HB 10 Posted January 18, 2009 Partager Posted January 18, 2009 Toi, ma belle Toi, ma belle, en qui dort un parfum sacrilège Tu vas me dire enfin le secret de tes rires. Je sais ce que la nuit t'a prêté de noirceur, Mais je ne t'ai pas vu le regard des étoiles. Ouvre ta bouche où chante un monstre nouveau-né Et parle-moi du jour où mon cœur s'est tué !… Tu vas me ricaner Ta soif de me connaître Avant de tordre un pleur En l'obscur de tes cils ! Et puis tu vas marcher Vers la forêt des mythes Parmi les fleurs expire une odeur de verveine : Je devine un relent de plantes en malaises. Et puis quoi que me dise ma Muse en tournée, Je n'attendrai jamais l'avis des moissonneurs. Lorsque ton pied muet, à force de réserve, Se posera sur l'onde où boit le méhari, Tu te relèveras de tes rêves sans suite Moi, j'aurai le temps de boire à ta santé. Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 BONJOUR Bonjour ma vie Et vous mes désespoirs. Me revoici aux fossés Où naquit ma misère ! Toi mon vieux guignon, Je te rapporte un peu de cœur Bonjour, bonjour à tous Bonjour mes vieux copains ; Je vous reviens avec ma gueule De paladin solitaire, Et je sais que ce soir Monteront des chants infernaux… Voici le coin de boue Où dormait mon front fier, Aux hurlements des vents, Par les cris de Décembre ; Voici ma vie à moi, Rassemblée en poussière… Bonjour, toutes mes choses, J'ai suivi l'oiseau des tropiques Aux randonnées sublimes Et me voici sanglant Avec des meurtrissures Dans mon cœur en rictus !… Bonjour mes horizons lourds, Mes vieilles vaches de chimères : Ainsi fleurit l'espoir Et mon jardin pourri ! - Ridicule tortue, J'ai ouvert le bec Pour tomber sur des ronces Bonjour mes poèmes sans raison… KATEB Yacine -Extrait de Eclats et poèmes Citer Link to post Share on other sites
fleurdu27 10 Posted January 18, 2009 Partager Posted January 18, 2009 merci pour le partage trés beau poéme :40: Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 C'est vivre C’est vivre Fanon, Amrouche et Feraoun Trois voix brisées qui nous surprennent Plus proches que jamais Fanon, Amrouche, Feraoun Trois source vives qui n’ont pas vu La lumière du jour Et qui faisaient entendre Le murmure angoissé Des luttes souterraines Fanon, Amrouche, Feraoun Eux qui avaient appris A lire dans les ténèbres Et qui les yeux fermés N’ont pas cessé d’écrire Portant à bout de bras Leurs oeuvres et leurs racines Mourir ainsi c’est vivre Guerre et cancer du sang Lente ou violente chacun sa mort Et c’est toujours la même Pour ceux qui ont appris A lire dans les ténèbres, Et qui les yeux fermés N’ont pas cessé d’écrire Mourir ainsi c’est vivre. Kateb Yacine (Paru dans Jeune Afrique, Paris, n°107, 5-11 novembre 1962). Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 POUSSIÈRES DE JUILLET Le sang Reprend racine Oui Nous avions tout oublié Mais notre terre En enfance tombée Sa vieille ardeur se rallume Et même fusillés Les hommes s’arrachent la terre Et même fusillés Ils tirent la terre à eux Comme une couverture Et bientôt les vivants n’auront plus où dormir Et sous la couverture Aux grands trous étoilés Il y a tant de morts Tenant les arbres par la racine Le cœur entre les dents Il y a tant de morts Crachant la terre par la poitrine Pour si peu de poussière Qui nous monte à la gorge Avec ce vent de feu N’ enterrez pas l’ancêtre Tant de fois abattu Laissez-le renouer la trame de son massacre Pareille au javelot tremblant Qui le transperce Nous ramenons à notre gorge La longue escorte des assassins. Citer Link to post Share on other sites
