Sekkoura 10 Posted May 25, 2009 Partager Posted May 25, 2009 Il y a quelque chose de paradoxal – plusieurs paradoxes même, en fait –, et c’est un euphémisme, dans la célébration du centenaire de la naissance (en 1908 à Béni-Isguen, Ghardaïa), de Moufdi Zakaria, le père de Qassamen, qui se tenait vendredi à la Bibliothèque nationale François- Mitterrand, à Paris. Le paradoxe ne vient pas de ce qu’un poète de son envergure soit célébré dans une institution qui s’est donné pour mission de conserver et de promouvoir tout ce qui enrichit la culture des hommes. Moufdi Zakaria, patriote ombrageux et poète au souffle homérien, était «un grand artiste des mots qui a bousculé l’histoire» : c’est ainsi que le décrit Bruno Racine, écrivain, et, en tant que président de la Bibliothèque nationale de France, hôte de la manifestation. Le paradoxe ne naît pas non plus du fait que ce nationaliste radical ayant milité à l’ENA puis au PPA, au FLN enfin, toujours dans le courant le plus indépendantiste, qui a fustigé à raison la France coloniale de toute sa verve, en vienne à être commémoré, à son corps défendant, dans le cœur battant de la culture française. Après tout, cela est derrière nous, et il faut regarder devant, et dans la paix. Le paradoxe, c’est que la Fondation Moufdi Zakaria, présidée par Slimane Cheikh, son fils, ait été comme obligée de se rabattre, avec l’appui de l’association France- Algérie, dirigée par Pierre Joxe, sur la Bibliothèque de France. Pressenti, le Centre culturel algérien à Paris a laissé sans réponse depuis mars 2008 une demande de mise à disposition des locaux pour cet événement. Sollicité à son tour, et pour rester dans le monde arabe, l’Institut du monde arabe à Paris répond, lui. Mais c’est pour demander des frais de location exorbitants. Ça n’empêchera pas le directeur de cette institution de venir à la BN «clamer et déclamer» un magnifique poème à la gloire de Moufdi Zakaria. L’autre paradoxe est que, dans l’assistance, on comptait la présence de l’ambassadeur de France en Algérie, dont le siège est à Alger, et pas celle de l’ambassadeur d’Algérie en France, dont le siège est à Paris. On nous explique que ce dernier a dû se rendre en urgence à Alger pour cause de réunion. L’explication n’a pas empêché le scepticisme dans la salle. Un message de soutien aurait dû y suppléer et effacer l’impression, fondée sur tous ces éléments d’hésitation, que l’apport de l’Algérie officielle à la célébration du centenaire de son plus grand poète en langue arabe manquait notablement de chaleur. Néanmois, il y avait de quoi faire et, après tout, dans l'hommage à un poète, fût-il Moufdi Zakaria, il n’est pas que l’aspect protocolaire. Il y a aussi, et surtout, la fête des mots, qu’il disait avec ses tripes et son intelligence, et l’hommage à celui qui était à la guerre d’indépendance ce qu’Homère était à la guerre de Troie et qui a fini, dans les années 1970, par renforcer ce lien intertextuel avec le poète grec antique en écrivant une «Iliade algérienne » aux accents puissants.Cette comparaison, qui n’est pas raison bien sûr, est une des préoccupations de Waciny Laâredj. Il aborde la question lors de la table ronde malheureusement brève. Moufdi Zakaria n’est pas Homère et la Grèce antique n’est pas l’Algérie, qui excelle dans l’art de marginaliser – de proscrire – ses vrais héros. Après avoir connu à cinq reprises les geôles coloniales entre 1937 et 1962, ce qui a totalisé sept ans de prison, à l’indépendance, il prend le chemin de l’exil « dû à son refus d’allégeance aux maîtres du moment», comme noté dans une courte biographie distribuée par la fondation qui porte son nom. Cet homme était attaché à l’Algérie par toutes les fibres de son art. Il meurt à Tunis en 1977. Citer Link to post Share on other sites
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