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Qui instaurera une commission d’enquête sur les crimes ?


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Par,Azmi Bishara

publié le vendredi 4 mai 2007.

 

Si le gouvernement d’Olmert était revenu de la guerre du Liban avec une victoire ou du moins, avec une image victorieuse, une photo d’un haut responsable du Hizbullah, enchaîné à un hélicoptère, il n’y aurait pas de commission Winograd, même si le gouvernement avait commis les mêmes erreurs notées dans le rapport actuel.

 

 

Olmert, expert en climat médiatique et en psychologie politique israélienne, plus que dans la direction d’un gouvernement et d’une guerre, sait cela, et c’est pourquoi il a essayé, par tous les moyens, à la fin des opérations militaires, d’envoyer des commandos pour arracher une victoire, même illusoire ou infime, mais il a échoué. Il a échoué à la guerre et même à arracher une photographie d’une victoire illusoire.

 

C’est pourquoi nous disons que la défaite est la mère des commissions d’enquête, et non pas les erreurs, ni la recherche sur ce qui aurait été possible, comme le prétendent et font les commissions connues. S’il y avait eu une victoire due à la défaite de l’adversaire, ou à cause d’une trahison ou autre, ou si la résistance avait échoué ou bien son échec avait entraîné un succès israélien, quelle que soit l’ampleur des erreurs israéliennes commises, il n’y aurait pas eu de commission d’enquête car ce ne sont pas les erreurs qu’elle recherche, à postériori, mais c’est plutôt la victoire de la résistance et sa capacité à diriger la bataille qui a conduit à mettre en place une commission d’enquête. La presse israélienne grouille de journalistes et de chroniqueurs, et de personnalités publiques qui réclament la démission d’Olmert. Ce sont les mêmes, qui sont traduits par la presse arabe sans aucune lecture critique ou même aucune mémoire critique, qui avaient incité et poussé Olmert à déclencher la guerre après la capture des deux soldats israéliens, que nous devons appeler incident frontalier.

 

L’opération fut déclenchée à cause du refus d’Israël de libérer les prisonniers libanais, alors qu’il l’avait fait auparavant. L’opération de capture de deux soldats a entraîné la guerre, dont la date a été avancée sans avoir été préparé et sans étude des scénarios possibles, et sans savoir l’arrêter, selon le langage de Winograd. Comment cela s’est-il passé ? En exposant un gouvernement faible et contraint à paraître fort, par la pression, les battements de tambour et les encouragements par les mêmes politiciens et les hommes des médias qui demandent aujourd’hui de tirer les leçons, et pour n’avoir pas hésité à lier la guerre aux buts stratégiques américains dans la région et au Liban.

 

Ceux-là ne pardonnent ni à Olmert ni à son chef d’armée car il ne leur a pas apporté la victoire qu’ils ont promise à leurs lecteurs. Ils ne pardonneront pas à la direction de l’armée ce scandale d’une armée sur laquelle ils avaient bâti tout leur gonflement national. Les mêmes qui se moquent aujourd’hui de son discours guerrier devant le parlement, ce qui le met, lui aussi, en difficulté, avaient décrit ce discours comme "le discours du chef". La commission Winograd et ses résultats, mais aussi la propagande médiatique autour des résultats, ne sont pas des indicateurs d’un quelconque démocratie, ni la présence d’un questionnement n’est un élément de démocratie, mais tout indique plutôt que la société des réalisations, de l’arrivisme politique et non politique est une société d’opportunistes, composée de personnes de bas niveau, qui punissent pour n’être pas parvenus et non sur la manière de parvenir. La personne n’est pas jugée ou questionnée sur l’erreur mais sur l’échec. Il est normal que les régimes non démocratiques soient jugés généralement sur leur échec, car c’est cela qui met les masses en mouvement, qui mène à des coups d’Etat et aux tentatives de réformes ou même aux démissions.

 

Donc, réclamer des comptes à cause de l’échec n’est pas une distinction des régimes démocratiques. Le changement au Portugal a, par exemple, commencé par un coup d’Etat après une défaite militaire dans sa guerre coloniale en Afrique, et cette défaite a mis en cause la légitimité du système en cours. En Grèce, l’équipe militaire a dû organiser des élections après sa défaite face à la Turquie, et en Argentine, après sa défaite face à la Grande-Bretagne lors de guerre des Falkland. L’échec est en soi une demande de compte, lorsque l’adversaire politique veut poursuivre la vie, il l’achève et la poursuit en une demande de compte consciente pour en tirer les conséquences.

