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A propos de Saadi : Lettre d’un citoyen de Chlef à la presse (non publiée)


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Saïd Sadi a baissé le drapeau algérien, l’a rangé avec respect dans une armoire. Puis il a levé un pan de tissu noir pour exprimer son «deuil de la démocratie». Aussitôt des voix se sont mises à crier. Je ne suis pas militant du RCD, mais je ne comprends vraiment pas en quoi son président a fauté. Nos casernes ramènent les couleurs nationales, à chaque tombée du soir. La nuit, elles les font veiller par des sentinelles. Le lendemain, au lever du jour, elles les relèvent. Saïd Sadi a baissé l’emblème national. S’il ne l’a pas hissé, c’est parce qu’à ses yeux aucune lueur n’annonce l’approche d’un matin neuf dans le ciel de son pays.

 

Il faut être mauvais Algérien pour ne pas, sinon partager, du moins comprendre sa hâte d’une Algérie républicaine. On peut contester le bien-fondé de son pessimisme, discuter de l’imprécision de ses cibles. On peut lui faire reproche de reporter sa déception sur les hommes, et de ne pas tenir compte des facteurs d’inertie qui, dans les pays de vieille tradition dictatoriale, jouent fréquemment à contrario des intentions et des compétences. Mais il faut couver une réelle malhonnêteté d’esprit pour ne pas reconnaitre dans cette impatience, la traduction pure et sincère de son amour pour le pays, pour ses compatriotes, pour la démocratie.

 

Sans doute apprécie-t-il mal la difficulté pour un décideur, d’assainir une justice vérolée depuis 30 ans, de changer le cap d’une école obstinément pointée depuis 15 ans sur l’abrutissement national, de rendre allure d’hôpitaux dignes de ce nom à nos mouroirs publics, de créer des emplois à une jeunesse qu’une impatience analogue à celle qui l’anime pousse à la noyade et dont les cadavres sans yeux sont repêchés quotidiennement sur les cotes européennes. Bien qu’instruit des sciences économiques, sans doute s’énerve-il que les gros investissements mettent du temps à produire des résultats. Certes Saïd Sadi s’énerve-t-il. Mais n’y a-t-il pas, pour le décideur honnête, à tirer de cet énervement, matière à réfléchir et à corriger ses erreurs ? Le geste de Saïd Sadi est, dans la sémiologie de la colère, un manifeste pour un programme de travail clairement défini par les besoins et leur urgence. Le reconnaître, s’engager sincèrement à mettre en œuvre ce programme, c’est en soi, conquérir une première habilitation à diriger les affaires publiques.

Aux yeux de la majorité, en effet, la légitimité se fonde désormais sur la compétence et la sincérité des engagements plutôt que sur des urnes, depuis 30 ans prises sous le soupçon de menteries, ou des applaudissements de rues, exposés à tort ou à raison (mais irrémédiablement) à l’accusation de formatage, encore moins sur des courbettes, dans des hémicycles peuplés d’hommes frappés de torticolis sévère et incapables de dire non avec la tête. Car il est des non efficients, constructifs. Ne pas les faire entendre, c’est trahir sa patrie, sa religion, son peuple, éventuellement son chef. L’acte de Saïd Sadi dit un non constructif, pertinent. Il ajoute à son mérite, celui de s’être exprimé par des voies hautement citoyennes.

Les détracteurs de Saïd Sadi, se prétendent-ils meilleurs Algériens que lui ? Si oui, qu’ils en fassent la preuve par la démonstration. Que le public algérien soit pris pour juge et que leurs dossiers et leurs comptes en banque et leurs diplômes et leurs cursus politiques et professionnels soient ouverts sur la table, en même temps que les siens. Comme algérien, fanatique de la probité et de la compétence, je demande qu’à voir.

Je le répète, je ne suis pas militant du RCD. En vérité, Saïd Sadi agace mes 67 ans par son excès de franchise, la brusquerie de ses propos, la vivacité de son intelligence, des qualités qui vont au moraliste, au fidai convaincu, à l’imam intègre, et non pas au politique. Du moins, la politique de mon époque. Mais moi présent, à l’heure où on lui a lancé des pierres, j’aurais sans hésitation ramené l’emblème national pour éviter que son ombre soit souillée par l’ignominie de l’agression, pour éviter aussi que cette ombre serve d’écran et d’alibi à une violence indigne et gratuite. Si les imprécations procèdent d’un amour sincère de l’Algérie qu’elles soient proférées à l’encontre de ceux qui se drapent la tête et les épaules avec le drapeau algérien et foulent du pied les valeurs qu’il symbolise.

