shadok 63 Posted February 26, 2021 Partager Posted February 26, 2021 Le Hirak est bien vivant, et seuls ceux qui l’ont enterré, par conviction ou par précipitation, sont surpris. Du côté du pouvoir, il y a une persistante erreur de diagnostic sur ce qu’est cette lame de fond d’une société inquiète de voir un ordre politique suranné, inefficace, dispendieux et corrupteur, menacer les fondements de l’Etat national et l’avenir du pays. La lecture sécuritaire – accompagnée d’un traitement par la répression – réduit ce mouvement à une entreprise subversive islamiste ou berbériste, quand ce ne sont pas les deux réunies, conçue et actionnée par la “main étrangère”, Otpor, Soros et une multitude d’autres officines. On aura même eu des éditocrates qui ont trouvé dans le pacifisme éprouvé du Hirak la “preuve” de l’existence de cette “main étrangère” et d’une insertion du Hirak dans les révolutions oranges. Comme si les Algériens étaient génétiquement violents et qu’ils ne pouvaient pas tirer des enseignements, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, de la tragédie des années 90 ! La diabolisation de la “transition” Toutes ces accusations convergent vers le procès en anti-patriotisme à l’encontre de ceux qui ont défendu – et défendent – une transition politique. Ceux-là sont accusés, sans aucune autre forme de procès, de vouloir détruire l’Etat, d’obéir à des agendas extérieurs ou de vouloir prendre le pouvoir sans passer par les urnes. On n’insistera pas sur la manière grossière et humiliante pour l’intelligence des Algériens dont les médias officiels et off-shore assènent ces accusations, mais on peut y voir un signe clinique d’aveuglement et de décalage abyssal entre la vision du régime et les aspirations communes d’une société au demeurant très diverse au plan sociologique, idéologique et politique. C’est bien cette exigence commune – qui ne fait pas du Hirak un parti unique qui occulte les différences et contradictions qui traversent la société – de sauvegarde de ce qui reste d’Etat qui fait que ces accusations n’ont aucun effet. La diabolisation extrême du mot de transition, associée à des phantasmes et à des complots à n’en plus finir qui viseraient la “destruction” de l’Etat a été le paravent pour refuser d’écouter ce que la société, dans son unité et sa diversité, réclame: un changement de paradigme et donc un changement de régime. La feuille de route du régime – élections présidentielle, révision de la constitution, élections législatives – tourne le dos à la société en prétendant restaurer un régime discrédité moralement et politiquement. Outre l’échec en termes de taux de participation aussi bien à la présidentielle que pour le référendum, les manifestations du 22 février 2021 montrent qu’il n’existe pas de résignation chez les Algériens et que la répression menée sur fond de crise sanitaire n’a fait que renforcer leur détermination. Ces manifestations disqualifient déjà la prochaine étape de la feuille de route du régime, celle des législatives. Même si le régime espère susciter des appétits et des vocations au sein du Hirak qui viendrait s’ajouter à celles des partis traditionnels, ces élections, organisées dans les conditions actuelles, seront boudées par les Algériens. On n’est pas dans un malentendu, on est –et c’est grave- dans deux optiques totalement divergentes. Les Algériens ne sont pas, aujourd’hui, en train de demander un changement d’APN. Ils veulent une transformation démocratique du pays. La transition a pour objectif d’organiser et de mener à bien cette transformation pour que l’élection d’une assemblée nationale ne se réduise plus à la promotion d’un certain nombre d’individus au statut de députés. Son objectif est de faire de cette assemblée un vrai lieu de la politique, de la délibération, de la négociation et du débat public. L’ambition exprimée par le Hirak pour le pays est beaucoup plus grande que l’appât de la députation. Car en définitive – et le pouvoir et ses éditocrates le savent – une transition n’est pas du tout un démantèlement de l’Etat ; elle consiste à rendre effective les libertés, à abolir les lois liberticides, à mettre fin au contrôle grossier et contreproductif des médias, à ouvrir le champ politique. Si le Hirak a quitté les rues pour cause de pandémie, le régime n’a pas saisi l’opportunité de faire des ouvertures politiques allant dans ce sens. Il a réprimé, et en voulant gagner du temps pour lui, il en fait perdre au pays. Car l’Algérie n’a plus beaucoup de temps. Les faux espoirs mis dans une remontée des prix du baril hérissent au plus haut point les économistes qui s’attendent à un choc vertigineux du fait des multiples déficits qui enfoncent l’économie dans l’impasse. L’ajustement – qui aurait pu se faire avec moins de douleur en 2010 – désormais inévitable, va être extrêmement dur. Et si la question de la légitimité – et donc de la citoyenneté effective et non “spécifique” – n’est pas résolue, il y a vraiment de quoi être inquiet. En tous cas, il est sûr que les classes populaires n’accepteront pas d’être la seule variable d’ajustement. Le régime crée le vide Le régime n’a même pas entendu le message sage de Mouloud Hamrouche expliquant qu’il n’était pas nécessaire de créer un “vide” dans le pouvoir – histoire de répondre à ceux qui diabolisent l’idée de transition – pour aller vers un compromis historique visant à renforcer l’Etat et à permettre au pays de faire face à de très graves défis. Le régime crée lui-même le vide avec une propagande qui tourne à vide et qui est constamment tournée en dérision sur les réseaux sociaux. Le message de Mouloud Hamrouche est plus que jamais présent après tout ce temps perdu: seules les libertés peuvent sauver l’Etat et être fondatrices, par un processus politique ouvert, d’un nouveau consensus pour un renouvellement du projet national. Ce n’est pas en poursuivant une feuille de route de restauration par des élections législatives que l’on créera les conditions d’un renouvellement du projet national. Ceux qui ont battu le pavé ce 22 février 2021 n’ont fait que le rappeler: il faut changer de paradigme. La société algérienne n’était qu’un objet opaque, hostile et inquiétant au yeux du régime, alors que, pas à pas, elle est en train de prendre ses responsabilités et d’avancer sur le chemin de la réalisation de son objectif primordial : la construction de l’Etat de droit. Par Saïd Djaafer 24HDZ 23/02/2021 Citer Link to post Share on other sites
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