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Kateb yacine: Les poèmes oubliés


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Toi, ma belle

 

Toi, ma belle, en qui dort un parfum sacrilège

Tu vas me dire enfin le secret de tes rires.

Je sais ce que la nuit t'a prêté de noirceur,

Mais je ne t'ai pas vu le regard des étoiles.

Ouvre ta bouche où chante un monstre nouveau-né

Et parle-moi du jour où mon cœur s'est tué !…

Tu vas me ricaner

Ta soif de me connaître

Avant de tordre un pleur

En l'obscur de tes cils !

Et puis tu vas marcher

Vers la forêt des mythes

Parmi les fleurs expire une odeur de verveine :

Je devine un relent de plantes en malaises.

Et puis quoi que me dise ma Muse en tournée,

Je n'attendrai jamais l'avis des moissonneurs.

Lorsque ton pied muet, à force de réserve,

Se posera sur l'onde où boit le méhari,

Tu te relèveras de tes rêves sans suite

Moi, j'aurai le temps de boire à ta santé.

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BONJOUR

 

Bonjour ma vie

Et vous mes désespoirs.

Me revoici aux fossés

Où naquit ma misère !

Toi mon vieux guignon,

Je te rapporte un peu de cœur

 

Bonjour, bonjour à tous

Bonjour mes vieux copains ;

Je vous reviens avec ma gueule

De paladin solitaire,

Et je sais que ce soir

Monteront des chants infernaux…

Voici le coin de boue

Où dormait mon front fier,

Aux hurlements des vents,

Par les cris de Décembre ;

Voici ma vie à moi,

Rassemblée en poussière…

 

Bonjour, toutes mes choses,

J'ai suivi l'oiseau des tropiques

Aux randonnées sublimes

Et me voici sanglant

Avec des meurtrissures

Dans mon cœur en rictus !…

 

Bonjour mes horizons lourds,

Mes vieilles vaches de chimères :

Ainsi fleurit l'espoir

Et mon jardin pourri !

- Ridicule tortue,

J'ai ouvert le bec

Pour tomber sur des ronces

 

Bonjour mes poèmes sans raison…

 

 

 

 

 

KATEB Yacine -Extrait de Eclats et poèmes

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C'est vivre

 

C’est vivre

 

Fanon, Amrouche et Feraoun

 

Trois voix brisées qui nous surprennent

 

Plus proches que jamais

 

Fanon, Amrouche, Feraoun

 

Trois source vives qui n’ont pas vu

 

La lumière du jour

 

Et qui faisaient entendre

 

Le murmure angoissé

 

Des luttes souterraines

 

Fanon, Amrouche, Feraoun

 

Eux qui avaient appris

 

A lire dans les ténèbres

 

Et qui les yeux fermés

 

N’ont pas cessé d’écrire

 

Portant à bout de bras

 

Leurs oeuvres et leurs racines

 

Mourir ainsi c’est vivre

 

Guerre et cancer du sang

 

Lente ou violente chacun sa mort

 

Et c’est toujours la même

 

Pour ceux qui ont appris

 

A lire dans les ténèbres,

 

Et qui les yeux fermés

 

N’ont pas cessé d’écrire

 

Mourir ainsi c’est vivre.

 

 

 

 

 

 

 

Kateb Yacine (Paru dans Jeune Afrique, Paris, n°107, 5-11 novembre 1962).

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POUSSIÈRES DE JUILLET

 

Le sang

Reprend racine

Oui

Nous avions tout oublié

Mais notre terre

En enfance tombée

Sa vieille ardeur se rallume

 

Et même fusillés

Les hommes s’arrachent la terre

Et même fusillés

Ils tirent la terre à eux

Comme une couverture

Et bientôt les vivants n’auront plus où dormir

 

Et sous la couverture

Aux grands trous étoilés

Il y a tant de morts

Tenant les arbres par la racine

Le cœur entre les dents

 

Il y a tant de morts

Crachant la terre par la poitrine

Pour si peu de poussière

Qui nous monte à la gorge

Avec ce vent de feu

 

N’ enterrez pas l’ancêtre

Tant de fois abattu

Laissez-le renouer la trame de son massacre

 

Pareille au javelot tremblant

Qui le transperce

Nous ramenons à notre gorge

La longue escorte des assassins.

