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La responsabilité des Etats-Unis dans les conflits du Moyen-Orient


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La responsabilité des Etats-Unis dans les conflits du Moyen-Orient et le drame palestinien

1ère partie

 

Au moment où Israël s’engage dans une nouvelle aventure barbare contre le peuple palestinien spolié et martyrisé, il est nécessaire de rappeler que les Etats-Unis d’Amérique ne peuvent pas et ne doivent pas oublier leur pleine responsabilité dans l’entreprise guerrière de leur allié inconditionnel dans la bande de Ghaza et du pourrissement de l’affaire palestinienne par la volonté de l’Etat juif de ne faire aucune concession à son voisin parce qu’ils (les Etats-Unis) n’ont aucune envie de voir naître à ses côtés un Etat palestinien.

 

 

En s’opposant de nouveau au Conseil de sécurité à un cessez-le-feu contre la nouvelle aventure israélienne, comme pour l’avant-dernière guerre contre le Liban, les Etats-Unis, version Bush, révèlent de nouveau au monde leur vrai visage : une puissance injuste et sans cœur qui ignore les droits et la souffrance du peuple palestinien de Ghaza soumis à un blocus inhumain depuis longtemps et dont l’agressivité contre son voisin n’est rien d’autre que la manifestation d’une détresse extrême face à la violence implacable d’Israël et à l’indifférence du monde entier. Ainsi, les Etats-Unis d’Amérique sont inévitablement impliqués depuis longtemps dans les conflits qui secouent la région du Moyen-Orient, une région sensible qui s’étend des côtes méditerranéennes à l’ouest, à l’Iran à l’est. L’instabilité que connaît la région depuis le 11 septembre 2001 est le résultat d’une stratégie mûrement réfléchie et mise en œuvre par une superpuissance qui a affiché nettement sa volonté de dominer le monde en le soumettant à son idéologie et à ses intérêts économiques. Cette stratégie vise les objectifs suivants :

 

- l’éradication du terrorisme qui menace la paix et la sécurité des Etats Unis ;

- le contrôle et sécurité des ressources en hydrocarbures ;

- la libéralisation des systèmes politiques et économiques des pays de la région. Le statut de superpuissance unique acquis après l’effondrement du bloc communiste s’appuie sur une supériorité indiscutable sur les pays du reste du monde dans les domaines stratégique, économique et militaire. La volonté de puissance américaine est illustrée par :

- le déploiement des forces militaires dans le monde entier pour faire face à toute menace des intérêts américains. Quelque 700 bases et plusieurs flottes sont déployées sur les continents, les océans et les mers du globe ;

- l’hégémonie de la monnaie américaine sur l’économie mondiale qui permet aux Américains de vivre bien au-dessus de leurs moyens propres, grâce à l’endettement ;

- le gigantisme des multinationales qui pompent les richesses mondiales au profit des Américains qui ont le revenu par tête parmi les plus élevés au monde ;

- le dynamisme scientifique et technologique qui caractérise les entreprises US et qui permet à l’Amérique de garder toujours une longueur d’avance sur ses concurrents ;

- l’imposition de son modèle culturel au monde entier. Cette volonté est l’expression d’une idéologie expansionniste forgée depuis la formation de la nation américaine par les premiers immigrants évangélistes venus d’Europe(1). Ceux-ci ont conquis une grande partie de l’Amérique du Nord en éliminant ses habitants d’origine, les Indiens et en refoulant aux confins du sud du continent les Mexicains. Au Nord, ils auraient fait la jonction avec l’Alaska s’ils n’avaient pas été contenus par l’Angleterre, leur ancienne puissance coloniale, mais qu’à cela ne tienne, le Canada a échappé à l’appétit territorial américain mais il est devenu le paradis de ses entreprises multinationales.

 

