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Mort de Sadek Hadjerès, figure historique de la gauche algérienne


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Le militant nationaliste, ancien cadre du Parti communiste algérien, est mort le 3 novembre à Paris, où il vivait en exil depuis 1990. Il avait 94 ans.


Par Karim Amrouche(Alger, correspondance)
Publié le 07 novembre 2022 à 20h00

 

Au lendemain des émeutes sanglantes d’octobre 1988 qui ont ouvert la voie au multipartisme, les Algériens avaient pu enfin mettre un visage sur un nom déjà légendaire. Sadek Hadjerès, 60 ans à l’époque, avait passé près de trente années de sa vie dans la clandestinité. Recherché par l’armée française durant la guerre d’indépendance entre 1955 et 1962, il avait ensuite été traqué par les services de sécurité de l’Algérie indépendante. Figure historique de la gauche, le militant communiste est mort le jeudi 3 novembre à Paris, où il vivait en exil depuis 1990. Il avait 94 ans.

Fils d’instituteur, Sadek Hadjerès est né le 13 septembre 1928 à Larbaa Nath Iraten, en Kabylie. Après des études de médecine, il exerce dans le quartier populaire d’El Harrach, qui était à l’époque la banlieue est d’Alger. En 1943, il appartient aux Scouts musulmans algériens, voie de passage traditionnelle vers le Parti du peuple algérien (PPA, indépendantiste). Dissoute par les autorités coloniales, la formation s’est recréée sous la bannière du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Sadek Hadjerès milite dans sa branche estudiantine et devient en 1950 le président de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord.
Dans un contexte de marasme au sein du parti nationaliste, le jeune homme devient à son corps défendant, en 1949, l’un des protagonistes de ce que les historiens du mouvement national algérien appellent la « crise berbériste », formulation qu’il a constamment récusée. Sadek Hadjerès, avec deux autres jeunes militants, avait publié une brochure, intitulée L’Algérie libre vivra et signée collectivement « Idir El Watani », développant la vision d’une nation multiculturelle, « résultat d’un pacte tacite qui demande chaque jour à être renouvelé ». La direction du MTLD y voit une « manipulation berbériste et anti-arabiste ».


Condamné aux travaux forcés

Sadek Hadjerès démissionne et rejoint le Parti communiste algérien (PCA), dont il devient rapidement un dirigeant : il entre au comité central en 1951, puis au bureau politique en 1952. Trois ans plus tard, il est élu conseiller général à El Harrach, mais l’interdiction du PCA, en septembre 1955, le fait basculer dans sa première longue clandestinité.
Dans une Algérie en guerre depuis le 1er novembre 1954, Sadek Hadjerès et les autres dirigeants du PCA sont en situation de divorce silencieux avec le Parti communiste français (PCF). Le PCA se lance en 1955 dans la lutte armée en créant l’organisation des Combattants de la libération (CDL), que Sadek Hadjerès codirige avec Bachir Hadj Ali. Parmi les actions les plus connues des CDL, implantés surtout dans l’Ouarsenis (nord-ouest), figure le fameux convoi d’armes détourné le 4 avril 1956 par l’aspirant Henri Maillot, lequel sera tué le 5 juin suivant.

Condamné par contumace à vingt ans de travaux forcés pour « association de malfaiteurs et atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat », Sadek Hadjerès va négocier, fort de cet apport en armes, avec les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) pour intégrer les combattants du CDL au sein de l’Armée de libération nationale.
Alors que le PCA s’est engagé en faveur de l’indépendance, le PCF vote le 12 mars 1956 la loi sur les « pouvoirs spéciaux » accordés au gouvernement français pour rétablir « l’ordre » en Algérie. Le divorce est consommé avec les communistes algériens. Dans la clandestinité, à Alger, Sadek Hadjerès sera, avec Bachir Hadj Ali, la « voix » du PCA jusqu’à l’indépendance du pays, le 5 juillet 1962.
Des militants raflés et torturés
Sadek Hadjerès reprend son travail de médecin, mais le retour à la vie normale est perturbé à la suite de l’interdiction du PCA, le 29 novembre 1962, par le nouveau pouvoir d’Ahmed Ben Bella, qui instaure le parti unique. Après un court intermède où il œuvre à mettre en place un appareil clandestin, Sadek Hadjerès entre dans sa deuxième période de clandestinité, la plus longue, à la suite du coup d’Etat du 19 juin 1965 du colonel Houari Boumédiène. Il est, en janvier 1966, parmi les fondateurs du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), qu’il dirige et dont l’influence sera notable dans le monde syndical et à l’université.
Tout en dénonçant « l’arbitraire », le PAGS apporte son soutien aux « actes progressistes » du gouvernement. Il va ainsi encourager et soutenir la nationalisation des hydrocarbures, en 1971. Mais la relative tolérance du régime à l’égard de la formation fait place, à la mort de Boumédiène en 1978, à une politique de plus en plus répressive. A la veille des émeutes d’octobre 1988, des centaines de militants du PAGS sont raflés à titre préventif et torturés.

En 1989, Sadek Hadjerès sort de la clandestinité et le PAGS est légalisé. Le processus démocratique entamé après les émeutes d’octobre 1988 est vite pris en tenaille entre la montée du Front islamique du salut (FIS), qui capte la colère populaire, et les puissantes entraves de l’intérieur du régime. L’attitude à avoir à l’égard des islamistes provoque une profonde crise au sein du PAGS. Sadek Hadjerès, en désaccord avec la ligne « éradicatrice » – couplée au renoncement au combat social – prônée par la nouvelle direction, se retire de l’activité partisane, comme de nombreux cadres et militants. Les nouveaux dirigeants liquident le PAGS et lancent un nouveau parti.
En exil entre la France et la Grèce, Sadek Hadjeres défend dès lors ses positions sur le site Socialgérie. Auteur de deux livres sur la révolution algérienne, il intervenait régulièrement dans le débat à travers des contributions publiées dans la presse. Il a apporté un soutien chaleureux au mouvement protestataire du Hirak, en 2019-2020, dont il a loué le pacifisme. « La qualité de ce mouvement, cette obstination à ne pas franchir le pas de la violence, c’est quelque chose d’extraordinaire », disait-il.


Karim Amrouche(Alger, correspondance)

Source : Le Monde

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