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merci Hb? j'aime l'écriture de Kateb, et qui qui dit Kateb dit Nedjma bien sur.

 

Pour toi séraphin, rumine la beauté.

 

Nedjma ou le poème ou le couteau!

 

Nous avions préparé deux verres de sang Nedjma ouvrait ses yeux parmi les arbres

Un luth faisait mousser les plaines et les transformait en jardins

Noirs comme du sang qui aurait absorbé le soleil

J'avais Nedjma sous le cœur frais humais des bancs de chair précieuse

Nedjma depuis que nous rêvons bien des astres nous ont Suivis...

Je t'avais prévue immortelle ainsi que l'air et l'inconnu

Et voilà que tu meurs et que je me perds et que tu ne peux me demander de pleurer ...

Où sont Nedjma les nuits sèches nous les portions sur notre dos pour abriter d'autres sommeils!

La fontaine où les saints galvanisaient les « bendirs »

La mosquée pour penser la blanche lisse comme un chiffon de Soie

La mer sifflée sur les visages grâce à des lunes suspendues dans l'eau telles des boules de peau de givre

C'était ce poème d'Arabie Nedjma qu'il fallait conserver!

Nedjma je t'ai appris un diwan tout-puissant mais ma voix s'éboule je suis dans une musique déserte j'ai beau jeter ton cœur il me revient décomposé

Pourtant nous avions nom dans l'épopée nous avons parcouru le pays de complainte nous avons suivi les pleureuses quand elles riaient derrière le Nil...

Maintenant Alger nous sépare une sirène nous a rendu sourds un treuil sournois déracine ta beauté

Peut-être Nedjma que le charme est passé mais ton eau gicle sous mes yeux déférents!

Et les mosquées croulaient sous les lances du soleil

Comme si Constantine avait surgi du feu par de plus subtils incendies

Nedjma mangeait des fruits malsains à l'ombre des broussailles

Un poète désolait la ville suivi par un chien sournois

Je suivis les murailles pour oublier les mosquées Nedjma fit un sourire trempa les fruits dans sa poitrine

Le poète nous jetait des cailloux devant le chien et la noble ville ...

Et les émirs firent des présents au peuple c'était la fin du Ramadhan

Les matins s'élevaient du plus chaud des collines une pluie odorante ouvrait le ventre des cactus

Nedjma tenait mon coursier par la bride greffait des cristaux sur le sable

Je dis Nedjma le sable est plein de nos empreintes gorgées d'or!

Les nomades nous guettent leurs cris crèvent nos mots ainsi que des bulles

Nous ne verrons plus les palmiers poussés vers la grêle tendre des étoiles

Nedjma les chameliers sont loin et la dernière étape est au Nord!

Nedjma tira sur la bride je sellai un dromadaire musclé comme un ancêtre.

Lorsque je perdis l'Andalouse je ne pus rien dire j'agonisais sous son souffle il me fallut le temps de la nommer

Les palmiers pleuraient sur ma tête j'aurais pu oublier l'enfant pour le feuillage

Mais Nedjma dormait restait immortelle et je croyais toucher ses seins déconcertants

C'était à Bône au temps léger des jujubes Nedjma m'avait ouvert d'immenses palmeraies

Nedjma dormait comme un navire l'amour saigliait sous son cœur immobile

Nedjma ouvre tes yeux fameux le temps passe je mourrai dans sept et sept ans ne sois pas inhumaine!

Fouillez les plus profonds bassins c'est là qu'elle coule quand ses yeux ferment les nuits comme des trappes

Coupez mes rêves tels des serpents ou bien portez-moi dans le sommeil de Nedjma je ne puis supporter

cette solitude!

 

Kateb Yacine, in L'œuvre en fragments, éditions Actes Sud

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Kateb Yacine aimait l’Algérie profondément . Toutes ses oeuvres sont avant tout dédiées et dévouées au peuple d’Algérie.

C'est un auteur de qualité, y a aussi Rabah Belamri, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun... Ces derniers sont de très bons écrivains de qualité aussi.

