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Madrid veut relancer le projet gazier MidCat


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L’Espagne se rêve en « hub »
pour l’entrée, le stockage
et la distribution de gaz en Europe
madrid ­ correspondante
A
lors que l’Europe cherche à réduire sa dépendance au gaz russe,
l’Espagne entend se
positionner en « hub » stratégique permettant de diversifier les
sources d’approvisionnement du
continent. « Nous pouvons être
une alternative au gaz russe », insistait­on au ministère des affaires étrangères, dès le début du
mois de février, avant même l’invasion en Ukraine. L’idée, depuis,
a fait son chemin. « Avec sa
grande capacité énergétique et sa
grande expérience dans les énergies renouvelables, l’Espagne peut
et va jouer un rôle important pour
approvisionner l’Europe, a confirmé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der
Leyen, à Madrid, le 5 mars. Et, pour
cela, nous devons travailler dans
les interconnexions entre la péninsule Ibérique et le reste de l’Union
européenne [UE]. »
« Erreur stratégique »
Sur la table, un dossier que l’on
croyait définitivement enterré a
été ressuscité : le MidCat. Lancé
par l’Espagne, le Portugal et la
France en 2003, ce projet de gazoduc traversant les Pyrénées entre
la Catalogne et le sud­ouest de
l’Hexagone devait permettre de
relier les réseaux espagnols et
portugais au réseau européen et
aider à désenclaver la péninsule
Ibérique, véritable « île énergétique », qui compte moins de 5 %
d’interconnexions – loin des 15 %
demandés par l’Europe. Avec un
coût estimé à 400 millions
d’euros dans sa première phase
de développement, l’infrastructure avait même figuré un temps
parmi les infrastructures prioritaires de l’UE, avant d’être abandonnée en 2019, sur fond de manifestations d’écologistes.
« Ne pas faire aboutir le MidCat a
été une erreur stratégique, regrette l’ancien ministre des affaires étrangères espagnol (de 2011 à
2016) José Manuel Garcia­Margallo. Avec ses autres gazoducs et
ses usines de regazéification, l’Espagne aurait pu permettre une véritable alternative au gaz russe. »
Mais une étude commandée par
la Commission européenne estimait que le gazoduc ne serait ni
rentable ni nécessaire. Faute de
consensus sur la répartition des
coûts et d’intérêt côté français, le
projet a finalement été enterré,
en 2019, par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Laquelle remettait en question son
intérêt stratégique…
Celui­ci, à présent, ne fait guère
de doutes et les Espagnols, déjà
déçus à l’époque, se lamentent de
cette occasion perdue. Le royaume, en effet, ne manque pas
d’atouts. Il est relié à l’Algérie par
le gazoduc sous­marin Medgaz,
d’une capacité de 10 milliards de
mètres cubes par an. Et, jusqu’à sa
fermeture, le 1er novembre 2021,
après une crise entre l’Algérie et le
Maroc, il l’était aussi par le gazoduc Maghreb­Europe. Afin d’augmenter les flux, le gouvernement
espagnol ne cesse de courtiser Alger : dimanche 6 mars, le premier
ministre socialiste, Pedro Sanchez, a encore appelé le président
algérien, Abdelmadjid Tebboune.
L’Espagne compte aussi six usines de regazéification de gaz naturel liquéfié (GNL), représentant
27 % des capacités totales de l’UE
et le Royaume­Uni inclus, soit
60 milliards de mètres cubes par
an. Ces terminaux lui permettent
d’importer par méthaniers du gaz
provenant de quatorze pays
– principalement des Etats­Unis,
mais aussi de pays d’Afrique subsaharienne et du Golfe, alors que
le gaz russe représente moins de
10 % de ses importations. Or, ils ne
sont utilisés qu’à la moitié de leur
capacité. Enfin, l’Espagne est aussi
le pays d’Europe ayant les plus
grandes capacités de stockage
de GNL (35 % du total), devant le
Royaume­Uni (22 %) et la France
(14 %), selon l’association Gas Infrastructure Europe (GIE), qui regroupe les opérateurs de 27 pays.
Cependant, pour faire transiter
ce gaz dans le reste de l’Europe et
mettre ainsi à profit les infrastructures espagnoles, le pays ne
compte que deux gazoducs. A Larrau, en Navarre, et à Irun, au Pays
basque, ils ne permettent que le
passage de 8 milliards de mètres
cubes par an vers la France. Depuis la dernière semaine de février, ces deux gazoducs envoient
en moyenne 40 gigawattheures,
chaque jour, vers l’Hexagone, une
quantité limitée, mais significative de la volonté de l’Espagne de
contribuer à une solution. Ses terminaux gaziers, en particulier celui de Bilbao, stockent par ailleurs
du GNL destiné à être, ensuite, réparti dans d’autres pays d’Europe.
« L’Europe doit le financer »
La crise énergétique provoquée
par la guerre en Ukraine peut­elle
à présent ressusciter le projet MidCat ? Si le ministre des affaires étrangères, José Manuel Albares, plaide en ce sens, la ministre de la transition écologique, Teresa Ribera, tempère. « Cela ne
doit pas finir dans une voie sans issue. Il est important qu’il y ait une
connexion adéquate en France »,
a­t­elle expliqué, mardi 8 mars, en
conseil des ministres.
Pour la ministre, une telle infrastructure devrait être financée
« comme un projet d’intérêt européen, pas par les utilisateurs espagnols », puisque son objectif principal est la sécurité de l’approvisionnement des pays du nord et
de l’est de l’Europe.
L’infrastructure devrait avoir
des caractéristiques techniques
qui « permettent le transport de
biométhane et autres biogaz, et,
dans un avenir proche, d’hydrogène renouvelable, afin d’assurer
sa viabilité commerciale », a souligné Mme Ribera. Avec 6,9 milliards
d’euros des fonds de relance européens pour développer l’hydrogène vert, l’Espagne pourrait utiliser, à l’avenir, le MidCat pour exporter son surplus de production.
Car il est impossible que cette infrastructure apporte une solution
à court terme : Mme Ribera a rappelé que sa construction prendrait, au mieux, « cinq à six ans ». 
sandrine morel

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