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Jacques Berque : Un trésor sous-exploité


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Pour rendre hommage, comme il se doit, à cet enfant frendéen, devenu un penseur de dimension universelle, une annexe de la bibliothèque nationale a été créée à Frenda et baptisée du nom de Jacques Berque. Un fonds documentaire très riche y

Est depuis des années entreposé sans que personne ou presque n’en profite

Au plus grand dam du directeur de l’annexe, le Dr Amar Mahmoudi. Retour

Sur le destin d’un homme exceptionnel et du formidable trésor qu’il légua

À sa ville natale. C’est un certain 4 juin 1910, à Frenda,

Dans la wilaya de Tiaret, sur un sol arrosé du sang des martyrs et sous une

Chaleur presque caniculaire, que naquit un enfant que ses parents prénommèrent

Jacques. Mais les parents de «Jacquot» comme se plaisaient à le surnommer

Ses anciens compagnons à Frenda étaient loin, très loin de se douter,

Un seul instant, que ce bambin blondinet, calme et au regard perçant, allait

Devenir célèbre et que son nom resterait à jamais gravé dans l’histoire de la

Sociologie et l’islamologie notamment. Homme exceptionnel, «ce géant du

Savoir ou ce chêne robuste des Hauts Plateaux de l’ouest du pays» comme

Écrit dans une biographie rédigée par Dr Amar Mahmoudi, directeur de l’annexe

De la bibliothèque nationale Jacques Berque de Frenda, est aussi un magicien virtuose de la grammaire arabe. Spécialiste émérite des rapports des sociétés maghrébines avec l’histoire et l’identité dans la philosophie et la philologie, Jacques Berque, cet érudit polyglotte qui passa sa vie à réfléchir au phénomène coranique est, en effet,

L’auteur d’une traduction du texte fondateur de la religion musulmane, un traduction présentée comme la plus proche des concepts labyrinthiques et des sophismes de la langue arabe, une œuvre maîtresse de l’enfant de Frenda qui fit dire à Jean Pierre Chevènement cette phase restée célèbre: «c’est à travers les yeux de Jacques Berque Que j’ai appris à regarder l’Orient». «Le Coran est une parution musicale universelle ou la sublime symphonie divinement solfiée», cette phrase troublante de vérité sortie de la bouche de l’enfant de Frenda est aussi révélatrice de la nature œcuménique de Jacques Berque, un homme qui sût, mieux que quiconque, dépasser les rivalités saugrenues nées des différences religieuses, ethniques ou idéologiques. En effet, dans sa retraite active, Jacques Berque se consacra pleinement, de longues années durant, à la traduction du Livre fondateur de l’Islam. Comparativement à ses devanciers dont la traduction était peu ou prou fidèle, l’éminent penseur et orientaliste français eût le privilège de recourir, très souvent, aux sciences du langage pour explorer et analyser avec pertinence l’idiome qorayshite. Et c’est donc tout naturellement, l’on pourrait écrire, que Jacques Berque, cet infatigable explorateur révéla au monde entier, celui issu de la civilisation arabo- musulmane notamment, « (...) son érudition sur la beauté des versets du Coran: beauté des formes, beauté des sons, beauté des vers, beauté des rythmes et leurs résonances qui baignent les «Ayat» d’une lumière tantôt douce, tantôt éclatante (...)» écrit Amar Mahmoudi dans sa biographie consacrée au célèbre penseur. Même les plus grands orientalistes de son époque disaient de lui qu’il était «un esprit encyclopédique, maniant à merveille un français charnu, saisissant en un clin d’œil les tournures les plus absconses et les plus fulgurantes de l’arabe».

Le 27 juin 1995, Jacques Berque rendit son dernier soupir. Plusieurs colloques et manifestations scientifiques furent consacrés à ce penseur algérien, humaniste, poète et traducteur qui légua à Frenda, le douillet berceau de son enfance un héritage culturel sans précédent représenté dans près de mille ouvrages dans les langues arabe et française et des manuscrits uniques au monde. Un trésor malheureusement sous exploité en raison, notamment, de son éloignement de l’université Ibn- Khaldoun où un centre d’études khaldouniennes est en cours d’achèvement .

 

PS: Docteur MAHMOUDI AMAR c'est mon professeur du didactique du texte littèraire et systemes grammaticaux ke j'admire bcp bcp bcp

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Jacques Berque, islamologue

Repossession du monde

« Si Nous avons fait de vous

des peuples et des tribus,

c’est en vue de votre connaissance mutuelle »

Coran, XLIX, 13

 

Traducteur du Coran, longtemps professeur au Collège de France, l’orientaliste Jacques Berque, mort en 1995, était à la fois un homme de terrain et un érudit, un savant et un poète. Une harmonie qu’il tirait de sa vision profondément originale de la civilisation arabe. Ecrite dans une langue unique, magnifique, son œuvre réhabilite des peuples qui font figure d’éternels mal aimés, et contribue à les faire comprendre. Jacques Berque a ainsi joué un rôle essentiel de passeur entre les cultures. A ses élèves, il a transmis, bien plus qu’une somme de connaissances, une vision du monde.