 

merci HB.

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Une lettre á Kateb yacine

 

Par Malek (Universitaire)

 

Le temps ce long mensonge, disais-tu. Mais le temps canaille me laisse tout de même le seul sursis de lire et relire tes textes. Pas simplement les lire, mais les ruminer car la rumination est une vraie pédagogie de lecture des textes, surtout des textes comme les tiens, inaccessibles à force de suggérer mille voix et milles voies. Mais écoute d’abord Nietzsche faire l’éloge de la lecture ruminante:

 

«Pour élever la lecture à la hauteur d’un art, il faut posséder avant tout une faculté qu’on a précisément le mieux oubliée aujourd’hui et c’est pourquoi il s’écoulera encore du temps avant que mes écrits soient «lisibles», une faculté qu’exigerait presque que l’on ait la nature d’une vache et non point, en tous cas celle d’un «homme moderne»; j’entends la faculté de ruminer.»

 

En ruminant tes textes, j’entends un chant étrange, jailli au milieu de mille périls, là précisément dans ce «jardin parmi les flammes»; jardin visité par le songe éveillé d’Ibn Arabi.

 

 

 

Comme le tien, le cœur du philosophe soufi s’ouvre alors à toutes les formes; des formes qui prennent et s’éprennent des mots, à tel point que les mots s’étonnent et disent qu’on ne les a jamais fait parler de cette manière. Mais quelle manière! À lire tes textes, mes yeux s’ouvrent à des spectacles inédits, mes oreilles se prêtent à des écoutes insoupçonnées. Pour le meilleur. Et pour le pire! Le pire justement le voilà: le miel devenant fiel, le malheur s’invite en ce mai algérien tout sanglant de l’an de disgrâce de 1945. Mais quelle étrange et troublante trouvaille que de convoquer les abeilles, ces charmantes bestioles, tout occupées en d’autres temps et en d’autres lieux à célébrer la vie, pour parler des massacres du 8 mai 1945!

 

Tu donnais alors la parole à Lakhdar pour déclamer l’inoubliable tirade inaugurale du Cadavre encerclé:

 

«Laisse-moi dissimuler, en âme dénouant les derniers liens des morts, ces cerveaux qui se déchirent en fleurs anachroniques sur leur terre défendue, ô fleur tout agitée près du nectar vomi, gerbe de cerveaux obscurcis que traversèrent par essaims tant d'abeilles de plomb dans nos têtes blotties...»

 

Voilà que l’horreur extrême est prise en charge par une image littéraire sublime! Voilà que toutes les choses printanières, fleurs et bestioles, se chargent de nouveaux sens. Pourrais-je alors, après cela, trouver du charme aux abeilles et aux fleurs, ou trouver du goût au miel? Qui pourra pardonner aux abeilles et aux fleurs de célébrer, sur l’espace littéraire du désastre, des noces mortifères avec les balles et le plomb?

 

À te lire, j’apprends aussi à écouter le chant profond de la pierre, celle dont le cœur palpite à se rompre. L’avez-vous entendue? Il s’agit de cette pierre engrossée par tous les temps:

 

«Pas les restes des Romains. Pas ce genre de ruine où l’âme des multitudes n’a eu que le temps de se morfondre, en gravant leur adieu dans le roc, mais les ruines en filigrane de tous les temps, celles que baigne le sang dans nos veines, celles que nous portons en secret sans jamais trouver le lieu ni l’instant qui conviendrait pour les voir: les inestimables décombres du présent.»

 

Toi et Camus vous avez aimé la même terre, mais chacun à sa manière au point où la pierre de la terre aimée vous tient des dialogues bien différents.

 

Camus voyait la pierre, quittant l’histoire des hommes, retourner définitivement à son repos éternel dans le ventre de la terre: «Comme ces hommes que beaucoup de science ramène à Dieu, beaucoup d’années ont ramené les ruines à la maison de leur mère. Aujourd’hui enfin leur passé les quitte, et rien ne les distrait de cette force profonde qui les ramène au centre des choses qui tombent.» Mais toi, Kateb, tu faisais revenir la pierre à la vie, puisque tu voyais partout «les ruines qui refleurissent, ici et ailleurs.»