Guest séraphin Posted January 18, 2009 Partager Posted January 18, 2009 merci Hb? j'aime l'écriture de Kateb, et qui qui dit Kateb dit Nedjma bien sur. Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 merci Hb? j'aime l'écriture de Kateb, et qui qui dit Kateb dit Nedjma bien sur. Pour toi séraphin, rumine la beauté. Nedjma ou le poème ou le couteau! Nous avions préparé deux verres de sang Nedjma ouvrait ses yeux parmi les arbres Un luth faisait mousser les plaines et les transformait en jardins Noirs comme du sang qui aurait absorbé le soleil J'avais Nedjma sous le cœur frais humais des bancs de chair précieuse Nedjma depuis que nous rêvons bien des astres nous ont Suivis... Je t'avais prévue immortelle ainsi que l'air et l'inconnu Et voilà que tu meurs et que je me perds et que tu ne peux me demander de pleurer ... Où sont Nedjma les nuits sèches nous les portions sur notre dos pour abriter d'autres sommeils! La fontaine où les saints galvanisaient les « bendirs » La mosquée pour penser la blanche lisse comme un chiffon de Soie La mer sifflée sur les visages grâce à des lunes suspendues dans l'eau telles des boules de peau de givre C'était ce poème d'Arabie Nedjma qu'il fallait conserver! Nedjma je t'ai appris un diwan tout-puissant mais ma voix s'éboule je suis dans une musique déserte j'ai beau jeter ton cœur il me revient décomposé Pourtant nous avions nom dans l'épopée nous avons parcouru le pays de complainte nous avons suivi les pleureuses quand elles riaient derrière le Nil... Maintenant Alger nous sépare une sirène nous a rendu sourds un treuil sournois déracine ta beauté Peut-être Nedjma que le charme est passé mais ton eau gicle sous mes yeux déférents! Et les mosquées croulaient sous les lances du soleil Comme si Constantine avait surgi du feu par de plus subtils incendies Nedjma mangeait des fruits malsains à l'ombre des broussailles Un poète désolait la ville suivi par un chien sournois Je suivis les murailles pour oublier les mosquées Nedjma fit un sourire trempa les fruits dans sa poitrine Le poète nous jetait des cailloux devant le chien et la noble ville ... Et les émirs firent des présents au peuple c'était la fin du Ramadhan Les matins s'élevaient du plus chaud des collines une pluie odorante ouvrait le ventre des cactus Nedjma tenait mon coursier par la bride greffait des cristaux sur le sable Je dis Nedjma le sable est plein de nos empreintes gorgées d'or! Les nomades nous guettent leurs cris crèvent nos mots ainsi que des bulles Nous ne verrons plus les palmiers poussés vers la grêle tendre des étoiles Nedjma les chameliers sont loin et la dernière étape est au Nord! Nedjma tira sur la bride je sellai un dromadaire musclé comme un ancêtre. Lorsque je perdis l'Andalouse je ne pus rien dire j'agonisais sous son souffle il me fallut le temps de la nommer Les palmiers pleuraient sur ma tête j'aurais pu oublier l'enfant pour le feuillage Mais Nedjma dormait restait immortelle et je croyais toucher ses seins déconcertants C'était à Bône au temps léger des jujubes Nedjma m'avait ouvert d'immenses palmeraies Nedjma dormait comme un navire l'amour saigliait sous son cœur immobile Nedjma ouvre tes yeux fameux le temps passe je mourrai dans sept et sept ans ne sois pas inhumaine! Fouillez les plus profonds bassins c'est là qu'elle coule quand ses yeux ferment les nuits comme des trappes Coupez mes rêves tels des serpents ou bien portez-moi dans le sommeil de Nedjma je ne puis supporter cette solitude! Kateb Yacine, in L'œuvre en fragments, éditions Actes Sud Citer Link to post Share on other sites
kamy 10 Posted January 18, 2009 Partager Posted January 18, 2009 Kateb Yacine aimait l’Algérie profondément . Toutes ses oeuvres sont avant tout dédiées et dévouées au peuple d’Algérie. C'est un auteur de qualité, y a aussi Rabah Belamri, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun... Ces derniers sont de très bons écrivains de qualité aussi. merci HB. Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 Une lettre á Kateb yacine Par Malek (Universitaire) Le temps ce long mensonge, disais-tu. Mais le temps canaille me laisse tout de même le seul sursis de lire et relire tes textes. Pas simplement les lire, mais les ruminer car la rumination est une vraie pédagogie de lecture des textes, surtout des textes comme les tiens, inaccessibles à force de suggérer mille voix et milles voies. Mais écoute d’abord Nietzsche faire l’éloge de la lecture ruminante: «Pour élever la lecture à la hauteur d’un art, il faut posséder avant tout une faculté qu’on a précisément le mieux oubliée aujourd’hui et c’est pourquoi il s’écoulera encore du temps avant que mes écrits soient «lisibles», une faculté qu’exigerait presque que l’on ait la nature d’une