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pour toutes les femmes de ma terre


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Un poéme écrit par Mohammed Benchicou, je le dedie à toutes les femmes du forum

pour toutes les femmes de ma terre

 

 

Que ne m'as-tu, mère, faite capucine

 

Que j'étouffe dans ma soutane

 

Mes vingt années de grâce bédouine

 

Et vos vingt siècles d'irrévérence ?

 

 

Tu ne m'avais rien dit de ce vertige mutin,

 

Secrète volupté des anciennes guerrières,

 

Péché furtif des amantes de Grenade,

 

Qui vous envoûte femmes de ma terre

 

Depuis les premières coupes berbères

 

Et qui me prit, mère, au premier lait de ton sein...

 

 

Femme de ma terre,

 

Je ne me pardonne aucune joie

 

Que celle, sereine et inassouvie

 

De t’aimer

 

Et j’ai vu Dieu oser un péché :

 

Profaner la laideur du monde

 

Par ta beauté

 

 

J'ai perdu, fils, l'heure où se féconda notre honneur,

 

Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ?

 

 

Prête-moi un peu de ta mémoire

 

Que je rallume quelques étoiles :

 

Djamila, Louisette, rappelle-toi...

 

Et que j'éclaire, tatouée sur ma chair amnésique

 

La balafre de la Casbah :

 

Hassiba, tremble ma peau !

 

Et d'une lune sur nos montagnes,

 

Tu entendras avec moi, au nom d'Ourida,

 

Se lever encore quelques fleurs sauvages...

 

 

Et surtout, fils, prend un peu de ma mémoire

 

Que je cesse de faire pleurer le ciel

 

A l'idée que nos enfants nous libèrent,

 

Et que j'oublie un peu leur nom :

 

Katia, Amal, Nour-El-Houda...

 

Vierges immolées

 

Pour éclairer leurs frères

 

Dans la nuit des hommes au sabre vert...

 

Katia, Amal, Nour-El-Houda...

 

Alger, ta race incessante de félines égorgées...

 

Combien nous faudrait-il d'offrandes

 

Et de mères démoniaques

 

Pour te délivrer de tes cerbères

 

Et te rendre à tes amants ?

 

 

Femme de ma terre,

 

Tu es ma part de ma terre,

 

Le sucre qui manque à mes fruits

 

Le sel du pain de ma mère

 

La qsida de mes longues nuits.

 

Miroir de mes joies anciennes.

 

 

Elles nous regardent,

 

Souviens-toi,

 

Elles nous regardent, le sais-tu ?

 

Là, de ce sol assoiffé,

 

Ce sont elles,

 

Chaque fois qu’un bégonia, à l’improviste

 

Viens décorer ma sereine baie d’Alger

 

A chaque verte fleur sous-marine

 

Qui se pose sur le corail orangé d’El Kala

 

Ce sont elles,

 

A chaque rose insolente qui se forme sur le sable

 

Pour divertir le Hoggar de sa solitude

 

Ou qu’un gai hortensia étourdi

 

S’égare sur les pistes rocailleuses d’Ain-Sefra...

 

Ce sont elles !

 

Les sirènes de ma terre,

 

Fauves indomptables,

 

Ce sont elles qui nous embrassent

 

Par ces tendres baisers déposés sur leur terre

 

Pour nous rappeler que de ce sol martyrisé

 

Au plus fort moment du désespoir

 

Quand la mort et l’avenir ne faisaient plus qu’un

 

Il a toujours surgi des plantes rebelles

 

Dont elles furent des espèces immortelles

 

Et qui firent refleurir la liberté.

 

 

Femme de ma terre,

 

Je ne me pardonne aucune joie

 

Que celle, sereine et inassouvie

 

De t’aimer

 

Et j’ai vu Dieu oser un péché :

 

Profaner la laideur du monde

 

Par ta beauté

 

 

J'ai perdu, fils, l'heure où se féconda notre honneur,

 

Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ?

 

 

Cinq rue des Abderames :

 

Notre orgueil porte une adresse.

 

Un laurier pour trois cadavres...

 

Cinq rue des Abderames.

 

C'est l'heure de la lune et du muletier,

 

Ta tête blonde contre deux chars

 

Tes vingt ans et la haine de Bigeard :

 

Néfissa arrête la fontaine,

 

La poseuse de bombe va mourir...

 

Cinq rue des Abderames...

 

Derrière cette porte, fils

 

A l'odeur d'un églantier,

 

Tu chercheras l'offrande de Hassiba

 

Entre les seins désespérés de la Casbah.

 

 

Je n'irai plus dans ta nouvelle rue

 

Qu'ai-je à dire à cette foule orpheline

 

Vêtue de tes serments,

 

Et de la prophétie des Aurès,

 

Que j'ai vu implorer le néant,

 

Autour d'un soldat inconnu,

 

De la sauver de l'infini ?

 

Ne pourrais-tu, un jour

 

Allumer un réverbère sur nos doutes

 

Qu'on donne un âge à nos fiertés,

 

Un visage à nos illusions

 

Et un nom à nos mères ?

 

 

Femme de ma terre,

 

Tu es ma part de ma terre,

 

Le sucre qui manque à mes fruits

 

Le sel du pain de ma mère

 

La qsida de mes longues nuits.

 

Miroir de mes joies anciennes.

 

 

Femme de ma terre,

 

Ta peau léchée par nos vents...

 

Vents des oliviers de Sig

 

Salés par les vagues d’Oran ;

 

Vents Kabyles au goût de figues,

 

Chargés de colères félines

 

Qui font rougir les printemps ;

 

Ou vents du sud, amants des bédouines,

 

Qui soulèvent le sable et le temps...