 

Et tes personnages? Tes personnages, je le redécouvre maintenant avec stupéfaction, ne ramaient pas seulement dans les eux boueuses du temps colonial, mais émergeaient au cœur même d’un immense brasier. Aussi était-il normal qu’ils se transforment en étincelles:

 

«Rachid, qui n'ôte plus ses lunettes noires, n'espère plus quitter Constantine ni même le fondouk; les rides, les cheveux en broussaille, les lèvres sèches, le torse maigre et bombé, les jambes courtes font songer à une statuette de cendre, à un incinéré vivant qui n'a pu échapper au feu que pour être emporté de fleuve en fleuve, au port où il ne croyait pas rejoindre sa veuve d'une nuit, ni le fantôme bienveillant qui l'attendait sur le quai, ni Lakhdar ni Mourad: tous projetés comme les étincelles d'un seul et même brasier.»

 

Tes personnages-étincelles te poursuivent, te colle aux trousses, de livre en livre, et peut-être au-delà des livres. Car, disais-tu: «Les personnages ont la peau dure. C’est dur de les faire vivre, et surtout de les faire mourir.»

 

Je pense alors au pauvre Garcia Marquez qui a sangloté pendant deux heures, le jour où il a tué le colonel Aureliano Buendia dans «Cent ans de solitude».

 

Garcia Marquez se souvient toujours de ce jour funeste:

 

«Le colonel [le colonel Aureliano Buendia] est devenu vieux; un soir je me suis dit: «Aujourd’hui, c’est sa fin». Ainsi, je devais le conduire vers la mort. Une fois ce chapitre achevé, je suis monté en tremblotant à l’étage du dessus où il y avait ma femme. En voyant mon visage, celle-ci me dit: «Le colonel est mort». Je me suis alors mis au lit et sangloté pendant deux heures.»

 

Ce n’est pas une vie, celle de l’écrivain, obligé d’occire ceux qui lui tiennent compagnie, à tous les chapitres, à toutes les parties, à tous les livres. Quel jeu de massacre! Ainsi, toi Kateb, tes personnages te poursuivent. Passent si ce n’était que la sublime Nedjma qui papillonne de livre en livre! Mais l’émir Abdelkader lui aussi revient dans tous les livres, hormis dans le livre «l’Homme aux sandales de caoutchouc». «Homme d’épée et de plume», disais-tu de l’émir Abdelkader, l’homme qui improvise un sublime poème, forgé par la douleur de la séparation définitive avec ses compagnons d’armes: «Le jour de la séparation, au moment de nos adieux, je suspendis à leur cou des colliers dont les perles étaient mes larmes. Quand, au son de la cantilène du chamelier, leurs montures se mirent en marche, tout défaillit en moi, le cœur, la force, la constance.»

 

 

Tes textes sont écrits dans la tourmente et sur la tourmente, maisquelle force t’animait donc pour les ponctuer tout de même par une note d’espoir qu’on ne retrouve plus dans les textes maghrébins d’aujourd’hui? Non seulement tu fais fleurir et refleurir les ruines, mais tu fais aussi rajeunir Keblout dans un bain de sang. Étrange fontaine de jouvence où le malheur féconde l’espoir. Cet espoir justement qui te pousse à user de mots qui sentent la juvénilité pour t’adresser à une vieille dame, âgée de 85 ans et qui était alors à l’article de la mort. «Jeune fille de ma tribu», c’est ainsi que tu désignais Fathma Amrouche, la mère du poète Jean Amrouche. Je ne conclus rien,puisqu’il n’y a rien à conclure sur des textes laissés inachevés, mais je me remets à relire tes textes, à les ruminer, à l’ombre du temps. Le temps ce long mensonge, disais-tu?

 

Mehana Amrani (Montréal)

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Vous, les pauvres,

Dites-moi

Si la vie

N'est pas une *****!

 

Ah! Dire que

Vous êtes les indispensables!...

 

Ouvriers, gens modestes

Pourquoi les gros

Vous étouffent-ils en leur graisse

Malsaine de profiteurs?

 

Ouvriers,

 

Les premiers à la tâche,

Les premiers au combat,

Les premiers au sacrifice,

Et les premiers dans la détresse...