Autrefois isolationniste, la nation américaine est allée à la conquête économique du vaste monde après la Deuxième Guerre mondiale. Le partage du monde en deux blocs antagonistes qui en a résulté a donné de nouvelles opportunités d’expansion, sous couvert de la lutte contre le communisme et la défense du monde libre. Pendant la période de la guerre froide, l’Islam a été utilisé pour endiguer le marxisme athée et cette stratégie de la manipulation religieuse à des fins idéologiques a encouragé l’islamisme politique violent qui s’est retourné contre son propre concepteur et qui a contaminé le monde entier. En effet, les USA ont instrumenté les pays musulmans de la bordure sud de l’ex-URSS, principalement l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Pakistan et l’Afghanistan. En soutenant les régimes féodaux adossés à un Islam conservateur et la résistance afghane contre le régime local pro soviétique, ils ont contribué à déclencher la révolution islamique iranienne, à faire émerger le régime des talibans et l’organisation d’Al Qaïda. Enfin, ils ont permis aux djihadistes arabes qui ont combattu en Afghanistan de rentrer dans leur pays où ils ont créé les mouvements islamistes radicaux, comme en Algérie, en Egypte, en Arabie Saoudite, au Soudan... En Palestine même, le Hamas, devenu aujourd’hui l’ennemi juré d’Israël, a été créé par ce pays, en s’inspirant de son protecteur les USA pour contrer les organisations de résistance laïques palestiniennes comme le Fatah de Yasser Arafat. Après l’effondrement du communisme, l’Amérique s’est inventée un nouvel ennemi pour justifier sa présence et son influence dans les régions conquises et à conquérir le terrorisme international, un épouvantail contre lequel s’est rallié le monde entier, horrifié par les attentats du 11 septembre 2001. Bien qu’ayant payé lourdement cette politique égoïste et à courte vue, ils n’ont pas encore tiré les leçons de leurs errements. Ils sont toujours, par intérêt égoïste, les alliés des pays qui constituent les deux plus grands foyers de l’islamisme obscurantiste et intolérant, l’Arabie Saoudite et le Pakistan. Dans le domaine économique, la mondialisation est en train de remettre en cause la suprématie américaine avec l’émergence de nouveaux pôles de puissance : l’Union européenne, la Chine et la Russie apparaissent déjà comme les vrais menaces de demain et les stratèges de Washington cherchent fébrilement le moyen de les contenir sinon de les contrôler, même par la guerre. Dans ce domaine, le Moyen-Orient constitue le terrain de manœuvre privilégié des Etats-Unis. Ils y interviennent essentiellement pour protéger leurs approvisionnements et contrôler les robinets de pétrole et de gaz. En effet, cette région renferme la moitié des réserves mondiales en hydrocarbures et fournit actuellement le tiers de la consommation mondiale. Les entreprises américaines opèrent dans tous les pays producteurs de pétrole, notamment dans les pays de la péninsule arabique, premiers exportateurs mondiaux de pétrole et de gaz naturel.

 

Les deux guerres du Golfe de 1990 et 2003, provoquées et dirigées par les Etats-Unis et leurs alliés, ont eu pour principale motivation la protection et le libre accès aux ressources en hydrocarbures de la région. Certes, les prétextes avancés pour justifier ces interventions étaient plus ou moins recevables. En 1990, l’Irak avait envahi le Koweït et menaçait de fait l’Arabie Saoudite, le plus grand exportateur mondial de pétrole. Le monde entier s’est rallié à la cause américaine, y compris la majorité des pays arabes. En 2003, l’Irak était accusé de posséder des armes de destruction massive et d’aider les organisations terroristes. En dépit des enquêtes de l’Agence internationale de l’énergie qui n’ont rien révélé de sérieux et de l’opposition de l’opinion mondiale et de certains membres du Conseil de sécurité, détenteurs du droit de veto comme la France et la Russie, les Etats-Unis ont pris la lourde responsabilité d’attaquer l’Irak pour, disent-ils, détruire la menace irakienne qui pèse sur la sécurité internationale et celle de l’Amérique. Pour arriver à leurs fins, les deux principaux va-t-en-guerre de cette aventure irakienne, les USA et le Royaume-Uni ont fabriqué de toutes pièces de faux rapports impliquant le régime irakien dans la fabrication d’ADM. Et de fait, les Américains, une fois sur place, n’ont trouvé aucun indice de telles armes.

 

L’Administration Bush a dû trouver une autre justification moralisatrice à son entreprise guerrière : abattre la tyrannie d’un dictateur aventurier et sanguinaire et promouvoir la démocratie en Irak, au profit du peuple irakien opprimé. En matière d’implication de l’Irak dans le terrorisme international, là aussi, les Etats-Unis n’avaient aucune preuve tangible de l’implication de ce pays. D’ailleurs, le régime de Saddam Hussein était un des rares régimes laïcs arabes et de ce fait, il ne pouvait objectivement utiliser les islamistes radicaux et encore moins faire cause commune avec Al Qaïda pour perpétrer des attentats dans le monde. Qu’à cela ne tienne, les USA ont réussi à trouver un lien du régime irakien avec Al Qaïda. Le 5 février 2003, à la veille de l’intervention américaine, Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain a cité dans son discours au Conseil de sécurité, pour la première fois, le nom de Zarkaoui(2) comme étant le chef d’un réseau terroriste affilié à Al Qaïda activant en Irak. Ce sont les Kurdes qui auraient révélé l’existence du Jordanien, un islamiste radical qui a purgé une peine de prison dans son pays et qui rêvait de se battre contre les régimes arabes corrompus. Il est passé par les camps d’entraînement en Afghanistan où il a rencontré Ben Laden sans lui faire allégeance. Il s’est réfugié au Kurdistan irakien après la défaite des talibans où il a effectivement créé et dirigé un camp d’entraînement de combattants. Après l’invasion de l’Irak en 2003, Zarkaoui a trouvé sa voie en s’engageant dans la résistance avec l’aide des sunnites partisans de Saddam. La jonction avec Al Qaïda n’a eu lieu qu’après l’occupation américaine, le 27 décembre 2004 quand Ben Laden l’a nommé émir d’Al Qaïda en Irak.

