Jump to content

Tentation répressive: la pente glissante par Said Saadi


Recommended Posts

Des centaines d’arrestations arbitraires ont été opérées ce vendredi. Certaines ont été accompagnées de sévices corporels. Ces abus ont provoqué une immense indignation dans le pays. Il ne faudrait pourtant pas que l’émotion, si légitime puisse-t-elle être, soit le seul ressort qui inspire nos réactions. C’est dans les moments de grandes tensions et fébrilités que les acteurs politiques soucieux du destin national se doivent de savoir raison garder. 

En l’état actuel des choses, il est difficile de lire la logique qui dicte le raidissement pour lequel ont opté les décideurs. Il n’y a rien de plus facile que la répression systématique. Rien de plus dangereux aussi. L’abus d’autorité créé l’illusion d’être une solution magique dès lors que, non contraint par la loi, il ne se fixe pas de limite. Ces  reflexes ont trop souvent ouvert les portes à l’aventurisme politique. 


Combien de régimes autocratiques, grisés par le sentiment de toute puissance, se sont piégés par les décisions unilatérales décrétant qu’une lutte doit impérieusement cesser au motif que durant trop longtemps sans déboucher sur des propositions cohérentes et réalistes, elle est nécessairement synonyme de sédition. 

Il ne s’agit pas d’occulter ici les raisons qui ont privé le mouvement de février 2019 de perspectives ni de banaliser l’incapacité ou, plus grave, le refus de lui donner un cadre de représentation, un agenda et des objectifs clairs. Ce sont là des questions auxquelles il faudra répondre sans démagogie ni complaisance. Pour la gestion du présent et les annales de l’histoire, il faudra bien, en temps opportun, chercher à comprendre pourquoi le miracle annoncé aux premiers mois de l’insurrection n’a pas eu lieu. Pourquoi la méthodologie avancée pour préparer une phase de transition opérationnelle n’a pas eu l’écho qu’elle méritait ? Pour l’heure, contentons-nous de constater que la navigation à vue a créé une forme d’indifférence générale qui a fini par gagner la communauté internationale, laquelle s’est murée dans une expectative que le régime algérien a cru pouvoir traduire comme un permis de sévir.  

Se baser sur les erreurs de lecture voire les fautes de jugement commises par des acteurs de l’opposition ou spéculer sur le rejet, bien réel, des tentatives d’infiltration islamiste du mouvement pour élaborer sa stratégie de reconquête de l’opinion publique est une autre méprise qui sera tout aussi préjudiciable pour l’Etat, la société, le citoyen mais aussi…pour le pouvoir. Dans les grandes impasses historiques – et celle que vit l’Algérie en est bien une - le déni de réalité a généralement engendré des affrontements dont les dirigeants sont rarement sortis indemnes. 

Un peuple n’investit pas la rue aussi massivement pendant une année pour rien. Il ne reprend pas ses marches en pleine pandémie si un sentiment irrépressible de rupture avec le passé n’est pas puissamment intériorisé. Quand bien même le pouvoir parviendrait-il à contenir puis arrêter les manifestations, il aurait cassé le thermomètre mais pas fait disparaître la fièvre et encore moins les germes qui en sont à l’origine. 

La rue algérienne a été un lieu d’exutoire de dépits et colères que des institutions sans  légitimité ni expertise n’ont pas été capables d’entendre et de calmer. Ce ne sont  certainement pas les élections du 12 juin qui - si elles devaient avoir lieu, promettent de battre les records déjà galactiques de l’abstention - vont offrir une assemblée nationale qui serait le lieu d’une médiation sociale crédible. Si les institutions sont rejetées et que la rue est interdite, il risque de ne rester que la fureur pour exprimer un désespoir chronique qu’une crise sociale déjà lourdement pénalisante ne manquera pas de pousser vers des expressions plus radicales voire suicidaires. Le caractère pacifique qui a prévalu jusque-là et dont les responsables ne semblent pas apprécier le providentiel bénéfice peut vite s’évanouir tant il y a de braises qui couvent sous les cendres. Il ne restera alors que le recours au pire. On sait où ces paris commencent, on sait rarement où ils se terminent. 
 
Certes, la communauté internationale - seul arbitre que les despotes redoutent - se désintéresse des mouvements non organisés qui s’épuisent de la contestation politique sans échéances. Pour autant, elle  apprécie rarement les régimes qui n’ont que la force brutale à opposer à leur peuple. L’exemple égyptien qui semble séduire Alger ne doit pas faire oublier le naufrage roumain.

Par Said Sadi le 16 mai 2021

Link to post
Share on other sites

Bien dit : "Quand bien même le pouvoir parviendrait-il à contenir puis arrêter les manifestations, il aurait cassé le thermomètre mais pas fait disparaître la fièvre et encore moins les germes qui en sont à l’origine"

Link to post
Share on other sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Guest
Répondre

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

×
×
  • Create New...