 

Ouvriers,

 

Mes frères au front songeur,

Je voudrais tant

Mettre un juste laurier,

 

A vos gloires posthumes

De sacrifiés.

- La grosse machine humaine

A beuglé sur leurs têtes,

Et vente à leurs oreilles

Le soupir gémissant des perclus !...

 

Au foyer ingrat

D’une infernale société,

Vous rentrez exténués,

Sans un réconfort

 

Pour vos cœurs de « bétail pensif »…

Et vos bras,

Vos bras sains et lourds de sueur,

Vos bras portent le calvaire

De vos existences de renoncement !

 

kateb yacine

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Et ce serait de vivre à tes genoux.

Parmi les éclats

De tes jeunes rires,

L'on entend siffler

L'oiseau des savanes,

 

Avec le murmure ailé du zéphyr

Et le chant plaintif des peuples d'amour...

Toi, mignonne aux yeux

Plus noirs que mon âme,

Fais ma place dans ta couche douillette,

Je te chanterai des refrains de feu!...

Au cœur de la rose on meurt de parfums,

Ma lèvre frissonne au vent des baisers...

Plus rouge que sang

Fais couler ta lèvre!

 

Femme obscure et dont l'œil égale la rancune,

Prends-moi, voici l'instant des mêlées furieuses.

Que se parent de sang nos chairs voluptueuses!

Regarde! Me voici plus pâle que la lune,

Agenouillé devant l'image de ton charme...

J'attends. Et mon cœur passe d'alarme en alarme.

C'est l'instant de mon malheur,

L'heure

Où Décembre, en sa pâleur,

Pleure.

Mais, quoique toute clameur

Se meure,

En moi ton rire charmeur

Demeure...

 

Kateb yacine

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LES FOURMIS ROUGES

 

Fallait pas partir.

Si j'étais resté au collège, ils ne m'auraient pas arrêté.

Je serais encore étudiant, pas manoeuvre, et je ne serais pas enfermé une seconde fois, pour un coup de tête.

Fallait rester au collège, comme disait le chef de district.

Fallait rester au collège, au poste.

Fallait écouter le chef de district.

Mais les Européens s'étaient groupés.

Ils avaient déplacé les lits.

Ils se montraient les armes de leurs papas.

Y avait plus ni principal ni pions.

L'odeur des cuisines n'arrivait plus.

Le cuisinier et l'économe s'étaient enfuis.

Ils avaient peur de nous, de nous, de nous !

Les manifestants s'étaient volatilisés.

le suis passé à l'étude. J'ai pris les tracts.

J'ai caché la Vie d'Abdelkader .

J'ai ressenti la force des idées.

J'ai trouvé l'Algérie irascible. Sa respiration...

La respiration de l'Algérie suffisait.

Suffisait à chasser les mouches.

Puis l'Algérie elle même est devenue...

Devenue traîtreusement une mouche.

Mais les fourmis, les fourmis rouges,

Les fourmis rouges venaient à la rescousse.

Je suis parti avec les tracts.

Je les enterrés dans la rivière.

J'ai tracé sur le sable un plan...

Un plan de manifestation future.

Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai.

je me battrai avec du sable et de l'eau.

De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai.

J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin.

Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte.

Je l'appelai, mais il ne vint pas. Il me fit signe.

Il me fit signe qu'il était en guerre.

En guerre avec son estomac, Tout le monde sait...

Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit.

Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte.

Moi j'étais étudiant. J'étais une puce.

Un puce sentimentale... Les fleurs des peupliers...

Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse.

Moi j'étais en guerre. je divertissais le paysan.

Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou. Je faisais le fou devant

mon père le paysan. Je bombardais la lune dans la rivière.

 

Kateb yacine

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Pour les amoureux des poemes de Kateb Yacine,

j'ai un tableau a la maison sur lequel il y a une peinture de Yazid Oulab sur un poemr inedit de Kateb Yacine.

Si vous etes interessés je vous poste le poeme

 

Ah oui ,ca serait gentil de ta part de poster ce poème inédit et si t'en as d'autres, surtout n'hésites pas.

 

Merci d'avance.