vache et non point, en tous cas celle d’un «homme moderne»; j’entends la faculté de ruminer.» En ruminant tes textes, j’entends un chant étrange, jailli au milieu de mille périls, là précisément dans ce «jardin parmi les flammes»; jardin visité par le songe éveillé d’Ibn Arabi. Comme le tien, le cœur du philosophe soufi s’ouvre alors à toutes les formes; des formes qui prennent et s’éprennent des mots, à tel point que les mots s’étonnent et disent qu’on ne les a jamais fait parler de cette manière. Mais quelle manière! À lire tes textes, mes yeux s’ouvrent à des spectacles inédits, mes oreilles se prêtent à des écoutes insoupçonnées. Pour le meilleur. Et pour le pire! Le pire justement le voilà: le miel devenant fiel, le malheur s’invite en ce mai algérien tout sanglant de l’an de disgrâce de 1945. Mais quelle étrange et troublante trouvaille que de convoquer les abeilles, ces charmantes bestioles, tout occupées en d’autres temps et en d’autres lieux à célébrer la vie, pour parler des massacres du 8 mai 1945! Tu donnais alors la parole à Lakhdar pour déclamer l’inoubliable tirade inaugurale du Cadavre encerclé: «Laisse-moi dissimuler, en âme dénouant les derniers liens des morts, ces cerveaux qui se déchirent en fleurs anachroniques sur leur terre défendue, ô fleur tout agitée près du nectar vomi, gerbe de cerveaux obscurcis que traversèrent par essaims tant d'abeilles de plomb dans nos têtes blotties...» Voilà que l’horreur extrême est prise en charge par une image littéraire sublime! Voilà que toutes les choses printanières, fleurs et bestioles, se chargent de nouveaux sens. Pourrais-je alors, après cela, trouver du charme aux abeilles et aux fleurs, ou trouver du goût au miel? Qui pourra pardonner aux abeilles et aux fleurs de célébrer, sur l’espace littéraire du désastre, des noces mortifères avec les balles et le plomb? À te lire, j’apprends aussi à écouter le chant profond de la pierre, celle dont le cœur palpite à se rompre. L’avez-vous entendue? Il s’agit de cette pierre engrossée par tous les temps: «Pas les restes des Romains. Pas ce genre de ruine où l’âme des multitudes n’a eu que le temps de se morfondre, en gravant leur adieu dans le roc, mais les ruines en filigrane de tous les temps, celles que baigne le sang dans nos veines, celles que nous portons en secret sans jamais trouver le lieu ni l’instant qui conviendrait pour les voir: les inestimables décombres du présent.» Toi et Camus vous avez aimé la même terre, mais chacun à sa manière au point où la pierre de la terre aimée vous tient des dialogues bien différents. Camus voyait la pierre, quittant l’histoire des hommes, retourner définitivement à son repos éternel dans le ventre de la terre: «Comme ces hommes que beaucoup de science ramène à Dieu, beaucoup d’années ont ramené les ruines à la maison de leur mère. Aujourd’hui enfin leur passé les quitte, et rien ne les distrait de cette force profonde qui les ramène au centre des choses qui tombent.» Mais toi, Kateb, tu faisais revenir la pierre à la vie, puisque tu voyais partout «les ruines qui refleurissent, ici et ailleurs.» Et tes personnages? Tes personnages, je le redécouvre maintenant avec stupéfaction, ne ramaient pas seulement dans les eux boueuses du temps colonial, mais émergeaient au cœur même d’un immense brasier. Aussi était-il normal qu’ils se transforment en étincelles: «Rachid, qui n'ôte plus ses lunettes noires, n'espère plus quitter Constantine ni même le fondouk; les rides, les cheveux en broussaille, les lèvres sèches, le torse maigre et bombé, les jambes courtes font songer à une statuette de cendre, à un incinéré vivant qui n'a pu échapper au feu que pour être emporté de fleuve en fleuve, au port où il ne croyait pas rejoindre sa veuve d'une nuit, ni le fantôme bienveillant qui l'attendait sur le quai, ni Lakhdar ni Mourad: tous projetés comme les étincelles d'un seul et même brasier.» Tes personnages-étincelles te poursuivent, te colle aux trousses, de livre en livre, et peut-être au-delà des livres. Car, disais-tu: «Les personnages ont la peau dure. C’est dur de les faire vivre, et surtout de les faire mourir.» Je pense