 

Tous nos zéphyrs sont en toi

 

Même celui de Annaba

 

Tamisant ta peau de soie...

 

Et je leur ouvre grande ma porte

 

Quand je caresse ta joue ronde

 

Et je m’abandonne feuille morte

 

Pour qu'en eux je vagabonde

 

Au son du luth et d'une gasba...

 

 

Comment te dire le ventre qui enfanta nos rêves ?

 

 

Les murs d'El-Harrach m'ont parlé de toi, Lila...

 

Il y résonne encore tes dix-huit ans

 

Quelques soupirs de Sarrouy

 

Et tout le cauchemar du Paradou.

 

 

A quel instant de solitude as-tu gravé,

 

Sur mes parois de quarantaine,

 

La fille de Barberousse, l'inconnue des Baumettes,

 

Et la rescapée de Chebli ?

 

Mes murs te racontent, Lila :

 

« Violée, l'âme écrasée »

 

Ils disent que tu n'as pas parlé.

 

Mes murs te décrivent, Lila :

 

« Allongée nue, toujours nue...

 

Et les brutes qui passaient... »

 

Mes murs te délivrent, Lila

 

« Et le corps gavé de douleurs

 

S'était mis à flotter au dessus des tortionnaires... »

 

 

Aurons-nous assez de larmes pour laver ce souvenir

 

Des balafres du fer et du chalumeau ?

 

Ce corps est lourd, Ourida

 

Et tu l'as jeté du haut d'un trop fol espoir,

 

A l'appel d'une ode sacrée

 

Et de notre fable inachevée...

 

Ce corps est lourd, Ourida

 

Il est retombé sur nos veuleries,

 

Gravé là, sur le ciment gris de Sarrouy,

 

Et le soir ils ont fait un serment

 

Aux mères et aux cieux :

 

« D'un caftan d'or et d'étincelles

 

D'un séroual de feu

 

Et de la plus belle pelisse de Dieu

 

Nous vêtirons ce corps outragé... »

 

Et l'édile avait ajouté :

 

« Témoignez, témoignez, témoignez ! »

 

 

Ton siècle est mort, Ourida

 

Et le prochain s'est oublié.

 

Mais que nous reste-t-il de colère

 

Pour blâmer le poète ?

 

 

Femme de ma terre,

 

Je ne me pardonne aucune joie

 

Que celle, sereine et inassouvie

 

De t’aimer

 

Et j’ai vu Dieu oser un péché :

 

Profaner la laideur du monde

 

Par ta beauté

 

 

Comment te dire, fils, le ventre qui enfanta nos rêves ?

 

 

J'ai retrouvé une voix de toi

 

Sous quarante années de silence

 

Et je l'ai reconnue à sa crinière

 

Entre mille voix anonymes...

 

 

Tu ne l'as pas vue sortir, je le sais

 

Mais sur Alger il pleuvait ce jour-là...

 

 

C'était toi, qui d'autre ?

 

Tes seins brûlés à la cigarette

 

Les côtes brisées par la haine

 

Vierge éternelle, notre pucelle sans armure

 

Captive d'un rire gras du para violeur...

 

C'était toi, qui d'autre ?

 

Tu as hurlé à la nouvelle

 

Qu'il survivait dans Alger ces cavernes d'El-Biar

 

Où se broient toujours les vies des jouvencelles.

 

C'était toi, qui d'autre ?

 

Cette voix qui fit perler de sang noir

 

Le fusain de Picasso

 

La plume de l'avocate

 

Et les yeux indignés de Simone de Beauvoir.

 

C'était toi, qui d'autre ?

 

Ce cri, comment te dire,

 

C'était le seing d'une audace algérienne :

 

« Boupacha... Boupacha...»

 

 

A un soprano napolitain,

 

Sous quarante années de silence,

 

Au milieu du doute et de la nuit,

 

Sur un chemin de figues blessées,

 

Juin d'un printemps noir,

 

J'ai volé cette voix de toi

 

Qui chantait ta chanson :

 

La vie et l'amour ...

 

Canti di Vita e d'Amore...

 

 

Mais qu'as-tu vraiment chanté d'autre, Djamila

 

Même quand le téton pliait sous le feu

 

Et que le corps saignait pour ton peuple,

 

Qu'as-tu chanté d'autre

 

Qu'un rêve de la galette noire,

 

Qu'une prophétie insensée

 

Qu'une soif de sève pour les épis brisés,

 

Qu'une clameur d'un nouveau siècle,

 

Qu'un nouveau poème pour Alger ?

 

 

Femme de ma terre,

 

Tu es ma part de ma terre,

 

Le sucre qui manque à mes fruits

 

Le sel du pain de ma mère

 

La qsida de mes longues nuits.

 

Miroir de mes joies anciennes

 

 

La soupe a refroidi, Katia

 

Et notre porte se dénude de ton odeur...

 

Ne pourrais-tu, Houda, écourter la nuit sur la plaine ?

 

Le soleil ne se lève plus sans ton ombre.

 

Sur Haouch Boudoumi guette avec moi les hirondelles

 

Houria, à l'une d'elle tu reconnaîtras une mèche d'Amel.

 

 

Je suis fatigué, fils,

 

De ma prison et de toutes les prières qu'on m'a confiées

 

Mais sache, avant de t'en aller,

 

Si tu redoutes le chemin noir,

 

Que désormais nous savons tout du chandelier.

 

D'une flammèche nue et têtue,

 

Les sirènes de ma terre,

 

Violées, torturées puis égorgées,

 

En soixante années de calvaires,

 

Les sirènes de notre terre

 

Ont éclairé nos odyssées,

 

Allumé un bout d'orgueil

 

Et donné un nom à nos mères…

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