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  • 4 weeks later...
Guest ratatouille

merci a vous tous d'avoir posté ces ecrit et ces morceaux de vie de kateb yacine .

:40:

 

il faut le lire parcontre ,j'ai essayé et j'ai pas put :confused:

mais je ne lache rien ,j'y reviendrais dessus ,promis

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Kateb Yacine, écriture et déchirure

 

Alors que la guerre d’Algérie fait rage -on est en 1957- c’est cette fois un jeune écrivain algérien qui renverse les rôles en s’adressant à Albert Camus, dont – faut-il le rappeler- les positions par rapport à l’Algérie heurtèrent bon nombre d’Algériens. Il a 28 ans, le style de sa lettre est parcouru du même souffle, poétique et crépusculaire, que son premier roman paru un an plus tôt. «Exilés du même royaume», écrit-il à Camus, «nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour ne pas avoir à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille et de la Tribu, selon les deux tranchants de notre verbe pourtant unique».(1)

 

Ce «verbe pourtant unique», c’est bien la langue française à laquelle fait allusion Kateb Yacine en l’évoquant sous les traits cruels d’une vérité contradictoire: une même langue pour abriter des réalités, des passions, des désirs, des visions, des projets qui s’opposent mais cohabitent néanmoins dans une même dimension linguistique.

 

La critique algérienne, et en particulier les travaux de Naget Khadda, ont mis en évidence la claire référence de Nedjma à «L’étranger». Usant tantôt de la parodie et du renversement de situation, Kateb Yacine aurait procédé dans son récit à un retournement de la perspective coloniale mise en scène dans le chef-d’oeuvre de Camus (2).

 

Quoiqu’il en soit l’écriture de ce premier roman est innervée et irradie sous le jour d’une petite révolution formelle qui inscrit définitivement la production maghrébine dans la modernité et l’avant-garde littéraire. Cette révolution a un nom, elle s’appelle Nedjma (étoile en arabe), l’héroïne mythique qui donne son nom au récit de Kateb Yacine. Kateb (écrivain en arabe) fait ainsi avec Nedjma une entrée fulgurante en littérature.

 

Car ce récit est bel et bien en rupture avec le roman maghrébin telle qu’il s’est donné à lire jusque là, et dont la veine réaliste s’attachait essentiellement à rendre au mieux les caractéristiques et les rouages de la société maghrébine (pauvreté, colonialisme, etc.). Rejetant l’écriture réaliste qui n’aurait pu lui «faire toucher le fond de ce qu’(il) avait à dire» (3), Kateb Yacine inaugure avec Nedjma un genre que les critiques situeront volontiers dans la mouvance du «nouveau roman» alors que le jeune auteur est beaucoup plus séduit et influencé par des auteurs américains tels que Faulkner dont on sait qu’il relut l’oeuvre en pleine rédaction de Nedjma.

 

Nedjma, l’étoile au centre de sa galaxie romanesque, ne prend jamais la parole, mais c’est bien autour d’elle que pivotent et confluent les multiples narrations du récit, à l’intérieur des différents espaces temporels, et restitués dans un enchevêtrement de voix qui rompt, de manière radicale, la perspective narrative du roman traditionnel axé sur un narrateur unique.

 

Nedjma, c’est à la fois la femme et l’Algérie mythique, une Algérie à naître, coincée entre le passé des ancêtres et la crue réalité d’une modernité que les «hoquétements» de l’histoire lui ont refusé, mais c’est aussi et surtout, comme le souligne Habib Salha dans l’étude qu’il consacre au Maghreb littéraire, «une odyssée maghrébine», une tentative d’amalgamer, dans l’éclatement, une unité poétique associé à un devenir maghrébin:

 

Kateb Yacine

«L’écriture de Kateb Yacine s’efforce toujours de laisser voir son mouvement, sa propagation, sa titubation; aussi le projet éthique se double-t-il d’une réflexion esthétique sur les signes matriciels d’une terre et d’une culture. Que cherche l’auteur de l’odyssée maghrébine? Faire confluer les villes et les hommes, les genres et les discours, refuser les limites du théâtre classique, recoller les morceaux de la jarre millénaire, écrire l’impensé d’une identité plurielle, dire l’impensable. Comment renouer avec la modernité? Que faire pour devenir sujet de l’Histoire? Toutes ces interrogations, le voyageur nomades se les pose. Et l’oeuvre en fragments, loin d’effacer les signes d’un Maghreb historique, géographique, semble, au contraire, le dire avec une insistance remarquable...»(4)

