dawson 10 Posted January 16, 2009 Partager Posted January 16, 2009 Un poéme écrit par Mohammed Benchicou, je le dedie à toutes les femmes du forum pour toutes les femmes de ma terre Que ne m'as-tu, mère, faite capucine Que j'étouffe dans ma soutane Mes vingt années de grâce bédouine Et vos vingt siècles d'irrévérence ? Tu ne m'avais rien dit de ce vertige mutin, Secrète volupté des anciennes guerrières, Péché furtif des amantes de Grenade, Qui vous envoûte femmes de ma terre Depuis les premières coupes berbères Et qui me prit, mère, au premier lait de ton sein... Femme de ma terre, Je ne me pardonne aucune joie Que celle, sereine et inassouvie De t’aimer Et j’ai vu Dieu oser un péché : Profaner la laideur du monde Par ta beauté J'ai perdu, fils, l'heure où se féconda notre honneur, Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ? Prête-moi un peu de ta mémoire Que je rallume quelques étoiles : Djamila, Louisette, rappelle-toi... Et que j'éclaire, tatouée sur ma chair amnésique La balafre de la Casbah : Hassiba, tremble ma peau ! Et d'une lune sur nos montagnes, Tu entendras avec moi, au nom d'Ourida, Se lever encore quelques fleurs sauvages... Et surtout, fils, prend un peu de ma mémoire Que je cesse de faire pleurer le ciel A l'idée que nos enfants nous libèrent, Et que j'oublie un peu leur nom : Katia, Amal, Nour-El-Houda... Vierges immolées Pour éclairer leurs frères Dans la nuit des hommes au sabre vert... Katia, Amal, Nour-El-Houda... Alger, ta race incessante de félines égorgées... Combien nous faudrait-il d'offrandes Et de mères démoniaques Pour te délivrer de tes cerbères Et te rendre à tes amants ? Femme de ma terre, Tu es ma part de ma terre, Le sucre qui manque à mes fruits Le sel du pain de ma mère La qsida de mes longues nuits. Miroir de mes joies anciennes. Elles nous regardent, Souviens-toi, Elles nous regardent, le sais-tu ? Là, de ce sol assoiffé, Ce sont elles, Chaque fois qu’un bégonia, à l’improviste Viens décorer ma sereine baie d’Alger A chaque verte fleur sous-marine Qui se pose sur le corail orangé d’El Kala Ce sont elles, A chaque rose insolente qui se forme sur le sable Pour divertir le Hoggar de sa solitude Ou qu’un gai hortensia étourdi S’égare sur les pistes rocailleuses d’Ain-Sefra... Ce sont elles ! Les sirènes de ma terre, Fauves indomptables, Ce sont elles qui nous embrassent Par ces tendres baisers déposés sur leur terre Pour nous rappeler que de ce sol martyrisé Au plus fort moment du désespoir Quand la mort et l’avenir ne faisaient plus qu’un Il a toujours surgi des plantes rebelles Dont elles furent des espèces immortelles Et qui firent refleurir la liberté. Femme de ma terre, Je ne me pardonne aucune joie Que celle, sereine et inassouvie De t’aimer Et j’ai vu Dieu oser un péché : Profaner la laideur du monde Par ta beauté J'ai perdu, fils, l'heure où se féconda notre honneur, Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ? Cinq rue des Abderames : Notre orgueil porte une adresse. Un laurier pour trois cadavres... Cinq rue des Abderames. C'est l'heure de la lune et du muletier, Ta tête blonde contre deux chars Tes vingt ans et la haine de Bigeard : Néfissa arrête la fontaine, La poseuse de bombe va mourir... Cinq rue des Abderames... Derrière cette porte, fils A l'odeur d'un églantier, Tu chercheras l'offrande de Hassiba Entre les seins désespérés de la Casbah. Je n'irai plus dans ta nouvelle rue Qu'ai-je à dire à cette foule orpheline Vêtue de tes serments, Et de la prophétie des Aurès, Que j'ai vu implorer le néant, Autour d'un soldat inconnu, De la sauver de l'infini ? Ne pourrais-tu, un jour Allumer un réverbère sur nos doutes Qu'on donne un âge à nos fiertés, Un visage à nos illusions Et un nom à nos mères ? Femme de ma terre, Tu es ma part de ma terre, Le sucre qui manque à mes fruits Le sel du pain de ma mère La qsida de mes longues nuits. Miroir de mes joies anciennes. Femme de ma terre, Ta peau léchée par nos vents... Vents des oliviers de Sig Salés par les vagues d’Oran ; Vents Kabyles au goût de figues, Chargés de colères félines Qui font rougir les printemps ; Ou vents du sud, amants des bédouines, Qui soulèvent le sable et le temps... Tous nos zéphyrs sont en toi Même celui de Annaba Tamisant ta peau de soie... Et je leur ouvre grande ma porte Quand je caresse ta joue ronde Et je m’abandonne feuille morte Pour qu'en eux je vagabonde Au son du luth et d'une gasba... Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ? Les murs d'El-Harrach m'ont parlé de toi, Lila... Il y résonne encore tes dix-huit ans Quelques soupirs de Sarrouy Et tout le cauchemar du Paradou. A quel instant de solitude as-tu gravé, Sur mes parois de quarantaine, La fille de Barberousse, l'inconnue des Baumettes, Et la rescapée de Chebli ? Mes murs te racontent, Lila : « Violée, l'âme écrasée » Ils disent que tu n'as pas parlé. Mes murs te décrivent, Lila : « Allongée nue, toujours nue... Et les brutes qui passaient... » Mes murs te délivrent, Lila « Et le corps gavé de douleurs S'était mis à flotter au dessus des tortionnaires... » Aurons-nous assez de larmes pour laver ce souvenir Des balafres du fer et du chalumeau ? Ce corps est lourd, Ourida Et tu l'as jeté du haut d'un trop fol espoir, A l'appel d'une ode sacrée Et de notre fable inachevée... Ce corps est lourd, Ourida Il est retombé sur nos veuleries, Gravé là, sur le ciment gris de Sarrouy, Et le soir ils ont fait un serment Aux mères et aux cieux : « D'un caftan d'or et d'étincelles D'un séroual de feu Et de la plus belle pelisse de Dieu Nous vêtirons ce corps outragé... » Et l'édile avait ajouté : « Témoignez, témoignez, témoignez ! » Ton siècle est mort, Ourida Et le prochain s'est oublié. Mais que nous reste-t-il de colère Pour blâmer le poète ? Femme de ma terre, Je ne me pardonne aucune joie Que celle, sereine et inassouvie De t’aimer Et j’ai vu Dieu oser un péché : Profaner la laideur du monde Par ta beauté Comment te dire, fils, le ventre qui enfanta nos rêves ? J'ai retrouvé une voix de toi Sous quarante années de silence Et je l'ai reconnue à sa crinière Entre mille voix anonymes... Tu ne l'as pas vue sortir, je le sais Mais sur Alger il pleuvait ce jour-là... C'était toi, qui d'autre ? Tes seins brûlés à la cigarette Les côtes brisées par la haine Vierge éternelle, notre pucelle sans armure Captive d'un rire gras du para violeur... C'était toi, qui d'autre ? Tu as hurlé à la nouvelle Qu'il survivait dans Alger ces cavernes d'El-Biar Où se broient toujours les vies des jouvencelles. C'était toi, qui d'autre ? Cette voix qui fit perler de sang noir Le fusain de Picasso La plume de l'avocate Et les yeux indignés de Simone de Beauvoir. C'était toi, qui d'autre ? Ce cri, comment te dire, C'était le seing d'une audace algérienne : « Boupacha... Boupacha...» A un soprano napolitain, Sous quarante années de silence, Au milieu du doute et de la nuit, Sur un chemin de figues blessées, Juin d'un printemps noir, J'ai volé cette voix de toi Qui chantait ta chanson : La vie et l'amour ... Canti di Vita e d'Amore... Mais qu'as-tu vraiment chanté d'autre, Djamila Même quand le téton pliait sous le feu Et que le corps saignait pour ton peuple, Qu'as-tu chanté d'autre Qu'un rêve de la galette noire, Qu'une prophétie insensée Qu'une soif de sève pour les épis brisés, Qu'une clameur d'un nouveau siècle, Qu'un nouveau poème pour Alger ? Femme de ma terre, Tu es ma part de ma terre, Le sucre qui manque à mes fruits Le sel du pain de ma mère La qsida de mes longues nuits. Miroir de mes joies anciennes La soupe a refroidi, Katia Et notre porte se dénude de ton odeur... Ne pourrais-tu, Houda, écourter la nuit sur la plaine ? Le soleil ne se lève plus sans ton ombre. Sur Haouch Boudoumi guette avec moi les hirondelles Houria, à l'une d'elle tu reconnaîtras une mèche d'Amel. Je suis fatigué, fils, De ma prison et de toutes les prières qu'on m'a confiées Mais sache, avant de t'en aller, Si tu redoutes le chemin noir, Que désormais nous savons tout du chandelier. D'une flammèche nue et têtue, Les sirènes de ma terre, Violées, torturées puis égorgées, En soixante années de calvaires, Les sirènes de notre terre Ont éclairé nos odyssées, Allumé un bout d'orgueil Et donné un nom à nos mères… Citer Link to post Share on other sites
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