CE MONDE QUI BOUGE,France, réflexions sur un scrutin

[Clouseau 899]

Par Hassane Zerrouky,Le Soir D'Algerie

 

Question : pourquoi l’élection présidentielle française n’a-t-elle pas laissé les Algériens indifférents ? Peut-être en raison du rapport particulier entre l’Algérie et la France. En 45 ans, les relations algéro-françaises ont été marquées davantage par la suspicion que par une réelle amitié fondée sur un vrai devoir de mémoire et, partant, des rapports équitables débarrassés de toutes visées néo-colonialistes.

D’aucuns ont cru qu’avec l’arrivée d’une nouvelle génération aux affaires en France, la page du passé serait tournée. Il se trouve que Nicolas Sarkozy, qui n’a pas connu la guerre d’Algérie, aurait pu être celui qui tournerait définitivement cette page. Or, bien que jeune, il véhicule de vieux clichés néocolonialistes, une pensée appartenant à une époque que l’on pensait révolue. Se faire le défenseur en 2007 d’une idéologie rétrograde — le fait colonial — datant du XIXe siècle est inqualifiable. En Grande-Bretagne, autre puissance coloniale, on n’a jamais entendu Tony Blair se faire l’apôtre de la colonisation britannique. Car le chef du gouvernement britannique, comme ses prédécesseurs, s’est d’emblée projeté vers l’avenir. En France, décidément, ce ne semble pas être le cas. Autre raison de l’intérêt des Algériens pour cette élection française : son caractère démocratique. Certes, les amis de Sarkozy ont squatté les grands médias. Mais, il n’en reste pas moins que cette élection a donné à voir de vrais débats d’idées, une confrontation publique de projets de société, sans censure. Dans la plus pure tradition démocratique française. Je crois que c’est cet aspect-là qui a suscité l’intérêt des Algériens. Car en comparaison, en Algérie, il n’existe pas de réels débats contradictoires publics. Il n’existe pas de réelles confrontations entre le gouvernement sortant et les démocrates autour de projets de société contradictoires. Il ne suffit donc pas que la télé algérienne donne la parole, une fois tous les cinq ans, aux différents partis en lice pour affirmer que les législatives du 17 mai seront démocratiques. En effet, chaque jour voit des représentants de partis décliner sur un ton monocorde leurs programmes. Sont-ils entendus par ceux qui regardent l’ENTV ? Et combien sont-ils, ceux qui font l’effort de les écouter ? Certes, on pourra mettre le manque d’enthousiasme des Algériens pour ces législatives sur le compte de l’absence de tradition démocratique. Et comparativement à l’époque du parti unique, on ne manquera pas d’observer qu’il s’agit là d’un progrès considérable. Sans doute, mais tout est relatif. En comparaison avec d’autres pays ayant aussi connu le parti unique — je pense aux ex-pays socialistes d’Europe — l’Algérie accuse un retard démocratique considérable. Ainsi, en Tchéquie, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie, et même en Roumanie, l’alternative démocratique au pouvoir a été respectée par tous les postulants en lice. C’est un fait acquis. Les débats autour des différents projets sont vifs parce que la parole est libre et, surtout, parce qu’il existe une réelle liberté d’association et de la presse. Dans ces pays dont l’âge démocratique est quasiment identique à celui de l’Algérie — une quinzaine d’années — , le pluralisme politique est une réalité ancrée dans la vie. Si, donc, l’alternative a été rendue possible dans ces pays, et au-delà en Amérique latine, il est permis de penser que cela peut l’être également en Algérie. Les Algériens, qui s’intéressent à ce qui se passe dans le monde, sont capables de s’investir dans le débat démocratique. A la condition que certains cessent de s’accrocher à un système politique qui a montré depuis fort longtemps ses limites, et que les tenants du pouvoir aient le courage politique de se remettre en cause en acceptant ces règles immuables que sont les libertés, toutes les libertés. A la condition également que des verrous constitutionnels soient mis en place afin de garantir une réelle alternance et la pérennité du système pluraliste démocratique.

 

H. Z