Enfin, en tant que natif de la ville de Chlef, je demande nominalement pardon au RCD et à Saïd Saadi pour les propos irresponsables tenus sur eux, à Radio-Chlef, par l’un de nos comiques locaux. Ce jeune est la victime, comme nombre de jeunes, de l’école fondamentale. On ne peut donc lui tenir rigueur de mal digérer son amertume. Mr Saïd Saadi voudra bien croire que la qualité du discours d’un chélifien est habituellement plus relevée. Par K M. B

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Saïd Sadi a baissé le drapeau algérien, l’a rangé avec respect dans une armoire. Puis il a levé un pan de tissu noir pour exprimer son «deuil de la démocratie». Aussitôt des voix se sont mises à crier. Je ne suis pas militant du RCD, mais je ne comprends vraiment pas en quoi son président a fauté. Nos casernes ramènent les couleurs nationales, à chaque tombée du soir. La nuit, elles les font veiller par des sentinelles. Le lendemain, au lever du jour, elles les relèvent. Saïd Sadi a baissé l’emblème national. S’il ne l’a pas hissé, c’est parce qu’à ses yeux aucune lueur n’annonce l’approche d’un matin neuf dans le ciel de son pays.

 

Il faut être mauvais Algérien pour ne pas, sinon partager, du moins comprendre sa hâte d’une Algérie républicaine. On peut contester le bien-fondé de son pessimisme, discuter de l’imprécision de ses cibles. On peut lui faire reproche de reporter sa déception sur les hommes, et de ne pas tenir compte des facteurs d’inertie qui, dans les pays de vieille tradition dictatoriale, jouent fréquemment à contrario des intentions et des compétences. Mais il faut couver une réelle malhonnêteté d’esprit pour ne pas reconnaitre dans cette impatience, la traduction pure et sincère de son amour pour le pays, pour ses compatriotes, pour la démocratie.

 

Sans doute apprécie-t-il mal la difficulté pour un décideur, d’assainir une justice vérolée depuis 30 ans, de changer le cap d’une école obstinément pointée depuis 15 ans sur l’abrutissement national, de rendre allure d’hôpitaux dignes de ce nom à nos mouroirs publics, de créer des emplois à une jeunesse qu’une impatience analogue à celle qui l’anime pousse à la noyade et dont les cadavres sans yeux sont repêchés quotidiennement sur les cotes européennes. Bien qu’instruit des sciences économiques, sans doute s’énerve-il que les gros investissements mettent du temps à produire des résultats. Certes Saïd Sadi s’énerve-t-il. Mais n’y a-t-il pas, pour le décideur honnête, à tirer de cet énervement, matière à réfléchir et à corriger ses erreurs ? Le geste de Saïd Sadi est, dans la sémiologie de la colère, un manifeste pour un programme de travail clairement défini par les besoins et leur urgence. Le reconnaître, s’engager sincèrement à mettre en œuvre ce programme, c’est en soi, conquérir une première habilitation à diriger les affaires publiques.

 

Aux yeux de la majorité, en effet, la légitimité se fonde désormais sur la compétence et la sincérité des engagements plutôt que sur des urnes, depuis 30 ans prises sous le soupçon de menteries, ou des applaudissements de rues, exposés à tort ou à raison (mais irrémédiablement) à l’accusation de formatage, encore moins sur des courbettes, dans des hémicycles peuplés d’hommes frappés de torticolis sévère et incapables de dire non avec la tête. Car il est des non efficients, constructifs. Ne pas les faire entendre, c’est trahir sa patrie, sa religion, son peuple, éventuellement son chef. L’acte de Saïd Sadi dit un non constructif, pertinent. Il ajoute à son mérite, celui de s’être exprimé par des voies hautement citoyennes.

Les détracteurs de Saïd Sadi, se prétendent-ils meilleurs Algériens que lui ? Si oui, qu’ils en fassent la preuve par la démonstration. Que le public algérien soit pris pour juge et que leurs dossiers et leurs comptes en banque et leurs diplômes et leurs cursus politiques et professionnels soient ouverts sur la table, en même temps que les siens. Comme algérien, fanatique de la probité et de la compétence, je demande qu’à voir.

 

Je le répète, je ne suis pas militant du RCD. En vérité, Saïd Sadi agace mes 67 ans par son excès de franchise, la brusquerie de ses propos, la vivacité de son intelligence, des qualités qui vont au moraliste, au fidai convaincu, à l’imam intègre, et non pas au politique. Du moins, la politique de mon époque. Mais moi présent, à l’heure où on lui a lancé des pierres, j’aurais sans hésitation ramené l’emblème national pour éviter que son ombre soit souillée par l’ignominie de l’agression, pour éviter aussi que cette ombre serve d’écran et d’alibi à une violence indigne et gratuite. Si les imprécations procèdent d’un amour sincère de l’Algérie qu’elles soient proférées à l’encontre de ceux qui se drapent la tête et les épaules avec le drapeau algérien et foulent du pied les valeurs qu’il symbolise.

 

Enfin, en tant que natif de la ville de Chlef, je demande nominalement pardon au RCD et à Saïd Saadi pour les propos irresponsables tenus sur eux, à Radio-Chlef, par l’un de nos comiques locaux. Ce jeune est la victime, comme nombre de jeunes, de l’école fondamentale. On ne peut donc lui tenir rigueur de mal digérer son amertume. Mr Saïd Saadi voudra bien croire que la qualité du discours d’un chélifien est habituellement plus relevée. Par K M. B

 

Merci de m'avoir remonté le moral

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