alors au pauvre Garcia Marquez qui a sangloté pendant deux heures, le jour où il a tué le colonel Aureliano Buendia dans «Cent ans de solitude». Garcia Marquez se souvient toujours de ce jour funeste: «Le colonel [le colonel Aureliano Buendia] est devenu vieux; un soir je me suis dit: «Aujourd’hui, c’est sa fin». Ainsi, je devais le conduire vers la mort. Une fois ce chapitre achevé, je suis monté en tremblotant à l’étage du dessus où il y avait ma femme. En voyant mon visage, celle-ci me dit: «Le colonel est mort». Je me suis alors mis au lit et sangloté pendant deux heures.» Ce n’est pas une vie, celle de l’écrivain, obligé d’occire ceux qui lui tiennent compagnie, à tous les chapitres, à toutes les parties, à tous les livres. Quel jeu de massacre! Ainsi, toi Kateb, tes personnages te poursuivent. Passent si ce n’était que la sublime Nedjma qui papillonne de livre en livre! Mais l’émir Abdelkader lui aussi revient dans tous les livres, hormis dans le livre «l’Homme aux sandales de caoutchouc». «Homme d’épée et de plume», disais-tu de l’émir Abdelkader, l’homme qui improvise un sublime poème, forgé par la douleur de la séparation définitive avec ses compagnons d’armes: «Le jour de la séparation, au moment de nos adieux, je suspendis à leur cou des colliers dont les perles étaient mes larmes. Quand, au son de la cantilène du chamelier, leurs montures se mirent en marche, tout défaillit en moi, le cœur, la force, la constance.» Tes textes sont écrits dans la tourmente et sur la tourmente, maisquelle force t’animait donc pour les ponctuer tout de même par une note d’espoir qu’on ne retrouve plus dans les textes maghrébins d’aujourd’hui? Non seulement tu fais fleurir et refleurir les ruines, mais tu fais aussi rajeunir Keblout dans un bain de sang. Étrange fontaine de jouvence où le malheur féconde l’espoir. Cet espoir justement qui te pousse à user de mots qui sentent la juvénilité pour t’adresser à une vieille dame, âgée de 85 ans et qui était alors à l’article de la mort. «Jeune fille de ma tribu», c’est ainsi que tu désignais Fathma Amrouche, la mère du poète Jean Amrouche. Je ne conclus rien,puisqu’il n’y a rien à conclure sur des textes laissés inachevés, mais je me remets à relire tes textes, à les ruminer, à l’ombre du temps. Le temps ce long mensonge, disais-tu? Mehana Amrani (Montréal) Citer Link to post Share on other sites
soft990 10 Posted January 18, 2009 Partager Posted January 18, 2009 J'adore encore et encore... Merci beaucoup ! Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 Vous, les pauvres, Dites-moi Si la vie N'est pas une *****! Ah! Dire que Vous êtes les indispensables!... Ouvriers, gens modestes Pourquoi les gros Vous étouffent-ils en leur graisse Malsaine de profiteurs? Ouvriers, Les premiers à la tâche, Les premiers au combat, Les premiers au sacrifice, Et les premiers dans la détresse... Ouvriers, Mes frères au front songeur, Je voudrais tant Mettre un juste laurier, A vos gloires posthumes De sacrifiés. - La grosse machine humaine A beuglé sur leurs têtes, Et vente à leurs oreilles Le soupir gémissant des perclus !... Au foyer ingrat D’une infernale société, Vous rentrez exténués, Sans un réconfort Pour vos cœurs de « bétail pensif »… Et vos bras, Vos bras sains et lourds de sueur, Vos bras portent le calvaire De vos existences de renoncement ! kateb yacine Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 Et ce serait de vivre à tes genoux. Parmi les éclats De tes jeunes rires, L'on entend siffler L'oiseau des savanes, Avec le murmure ailé du zéphyr Et le chant plaintif des peuples d'amour... Toi, mignonne aux yeux Plus noirs que mon âme, Fais ma place dans ta couche douillette, Je te chanterai des refrains de feu!... Au cœur de la rose on meurt de parfums, Ma lèvre frissonne au vent des baisers... Plus rouge que sang Fais couler ta lèvre! Femme obscure et dont l'œil égale la rancune, Prends-moi, voici l'instant des mêlées furieuses. Que se parent de sang nos chairs voluptueuses! Regarde! Me voici plus pâle que la lune, Agenouillé devant l'image de ton charme... J'attends. Et mon cœur passe d'alarme en alarme. C'est l'instant de mon