 

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« Supposez qu’il se crée en France non pas un Islam français, mais un Islam de France, disons, pour simplifier, un Islam gallican, c’est-à-dire un Islam qui soit au fait des préoccupations d’une société moderne, qui résolve les problèmes qu’il n’a jamais eu à résoudre dans ses sociétés d’origine qui, pour des raisons historiques, ne sont pas des sociétés du niveau du nord de la Méditerranée. Figurez-vous le retentissement qu’aurait cet Islam de progrès sur le reste de la zone islamique. (...)

 

- En somme, pour les Algériens comme pour les Français, pour les musulmans comme pour les chrétiens, l’émigration peut devenir une chance ?

 

- Absolument, au lieu d’être un poids mort, une charge dont s’occupent seulement les flics ou à la rigueur les humanitaires, au mieux les humanitaires et en fait les flics... »

 

En avril 1995, quelques mois avant sa mort, l’orientaliste Jacques Berque dialoguait à la télévision avec son ami l’écrivain Jean Sur. Né en Algérie en 1910, titulaire pendant vingt-cinq ans la chaire d’histoire sociale de l’Islam contemporain au Collège de France, Jacques Berque est l’auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran. Il était attaché à la création d’une véritable solidarité méditerranéenne - ou plutôt à son « outillage », à son investissement d’une volonté politique, car les liens, notamment économiques, existent déjà -, il déplorait que la construction de l’Europe de Maastricht se fasse résolument vers le nord, en tournant le dos au bassin méditerranéen.

 

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L’arabisme, « un trésor soustrait à l’histoire »

 

« L’arabisme est une manière d’être », écrit Jacques Berque dans Les Arabes, un essai dont la première version date de 1959, et qu’il a réactualisé par deux fois pour les besoins de nouvelles éditions dans les années 70. Qu’est-ce que l’arabisme, pour les peuples qui s’en réclament ? « Est arabe, à leurs yeux, tout ce qui apparaît comme antique, comme authentique, comme survivant à toutes les déformations, à toutes les adaptations : bref un trésor soustrait à l’histoire, et que celle-ci n’a pu que dilapider ou aliéner, qu’il faut donc reconstituer, dès que faire se pourra, et rendre à sa première splendeur. Est arabe, en second lieu, ce qui est unitaire, ce qui correspond ou s’appelle d’un bout à l’autre d’une sorte d’échange planétaire. Cette unité n’est pas un constat. C’est un vœu, un postulat. »

 

Pour Jean Sur, Berque restaure effectivement le rêve de l’unité, la possibilité d’articuler le personnel et le collectif : « En lisant Jacques Berque, écrit-il, le sous-développé que j’étais réapprenait un pays intérieur, une présence parmi les autres, retrouvait des mouvements de l’enfance scellés par le conformisme social, s’essayait à sentir, retrouvait le désir, l’encore et le davantage, le plus et le trop, l’erreur et le vertige. »

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L’Orient, lieu du Verbe

 

Pour Jacques Berque, homme « de terrain et d’esprit », la culture arabe était aussi et surtout un vécu : sa jeunesse algérienne, ses vingt et un ans passés au Maroc, ses amitiés nombreuses avec des intellectuels arabes... De l’Orient, il avait appris la « cofluidité des secteurs de la vie » - formule que Jean Sur emprunte à Paul Klee. Dans Les Arabes d’hier à demain, il écrivait :

 

« Nulle part l’être social ne se fait de rapports plus amples et plus soudains [qu’en Orient]. La splendeur du passé, les misères du présent, l’appel des sens et de l’absolu, les interdits les plus durs et l’impulsion la plus fougueuse, s’y offrent, tout ensemble opposés ou conjoints, sincères ou mimés de bonne foi. Leur synthèse, bénéfique ou ruineuse selon le cas, cumule les contraires, fait loi des disparates. Voilà l’un des traits le plus vraiment personnels de l’Orient arabe. En lui l’éternel et le transitoire, le sublime et le trivial, la furie de l’existence et la fidélité à l’essentiel s’unissent dans un geste, un propos, un paysage. C’est pourquoi l’immédiat y annonce l’authentique. »

 

Berque explique dans Les Arabes que la fonction de la langue est différente de celle qu’elle remplit pour les Occidentaux : « La langue est, chez les Arabes, si l’on peut risquer l’expression, phénomène social sur-total. Non seulement elle exprime et suggère, mais elle guide, transcende. » Il détaille cette explication : « l’arbitraire du signe » établi par Saussure, et constatant l’absence de lien logique entre les syllabes d’un mot et leur signification, ne vaut pas, explique-t-il, pour la langue arabe. Il donne un exemple : ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b. : Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont : écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, « soudés, par une transparente logique, à une racine, qui seule est arbitraire ». « Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, que la racine n’y transparaît plus, qu’il devient, à son tour, une chose, “signifiant” une chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse. »

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Une langue qui transcende le réel

 