 

Cette innovation de la forme romanesque maghrébine tient aussi du fait que Nedjma prend sa source dans les premières poésies écrites par le jeune Kateb en 1945 à l’âge de 15 ans et publié par un imprimeur que l’auteur rencontre au petit matin dans un bar de Annaba. Il est en faillite et veut clore en beauté son activité. Soliloques est réédité un demi-siècle plus tard par les éditions la Découverte en 1988. «Ces poèmes de jeunesse», écrit alors Kateb Yacine dans l’avant-propos du recueil «datent de presque un demi-siècle. On y retrouve deux thèmes majeurs: L’amour et la révolution, dans une première ébauche qui allait suivre. En un mot, Soliloques, ce n’est pas encore Nedjma, mais c’est son acte de naissance».

 

Peut-on être l’écrivain d’un seul livre? Dans le cas de Kateb Yacine, perçu la plupart du temps exclusivement à travers Nedjma, la question n’est pas dénuée de pertinence. Certes, ce dernier a produit d’autres récits en langue française, et a construit à l’exemple de Dib qu’il a connu et fréquenté en Algérie (les deux hommes travaillaient tous deux à Alger Républicain) une oeuvre multiforme: théâtre, poésie, roman....Mais la relation qu’il entretient avec la langue française est totalement opposée à celle de Dib. C’est une position de fracture, de passage et d’abandon qui se révèle dans le parcours tourmenté de sa carrière littéraire. Le français est pour lui une langue de transition et d’aliénation dont il a souhaité se défaire totalement au profit de l’arabe parlé et du théâtre populaire. Révolutionnaire convaincu, comment pourrait-il s’adresser au peuple algérien en français ?

 

Son projet est encore plus vaste. Un peu à la façon de «voyous comme Villon et Rabelais qui ont fait la littérature française, la langue française même», il veut inventer, en tournant le dos à l’arabe littéraire, une nouvelle écriture algérienne qui se nourrirait de la langue du peuple : le dialecte ou le berbère:

 

«Si j’ai été obligé, dit-il dans un entretien réalisé par Hafid Gafaiti(5), de me couler dans la langue française une première fois et je suis conscient qu’il s’agit d’une aliénation, pourquoi irais-je renouveler cette aliénation en arabe, parce que l’arabe n’est pas ma langue non plus. (...) Je préfère les langues de la vie, parce que la littérature , pour moi, c’est la vie. La force de Faulkner par exemple, ce n’est pas les belles phrases, il n’écrit pas en anglais littéraire. L’anglais de Faulkner, c’est le jargon, l’argot des nègres des Etats-unis. Les vrais écrivains vont chercher les choses comme elles sont dans la vie. La langue on ne l’adore pas. Il faut écrire la langue du peuple et de la vie. Je pense qu’il est très possible pour les Algériens qui écrivent en français de franchir cette étape soit vers l’arabe, soit vers le berbère, en tout cas vers une langue populaire».

 

Kateb Yacine finit donc, après 10 ans d’exil en France par «réussir» son retour en Algérie où il se consacra à l’écriture théâtrale, en arabe dialectal, langue qu’il put modeler et recréer grâce au travail collectif qu’il entreprit avec la troupe de théâtre qu’il dirigeait à Alger.

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  • 1 year later...
Par Malek (Universitaire)

 

«Laisse-moi dissimuler, en âme dénouant les derniers liens des morts, ces cerveaux qui se déchirent en fleurs anachroniques sur leur terre défendue, ô fleur tout agitée près du nectar vomi, gerbe de cerveaux obscurcis que traversèrent par essaims tant d'abeilles de plomb dans nos têtes blotties...»

Mehana Amrani (Montréal)

 

Vous seriez gentil si vous pouviez donner un explication à ce paragraphe poétique pour le moins bizarre.

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