Olmert, défait par la milice qu’il prétendait anéantir

[Clouseau 899]

Par,Robert Fisk

 

Oui, le Hezbollah a provoqué la folie de l’été dernier... mais la réaction d’Israël - totalement disproportionnée avec le crime - a entraîné une nouvelle débâcle de l’armée israélienne et, vraisemblablement, du Premier ministre, Ehud Olmert.

 

Ainsi, on y est arrivé. Tous ces corps, toutes ces photos d’enfants morts - plus de 1 400 cadavres (sans compter les quelque 230 combattants du Hezbollah et les soldats israéliens tués) - devront être commémorer avec la démission possible d’un Premier ministre israélien qui, comme beaucoup d’Israéliens le soupçonnent, avait peu de connaissance et se souciait peu de la guerre. Oui, le Hezbollah a provoqué la folie de l’été dernier en capturant deux soldats israéliens sur la frontière israélo-libanaise, mais la réaction d’Israël - totalement disproportionnée avec le crime - a entraîné une nouvelle débâcle de l’armée israélienne et, vraisemblablement, du Premier ministre, Ehud Olmert.

 

En revenant à cette guerre effroyable, vaine, avec ses ambitions grotesques d’« anéantir » la milice soutenue par l’Iran, il apparaît incroyable que Mr Olmert n’ait pas réalisé au bout de quelques jours que ses volontés grandioses avaient sombré. Exiger que les deux soldats capturés soient libérés et que le gouvernement libanais, impuissant militairement, soit tenu responsable de leur capture ne pouvaient en aucun cas donner de bons résultats, militaires ou politiques, à Israël. Il faut ajouter que l’appel de Tzipi Livni à la démission du Premier ministre tombe bizarrement vu son propre soutien à cette guerre ridicule.

 

Une lecture attentive du rapport intermédiaire du juge Eliahou Winograd sur la guerre de l’été dernier - que Mr Olmert lui-même a appelé la « Seconde guerre du Liban » un mois plus tard - montre clairement que c’est l’armée israélienne qui a assuré la campagne militaire, stratégique et politique. A plusieurs reprises dans le rapport Winograd il est indiqué sans ambiguïté que Mr Olmert et son ministre de la Défense ont échoué à débattre « d’une manière compétente » (selon les termes accablants de la commission) des plans de l’armée israélienne.

 

Jour après jour, pendant les 34 jours qui ont suivi le 12 juillet, l’aviation israélienne a méthodiquement pilonné les infrastructures essentielles du Liban, prétendant à moult reprises qu’elle essayait d’éviter de faire des victimes parmi les civils alors que la presse du monde entier pouvait observer ses avions mitrailler les hommes, les femmes et les enfants du Liban. Des Israéliens aussi ont été tués sauvagement dans cette guerre par les missiles du Hezbollah livrés par les Iraniens. Mais cela n’a servi qu’à prouver que l’armée israélienne, fameuse dans la légende et dans la chanson mais pas dans la réalité, n’était pas capable de protéger sa propre population. Les combattants du Hezbollah avaient déclaré à leurs chefs que s’ils résistaient aux attaques aériennes, ils pourraient affronter les forces terrestres israéliennes quand elles envahiraient le pays.

 

Et des affrontements, il y en a eu. Dans les dernières vingt-quatre heures de la guerre, 30 soldats israéliens ont été tués par les combattants du Hezbollah et leur offensive terrestre, si claironnée par Mr Olmert, s’en est terminée là. Pendant le conflit, un missile du Hezbollah a pratiquement coulé une corvette israélienne - elle a brûlé pendant 24 heures et a été remorquée sur Haïfa avant qu’elle ne coule au fond -, un autre a touché le centre de contrôle top secret de la navigation aérienne militaire, à Miron. Les soldats capturés à la frontière ne sont jamais revenus - des photos les montrant toujours en vie sont exhibées sur la frontière, face aux troupes israéliennes encore aujourd’hui - et le Hezbollah, loin d’être anéanti, est puissant comme jamais.

 

Au point que l’un des derniers cabinets « favorable » à Washington, au Moyen-Orient se trouve menacé par la milice même que Mr Olmert prétendait anéantir.