 

Le gouvernement d’Olmert n’a pas réussi à poser les objectifs, il a échoué dans la direction de la guerre et pour n’avoir pas remporté une victoire. Pour cet échec, il est actuellement jugé par les mêmes qui l’ont poussé à la guerre. Nous n’avons pas entendu parlé d’un journaliste qui s’est demandé des comptes à lui-même en arrêtant d’écrire, car il avait incité à la guerre ou avait réclamé que Bint Jbeil soit rasée au sol, ou parce qu’il avait proposé des plans militaires pour la victoire alors qu’il est assis dans sa maison. Mais le même genre de journalistes pose actuellement des scénarios sur l’évolution après Olmert, et souhaite que nous les prenions au sérieux et que nous les croyions et en soyons préoccupés.

 

Ce qui a poussé à l’enquête, c’est d’abord l’échec, ou pour être plus précis, le fait que la résistance a empêché Israël de réaliser une victoire, même illusoire.

 

Ensuite, c’est l’arrogance et le racisme. Comment parlons-nous d’arrogance alors que l’enquête fait croire à une transparence et une modestie, puis que vient faire le racisme là-dedans ? Pour une raison donnée, la société israélienne a cru que l’exemple des guerres est celle de 67. Et que toute guerre qui ne réalise pas la victoire en six heures nécessite une commission d’enquête et des quantités de déceptions et d’amertumes. Et pour une raison donné, Israël fut convaincu que les Arabes combattent toujours comme en 1967, bien que cette guerre ne s’est déroulée qu’une seule fois et qu’elle ne fut pas répétée, ni dans la bataille d’al-Karame qui l’a suivie trois mois après, ni dans la guerre d’octobre 1973, ni lors de la résistance contre le siège de Beirut en 1982 ni lors de la résistance libanaise, ni lors de l’Intifada.

 

La guerre de 67 ne s’est déroulée qu’une seule fois, mais elle continue à paralyser la conscience arabe face à la menace d’une agression israélienne. Cette conscience arabe doute de sa possibilité à résister et à réaliser des acquis. Quant à Israël, cette guerre a des effets négatifs car les Israéliens croient que leur qualité fondamentale et le trait principal de leur différence avec les Arabes est qu’ils peuvent réaliser des victoires faciles, où aucun soldat ne tombe, parce que les Arabes seraient incapables de faire payer un prix à l’agresseur. Si nous observons la stupéfaction des Israéliens à cause d’une centaine à peine de soldats tombés dans la guerre, face à la destruction du Liban et la mort de milliers de civils libanais, dont un nombre impressionnant et inquiétant d’enfants, nous réalisons le racisme des présupposés qui font agir la commission d’enquête.

 

La commission d’enquête n’a pas eu du tout l’idée de juger le crime de tuer, sans aucune clémence, les enfants, par des bombardements aériens, ni la destruction systématique et barbare du tiers du Liban. La commission qui regroupe des experts en droit et des historiens, de courants israéliens dont les méthodes et les visions sont anciennes, font penser aux cadres du parti Mapaï, a jugé le manque d’expérience, le manque d’attention, le manque de patience, l’arrogance, l’individualisme dans les prises de décisions, dans la fixation des objectifs et la vitesse des prises de décision. Mais le prix payé par les Libanais, à cause de cela, non seulement c’est hors du champ de la raison et du discours de la commission d’enquête, mais si encore plus d’enfants avaient été tués, si encore plus de villages avaient été détruits dans une guerre dont les objectifs auraient été étudiés, et qu’une partie de ces objectifs avait été réalisée, il n’y aurait pas eu de commission d’enquête.

 

Il ne fait aucun doute que la résistance libanaise a donné une leçon pour remédier au découragement arabe face à l’arrogance israélienne, mais le racisme israélien a encore besoin d’être traité. Il ne sera pas traité tant que les Arabes ne réalisent pas ce que signifie de réclamer le jugement des criminels, les suspectés et accusés d’avoir commis des crimes de guerre en Palestine, au Liban, en Egypte et en Syrie. Le comportement avec la question des prisonniers égyptiens suscite des milliers de questions sur les valeurs humaines, ce qui est en relation aussi avec les enquêtes sur les catastrophes et les incidents intérieurs, dont sont les victimes des citoyens innocents. Ces images des enfants retirés des décombres après chaque bombardement israélien d’un village du sud ou de la banlieue et de la Békaa, as-tu oublié ? Qui peut oublier les bombardements de ces colonnes de civils fuyant lerurs villages bombardés et devenus l’enfer ?