malheur, L'heure Où Décembre, en sa pâleur, Pleure. Mais, quoique toute clameur Se meure, En moi ton rire charmeur Demeure... Kateb yacine Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 18, 2009 Author Partager Posted January 18, 2009 LES FOURMIS ROUGES Fallait pas partir. Si j'étais resté au collège, ils ne m'auraient pas arrêté. Je serais encore étudiant, pas manoeuvre, et je ne serais pas enfermé une seconde fois, pour un coup de tête. Fallait rester au collège, comme disait le chef de district. Fallait rester au collège, au poste. Fallait écouter le chef de district. Mais les Européens s'étaient groupés. Ils avaient déplacé les lits. Ils se montraient les armes de leurs papas. Y avait plus ni principal ni pions. L'odeur des cuisines n'arrivait plus. Le cuisinier et l'économe s'étaient enfuis. Ils avaient peur de nous, de nous, de nous ! Les manifestants s'étaient volatilisés. le suis passé à l'étude. J'ai pris les tracts. J'ai caché la Vie d'Abdelkader . J'ai ressenti la force des idées. J'ai trouvé l'Algérie irascible. Sa respiration... La respiration de l'Algérie suffisait. Suffisait à chasser les mouches. Puis l'Algérie elle même est devenue... Devenue traîtreusement une mouche. Mais les fourmis, les fourmis rouges, Les fourmis rouges venaient à la rescousse. Je suis parti avec les tracts. Je les enterrés dans la rivière. J'ai tracé sur le sable un plan... Un plan de manifestation future. Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai. je me battrai avec du sable et de l'eau. De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai. J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin. Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte. Je l'appelai, mais il ne vint pas. Il me fit signe. Il me fit signe qu'il était en guerre. En guerre avec son estomac, Tout le monde sait... Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit. Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte. Moi j'étais étudiant. J'étais une puce. Un puce sentimentale... Les fleurs des peupliers... Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse. Moi j'étais en guerre. je divertissais le paysan. Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou. Je faisais le fou devant mon père le paysan. Je bombardais la lune dans la rivière. Kateb yacine Citer Link to post Share on other sites
Gravissimo 10 Posted January 23, 2009 Partager Posted January 23, 2009 Pour les amoureux des poemes de Kateb Yacine, j'ai un tableau a la maison sur lequel il y a une peinture de Yazid Oulab sur un poemr inedit de Kateb Yacine. Si vous etes interessés je vous poste le poeme Citer Link to post Share on other sites
Guest cerise Posted January 25, 2009 Partager Posted January 25, 2009 Gravissimo Tout l'honneur est pour moi que de pouvoir m'enivrer de poésie, merci. Merci HB ,que de plaisir un puits intarissable de beauté de douceur que sont ces vers. Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted January 26, 2009 Author Partager Posted January 26, 2009 Pour les amoureux des poemes de Kateb Yacine, j'ai un tableau a la maison sur lequel il y a une peinture de Yazid Oulab sur un poemr inedit de Kateb Yacine. Si vous etes interessés je vous poste le poeme Ah oui ,ca serait gentil de ta part de poster ce poème inédit et si t'en as d'autres, surtout n'hésites pas. Merci d'avance. Citer Link to post Share on other sites
Mirages 10 Posted January 26, 2009 Partager Posted January 26, 2009 Merci a toi HB de partager les merveilles de kateb avec nous... Citer Link to post Share on other sites
dawson 10 Posted January 26, 2009 Partager Posted January 26, 2009 video Kateb yacine à Ath Yanni - gacem, na ouerdia et la suite - videos planet une video de kateb yacin Citer Link to post Share on other sites
Guest ratatouille Posted February 20, 2009 Partager Posted February 20, 2009 merci a vous tous d'avoir posté ces ecrit et ces morceaux de vie de kateb yacine . :40: il faut le lire parcontre ,j'ai essayé et j'ai pas put :confused: mais je ne lache rien ,j'y reviendrais dessus ,promis Citer Link to post Share on other sites