La démonstration vaut aussi pour sa propre écriture, même s’il s’exprime en français : ce que dit Jacques Berque est indissociable de la façon dont il le dit. Son écriture a une saveur unique. Son érudition est immense, et la lecture de ses écrits présuppose le plus souvent une solide connaissance de base de l’histoire factuelle et de la culture arabes, sans quoi certaines phrases, certains passages demeurent si hermétiques, passent si loin au-dessus de la tête, que le fou rire nerveux devient le seul choix laissé au profane. Même les passages immédiatement accessibles doivent parfois être relus deux fois pour faire sens. Mais quel sens, alors ! L’effort est récompensé par un véritable feu d’artifice. Chez Jacques Berque, le terme recherché, compliqué, n’est jamais gratuit. Sa langue est vivante, riche. Elle bannit les lieux communs, les termes galvaudés, pour se frayer son propre chemin, profondément singulier - signe de l’originalité rafraîchissante de sa pensée. Berque n’est pas seulement un érudit ; il est aussi poète et visionnaire. Son écriture est le plus souvent abstraite, mais d’une abstraction utile, prodigieusement riche de sens - « l’abstraction charnelle », dit Jean Sur -, qui sert à transcender le factuel pour révéler des vérités cachées, grâce à des analyses fulgurantes formulées dans une langue raffinée, ciselée.

 

Outre cette conception de la langue plus forte que la conception occidentale traditionnelle, Berque établit le primat, dans la culture arabe, « du signe sur la chose », du symbole sur le fait. Et c’est bien là une attitude de résistance, puisqu’elle fut l’arme des colonisés : « Ils utilisaient, instinctivement, les seuls moyens à leur portée : le verbe contre le fait, le maquis contre la guerre classique, l’affirmation incantatoire contre l’objectivité, et, d’une façon générale, le signe contre la chose. Que pouvaient-ils faire de plus opportun ? Et si le signe, à terme, appelait la chose ? » Cette analyse lui permet de résumer d’une formule le défi de l’indépendance pour les peuples arabes au moment de la décolonisation : « Les symboles ont pu, pour large part, triompher du fait, tant que ce fait était celui des autres. A présent, il faut aux Arabes arracher le fait, devenu leur, à la maîtrise des symboles. » Cela face à des puissances occidentales qui, de tout temps, ont tenté de « prendre, si j’ose dire, les Arabes à la glu des faits ».

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  • 3 weeks later...

Jacques Berque, islamologue

Repossession du monde

« Si Nous avons fait de vous

des peuples et des tribus,

c’est en vue de votre connaissance mutuelle »

Coran, XLIX, 13

 

Traducteur du Coran, longtemps professeur au Collège de France, l’orientaliste Jacques Berque, mort en 1995, était à la fois un homme de terrain et un érudit, un savant et un poète. Une harmonie qu’il tirait de sa vision profondément originale de la civilisation arabe. Ecrite dans une langue unique, magnifique, son œuvre réhabilite des peuples qui font figure d’éternels mal aimés, et contribue à les faire comprendre. Jacques Berque a ainsi joué un rôle essentiel de passeur entre les cultures. A ses élèves, il a transmis, bien plus qu’une somme de connaissances, une vision du monde.

 

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« Supposez qu’il se crée en France non pas un Islam français, mais un Islam de France, disons, pour simplifier, un Islam gallican, c’est-à-dire un Islam qui soit au fait des préoccupations d’une société moderne, qui résolve les problèmes qu’il n’a jamais eu à résoudre dans ses sociétés d’origine qui, pour des raisons historiques, ne sont pas des sociétés du niveau du nord de la Méditerranée. Figurez-vous le retentissement qu’aurait cet Islam de progrès sur le reste de la zone islamique. (...)

 

- En somme, pour les Algériens comme pour les Français, pour les musulmans comme pour les chrétiens, l’émigration peut devenir une chance ?

 

- Absolument, au lieu d’être un poids mort, une charge dont s’occupent seulement les flics ou à la rigueur les humanitaires, au mieux les humanitaires et en fait les flics... »

 

En avril 1995, quelques mois avant sa mort, l’orientaliste Jacques Berque dialoguait à la télévision avec son ami l’écrivain Jean Sur. Né en Algérie en 1910, titulaire pendant vingt-cinq ans la chaire d’histoire sociale de l’Islam contemporain au Collège de France, Jacques Berque est l’auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran. Il était attaché à la création d’une véritable solidarité méditerranéenne - ou plutôt à son « outillage », à son investissement d’une volonté politique, car les liens, notamment économiques, existent déjà -, il déplorait que la construction de l’Europe de Maastricht se fasse résolument vers le nord, en tournant le dos au bassin méditerranéen.

 

 

Ca c'est effectivement un grand défi pour les musulmans de France, car pour l'instant on en est encre à importer des recettes venant de nos pays d'origine. Mais encore faudrait-il que les musulmans s'approprient pleinement la culture de leur pays d'accueil et même se sentent appartenir à cette, jusqu'à ne plus se sentir étranger. :40: Merci pour ton topic sur Jacques Berque !

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