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La suite

 

En réalité, je suis étonné par cet intérêt arabe aux enquêtes et aux détails de la commission Winograd. Je peux comprendre l’intérêt du Hizbullah qui attend une reconnaissance officielle israélienne de la défaite, face à une mise en doute arabe permanente chez certains qui croient que non seulement Israël a gagné au Liban, mais que les Etats-Unis ont gagné en Irak. Je peux comprendre son intérêt pour les leçons militaires qu’il veut tirer du rapport israélien. Mais l’indifférence à ces accusations réciproques entre Israéliens doit être l’attitude politique arabe. Les politiciens se massent comme des loups autour du cadavre politique d’Olmert espérant arracher un siège parlementaire dans les prochaines élections ou ministériel dans le gouvernement actuel, ou pour fuir une responsabilité et réduire les dommages qui les poursuivront. Pourquoi les Arabes doivent-ils se préoccuper de ces détails du carnaval de l’opportunisme politique et des scénarios des médias israéliens après Olmert ? En résumé, si Olmert s’accroche à son siège, il poursuivra sa paralysie politique, et s’il démissionne, il y aura un autre du parti Kadima, pour une étape intermédiaire, où aucune décision importante ne sera prise, et dans tous les cas, il y aura des élections anticipées.

 

On dira aux Arabes de regarder vers les conséquences, ou bien certains amis américains les convaincront de miser sur un candidat au lieu d’un autre... Cela n’a pas changé depuis que les Arabes ont décidé de s’occuper des affaires internes d’Israël sans se préoccuper sur la manière de peser sur cette situation, au lieu de s’y intégrer, devenant des analystes sans aucune vision stratégique, d’aucune sorte.

 

Nous devons indiquer à l’opinion arabe la nécessité de juger les criminels car les victimes ont été cachées derrière un rideau fait de questions superficielles et ennuyeuses. Le tableau en cours est celui entre Winograd, Olmert, son ministre des affaires étrangères, et le président de sa coalition Shimon Pérès, l’éternel, qui attend de paraître, au bout de tout cela, comme un chef de gouvernement, même pour deux mois, sans qu’il ne profère aucun mot, attendant dans la tension et le silence, de peur d’ouvrir la bouche et de faire tomber le morceau, qui se trouve aux bords des lèvres, comme il est tombé à chaque fois.

 

Que nous importe tout cela tant qu’Israël ne jugera pas des criminels dont les mains sont tâchées de sang ? Les victimes ont été mises derrière le rideau politique, afin de laisser la scène pour une nouvelle pièce de théâtre vaine, où les Arabes sont les spectateurs paresseux. Et le problème, c’est qu’ils n’en tirent même pas les conséquences, même pas pour une initiative de paix qu’ils ont voulu faire revivre lorsque Olmert commençait à décliner.

 

Les médias et la politique arabes doivent refuser de considérer ce jeu central, et que les titres principaux soient occupés par Israël. Au niveau arabe, la question qui doit être posée est celle du sort des responsables des massacres commis au Liban et en Palestine cet été. Ne pas poser ces questions ou les ignorer confirme le racisme israélien qui s’étonne lorsqu’un Israélien tombe face à des milliers d’Arabes, ou lorsqu’un soldat israélien est capturé avec que des milliers d’Arabes sont kidnappés dans les prisons.

 

Pourquoi ne pas nous préoccuper par le jugement d’un intellectuel arabe de l’intérieur pour avoir discuté avec des Libanais, pour un article ou une attitude de principe, une idée démocratique ou son appartenance arabe, et que ce sont les mêmes criminels qui le jugent, alors que la gauche et la droite, la même presse et les mêmes journalistes, comme au début de la guerre contre le Liban, sont unis contre lui. Nous pouvons aussi nous demander pourquoi ils ne permettent pas à ce même intellectuel arabe de les juger, au lieu qu’il le soit lui-même, non pour un entretien, un article, une idée, un programme, même raciste, mais pour avoir tué des milliers de gens.

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