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Suite

 

Ainsi, la preuve américaine fausse au départ est devenue une réalité après leur intervention. L’aventure irakienne a certes atteint son objectif stratégique inavoué de mettre la main sur les richesses en hydrocarbures du pays, les plus importantes après celles de l’Arabie Saoudite. En effet, quel que soit l’avenir de l’Irak et son statut politique, les Américains veilleront par tous les moyens au contrôle de ses ressources. Aujourd’hui, en 2009, ils sont loin de s’être tirés d’affaire. Le prix de leur agression n’a cessé d’augmenter et leur prestige international de baisser. Car, sur le terrain, les objectifs affichés sont loin d’être atteints. Au contraire, sur le plan militaire, ils ont subi de lourdes pertes, dépensé des milliards de dollars pour se maintenir dans un pays en proie aujourd’hui à la guerre civile. Ils ont donné une impulsion nouvelle au terrorisme islamiste car l’Irak est devenu rapidement le point de ralliement du terrorisme mondial. C’est le lieu où les jeunes islamistes radicaux convergent pour se venger de l’Amérique qui humilie les musulmans et les Arabes, en Palestine notamment. Les alliés des Etats-Unis en Irak, comme l’Espagne et l’Angleterre ont été durement frappés par des attentats à Madrid en 2004 et à Londres en 2005. La résistance irakienne est visiblement composée d’organisations rivales qui n’ont pas d’unité d’action. La résistance chiite, dirigée initialement exclusivement contre l’occupant, a fini par répondre aux provocations sunnites.

 

Enfin, l’organisation Zarkaoui, émir d’Al Qaïda, est alliée aux sunnites contre les Américains et les chiites. Par ses attentats meurtriers contre la population civile, elle a réussi à éviter la jonction des organisations irakiennes contre l’occupant, ce qui aurait entraîné sa marginalisation. Au contraire, Zarkaoui et ses successeurs ont réussi le tour de force d’enclencher une guerre civile meurtrière entre sunnites et chiites, ce qui rend encore plus difficile la sortie des Américains du guêpier où ils se sont fourrés et à l’Irak le retour à la paix et la démocratie promise. Le spectre de la disparition de l’Irak en tant que nation est en route avec le projet d’Etat fédéral réclamé par les communautés dans les nouvelles instances dirigeantes de l’Irak. Le rêve américain de vaincre le terrorisme par la force a tourné au cauchemar. L’Amérique, ses intérêts et ses alliés sont plus que jamais les cibles de ce que la superpuissance désigne sous le vocable de terrorisme international, un fourre-tout qui compte aujourd ’hui des mouvements de résistance nationale, comme les organisations palestiniennes, le Hezbollah libanais et les organisations irakiennes, des mouvements radicaux qui se battent contre les régimes locaux en place et enfin, l’organisation supranationale d’Al Qaïda qui se bat contre le monde occidental pour des raisons plus idéologiques que politiques. La plupart de ces organisations ne menacent pas directement la sécurité des Etats-Unis ni même indirectement. Le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais défendent, malgré toutes les critiques qu’on peut leur adresser, leur terre et leur droit à l’existence contre le colonisateur le plus féroce qu’ait connu le XXe siècle ; pourtant, elles font partie de la liste américaine des organisations terroristes à combattre. Les organisations de la résistance irakienne n’existaient pas avant que les USA occupent le pays et le régime de Saddam Hussein n’a jamais commis à notre connaissance d’attentat terroriste contre l’Amérique alors qu’il avait des arguments solides pour le faire après la première guerre du Golfe.

 

On se souvient des attentats commis par la Libye sur des avions de ligne américain et français aux cours des années 1970. Il s’agissait là d’un cas rare de terrorisme d’Etat qui est l’expression d’une politique hostile aux USA et la France menée par un Etat souverain qui du reste a été puni et mis au ban des nations pendant vingt ans par la communauté internationale avant qu’il ne reconnaisse et expie ses fautes et devienne l’allié de ses anciens ennemis. Israël qui pratique le terrorisme d’Etat depuis 60 ans contre ses voisins, par contre, a le droit de se défendre. Quant aux organisations locales qui harcèlent les régimes en place dans le monde musulman et ailleurs, elles sont exclusivement dirigées contre l’autoritarisme des gouvernements, le déficit de démocratie et la misère économique et sociale. Elles touchent quelquefois indirectement les USA quand ces derniers protègent et encouragent ostensiblement les dictateurs. Quant à faire la paix avec Israël, le point nodal de tous les conflits du Moyen-Orient, le monde entier sait qu’il dépend entièrement de cet Etat terroriste qui est en conflit avec ses voisins depuis sa création et de son protégé américain qui lui fournit un soutien inconditionnel, politique, économique et militaire.

 

(A suivre)

 

Notes de renvoi :

 

1- Lakhdar Idroudj. « La démocratie de la peur, la doctrine théologique de l’américanisme », in El Watan du 23 au 25 juil 2006.

 

2- Loretta Napoléoni : « Le vrai visage de Zarkaoui », in L’Intelligent no 2344 du 5 déc 2005.

 

 

Par Abderrahmane Iddir

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