Human Rights qui paraîtra en Grande Bretagne chez l’éditeur Rootledge en mars 2021, l’AIC a souhaité faire figurer un texte des historiens français Gilles Manceron et Gilles Morin, « France - La demande de rendre accessibles les archives des guerres coloniales et en particulier de la guerre d’Algérie », qui explique les mécanismes qui font actuellement obstacle en France à l’accès à ces archives.

De nombreux autres soutiens ont été exprimés à l’étranger, en particulier dans la presse algérienne. Aux Etats-Unis, l’importante American Historical Association soutient cette mobilisation des historiens et archivistes français et appuie leurs recours introduits devant le Conseil d’Etat.

Des questions écrites ou orales ont déjà été posées au Premier ministre par des députés et des sénateurs et de nouvelles vont l’être prochainement par d’autres. Des rencontres des associations requérantes sont prévues avec la Commission des affaires culturelles du Sénat et avec la ministre de la Culture, dont dépendent les services publics d’archives - c’est du moins ce que prévoit la République, même si certains responsables de l’armée voudraient se substituer dans ce domaine à ceux de la Culture.

Une occasion, le 4 décembre, d’interpeler le gouvernement

Par ailleurs, en mars 2020, un guide sur les disparus de la guerre d’Algérie dans les archives publiques françaises a été mis en ligne sur le site de France-Archives grâce à un travail important dans un délai très court d’archivistes des Archives nationales. Mais près de 90% des références d’archives indiquées n’ouvrent sur aucun inventaire de fonds d’archives des Archives nationales, mais seulement sur l’information : « document non trouvé ».

Ce guide a été réalisé dans l’urgence par des archivistes non spécialistes de la période et sans qu’il soit fait appel à des historiens spécialistes. Le résultat n’est pas à la mesure des besoins. Dans son état actuel, ce guide est inexploitable. La présentation a été traduite en anglais et en arabe, mais la liste des fonds et les liens vers les inventaires en ligne sont exclusivement en français. Par ailleurs, sans la création d’une cellule administrative d’accueil des familles d’Algériens souhaitant, suite à la déclaration du Président de la République de septembre 2018, faire des recherches sur leurs proches disparus durant la guerre d’Algérie, celles-ci ne pourront trouver aucun renseignement à leur sujet avec le seul secours de ce guide.

Très peu d’archivistes seront en mesure de les renseigner dans la langue qu’ils maitrisent. Par exemple, comme l’a expliqué la responsable des Archives nationales d’outre-mer (ANOM) lors du Forum sur « La transparence des archives » organisé en février 2019 à Saint-Etienne par l’AAF, aucun des archivistes des ANOM n’est arabophone.

Comme l’a écrit Raphaëlle Branche, « La montagne a accouché d’une souris. […] Là où il aurait fallu ouvrir largement les portes, on entrouvre certaines fenêtres, tandis qu’y sont ajoutés les barreaux d’une déclassification jugée opportunément nécessaire après des décennies de pratiques pourtant différentes (5) »

Une journée destinée à présenter ce guide et à débattre des disparus de la guerre d’Algérie était prévue le 27 mars 2020 sous l’égide du ministère de la Culture et des Archives nationales. Elle a dû être reportée en raison du contexte sanitaire. Et elle s’est transformée en une rencontre en visioconférence, le 4 décembre 2020, placée cette fois sous l’égide du gouvernement.

C’est le service gouvernemental du SIAF (Service interministériel des archives de France) qui doit l’organiser. Notons cependant que son sous-directeur, Jean-Charles Bédague, qui en a aussitôt, comme l’exige sa fonction, exposé le contenu aux archivistes, a ajouté que le recours déposé par un collectif d’historiens, d’archivistes et de juristes auprès du Conseil d’État pourrait changer la donne… (6). Ont disparu de son programme les logos du ministère de la Culture, des Archives nationales et autres centres d’archives publiques, ainsi que celui de la Mairie de Paris, qui figuraient sur le précédent. Et le programme de cette journée ne figure pas à ce jour sur le site des Archives nationales.

Archivistes et historiens s’exprimeront néanmoins

Certains des intervenants inscrits au programme de cette rencontre vont dire leur opposition à ces entraves, contraires à la loi, dressées à la consultation des archives et affirmer leur soutien aux recours déposés devant la Conseil d’Etat. Bien que les temps de débats aient été réduits à la portion congrue (trois fois un quart d’heure sur l’ensemble de la journée), les personnes inscrites à cette rencontre pourront s’exprimer à ce sujet, au moins par écrit (via la fonction « converser » de la visioconférence).

Les insuffisances du guide seront pointées. Des usagers des archives auront préparé leurs questions. Certains demanderont ce que ces manœuvres administratives qui empêchent l’application de la loi essayent de dissimuler. L’ouverture de l’ensemble des archives de la guerre d’Algérie sera demandée, puisque la loi dispose que les archives de plus de 50 ans, c’est-à-dire antérieures à 1970, sont consultables « de plein droit » à tous ceux qui veulent connaitre des documents qui appartiennent aux archives de la nation.

Seule leur ouverture générale - puisque les traces des disparitions forcées de cette guerre, quand elles existent, sont dispersées dans de multiples fonds - permettra, dans la mesure du possible, parmi d’autres disparitions, de documenter celles des nombreux civils algériens qui en ont été victimes lors de la « Bataille d’Alger » mais aussi tout au long de la guerre.

C’était le souhait émis par le président de la République le 13 septembre 2018 lors de sa visite à Josette Audin.

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Ou sont nos activistes et militants algeriens pour les droits de l'homme ? N'est-ce-pas le droit le plus fondamental du peuple algérien de récupérer sa mémoire, son histoire ?

Le gouvernement Macron viole la loi de la République en interdisant l'ouverture des archives qui ont pourtant dépassé les 50 ans requis par la loi avant d'entrer dans le domaine public et ce sur instruction de l'armée.

Ou est le parlement algérien ? Pourquoi il ne fait pas une résolution a l'encontre de la France ?

Any answers ? Anyone ?

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