HB 10 Posted February 23, 2009 Author Partager Posted February 23, 2009 Kateb Yacine, écriture et déchirure Alors que la guerre d’Algérie fait rage -on est en 1957- c’est cette fois un jeune écrivain algérien qui renverse les rôles en s’adressant à Albert Camus, dont – faut-il le rappeler- les positions par rapport à l’Algérie heurtèrent bon nombre d’Algériens. Il a 28 ans, le style de sa lettre est parcouru du même souffle, poétique et crépusculaire, que son premier roman paru un an plus tôt. «Exilés du même royaume», écrit-il à Camus, «nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour ne pas avoir à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille et de la Tribu, selon les deux tranchants de notre verbe pourtant unique».(1) Ce «verbe pourtant unique», c’est bien la langue française à laquelle fait allusion Kateb Yacine en l’évoquant sous les traits cruels d’une vérité contradictoire: une même langue pour abriter des réalités, des passions, des désirs, des visions, des projets qui s’opposent mais cohabitent néanmoins dans une même dimension linguistique. La critique algérienne, et en particulier les travaux de Naget Khadda, ont mis en évidence la claire référence de Nedjma à «L’étranger». Usant tantôt de la parodie et du renversement de situation, Kateb Yacine aurait procédé dans son récit à un retournement de la perspective coloniale mise en scène dans le chef-d’oeuvre de Camus (2). Quoiqu’il en soit l’écriture de ce premier roman est innervée et irradie sous le jour d’une petite révolution formelle qui inscrit définitivement la production maghrébine dans la modernité et l’avant-garde littéraire. Cette révolution a un nom, elle s’appelle Nedjma (étoile en arabe), l’héroïne mythique qui donne son nom au récit de Kateb Yacine. Kateb (écrivain en arabe) fait ainsi avec Nedjma une entrée fulgurante en littérature. Car ce récit est bel et bien en rupture avec le roman maghrébin telle qu’il s’est donné à lire jusque là, et dont la veine réaliste s’attachait essentiellement à rendre au mieux les caractéristiques et les rouages de la société maghrébine (pauvreté, colonialisme, etc.). Rejetant l’écriture réaliste qui n’aurait pu lui «faire toucher le fond de ce qu’(il) avait à dire» (3), Kateb Yacine inaugure avec Nedjma un genre que les critiques situeront volontiers dans la mouvance du «nouveau roman» alors que le jeune auteur est beaucoup plus séduit et influencé par des auteurs américains tels que Faulkner dont on sait qu’il relut l’oeuvre en pleine rédaction de Nedjma. Nedjma, l’étoile au centre de sa galaxie romanesque, ne prend jamais la parole, mais c’est bien autour d’elle que pivotent et confluent les multiples narrations du récit, à l’intérieur des différents espaces temporels, et restitués dans un enchevêtrement de voix qui rompt, de manière radicale, la perspective narrative du roman traditionnel axé sur un narrateur unique. Nedjma, c’est à la fois la femme et l’Algérie mythique, une Algérie à naître, coincée entre le passé des ancêtres et la crue réalité d’une modernité que les «hoquétements» de l’histoire lui ont refusé, mais c’est aussi et surtout, comme le souligne Habib Salha dans l’étude qu’il consacre au Maghreb littéraire, «une odyssée maghrébine», une tentative d’amalgamer, dans l’éclatement, une unité poétique associé à un devenir maghrébin: Kateb Yacine «L’écriture de Kateb Yacine s’efforce toujours de laisser voir son mouvement, sa propagation, sa titubation; aussi le projet éthique se double-t-il d’une réflexion esthétique sur les signes matriciels d’une terre et d’une culture. Que cherche l’auteur de l’odyssée maghrébine? Faire confluer les villes et les hommes, les genres et les discours, refuser les limites du théâtre classique, recoller les morceaux de la jarre millénaire, écrire l’impensé d’une identité plurielle, dire l’impensable. Comment renouer avec la modernité? Que faire pour devenir sujet de l’Histoire? Toutes ces interrogations, le voyageur nomades se les pose. Et l’oeuvre en fragments, loin d’effacer les signes d’un Maghreb historique, géographique, semble, au contraire, le dire avec une insistance remarquable...»(4) Cette innovation de la forme romanesque maghrébine tient aussi du fait que Nedjma prend sa source dans les premières poésies écrites par le jeune Kateb en 1945 à l’âge de 15 ans et publié par un imprimeur que l’auteur rencontre au petit matin dans un bar de Annaba. Il est en faillite et veut clore en beauté son activité. Soliloques est réédité un demi-siècle plus tard par les éditions la Découverte en 1988. «Ces poèmes de jeunesse», écrit alors Kateb Yacine dans l’avant-propos du recueil «datent de presque un demi-siècle. On y retrouve deux thèmes majeurs: L’amour et la révolution, dans une première ébauche qui allait suivre. En un mot, Soliloques, ce n’est pas encore Nedjma, mais c’est son acte de naissance». Peut-on être l’écrivain d’un seul livre? Dans le cas de Kateb Yacine, perçu la plupart du temps exclusivement à travers Nedjma, la question n’est pas dénuée de pertinence. Certes, ce dernier a produit d’autres récits en langue française, et a construit à l’exemple de Dib qu’il a connu et fréquenté en Algérie (les deux hommes travaillaient tous deux à Alger Républicain) une oeuvre multiforme: théâtre, poésie, roman....Mais la relation qu’il entretient avec la langue française est totalement opposée à celle de Dib. C’est une position de fracture, de passage et d’abandon qui se révèle dans le parcours tourmenté de sa carrière littéraire. Le français est pour lui une langue de transition et d’aliénation dont il a souhaité se défaire totalement au profit de l’arabe parlé et du théâtre populaire. Révolutionnaire convaincu, comment pourrait-il s’adresser au peuple algérien en français ? Son projet est encore plus vaste. Un peu à la façon de «voyous comme Villon et Rabelais qui ont fait la littérature française, la langue française même», il veut inventer, en tournant le dos à l’arabe littéraire, une nouvelle écriture algérienne qui se nourrirait de la langue du peuple : le dialecte ou le berbère: «Si j’ai été obligé, dit-il dans un entretien réalisé par Hafid Gafaiti(5), de me couler dans la langue française une première fois et je suis conscient qu’il s’agit d’une aliénation, pourquoi irais-je renouveler cette aliénation en arabe, parce que l’arabe n’est pas ma langue non plus. (...) Je préfère les langues de la vie, parce que la littérature , pour moi, c’est la vie. La force de Faulkner par exemple, ce n’est pas les belles phrases, il n’écrit pas en anglais littéraire. L’anglais de Faulkner, c’est le jargon, l’argot des nègres des Etats-unis. Les vrais écrivains vont chercher les choses comme elles sont dans la vie. La langue on ne l’adore pas. Il faut écrire la langue du peuple et de la vie. Je pense qu’il est très possible pour les Algériens qui écrivent en français de franchir cette étape soit vers l’arabe, soit vers le berbère, en tout cas vers une langue populaire». Kateb Yacine finit donc, après 10 ans d’exil en France par «réussir» son retour en Algérie où il se consacra à l’écriture théâtrale, en arabe dialectal, langue qu’il put modeler et recréer grâce au travail collectif qu’il entreprit avec la troupe de théâtre qu’il dirigeait à Alger. Citer Link to post Share on other sites
RastaMan 10 Posted February 23, 2009 Partager Posted February 23, 2009 b1 moi je ss de maroc je ss fan de amazigh Kateb gnawa duffision tr's coll Citer Link to post Share on other sites
Dim 10 Posted March 26, 2010 Partager Posted March 26, 2010 L'écriture n'est pas mal, mais au niveau de la forme, c'est pas terrible. Pas de rimes, les poèmes ne sont pas structurés. Je ne sais pas ce que vous en penser? Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted March 28, 2010 Partager Posted March 28, 2010 Par Malek (Universitaire) «Laisse-moi dissimuler, en âme dénouant les derniers liens des morts, ces cerveaux qui se déchirent en fleurs anachroniques sur leur terre défendue, ô fleur tout agitée près du nectar vomi, gerbe de cerveaux obscurcis que traversèrent par essaims tant d'abeilles de plomb dans nos têtes blotties...» Mehana Amrani (Montréal) Vous seriez gentil si vous pouviez donner un explication à ce paragraphe poétique pour le moins bizarre. Citer Link to post Share on other sites
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