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Ce n’est pas seulement Dieu qui jugera Blair pour l’Irak


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Avi Shlaim,Lundi 14 mai 2007 - The Guardian

 

Son ignoble politique de soutien aux Etats-Unis en ce qui concerne le Moyen-Orient est passée à côté du véritable ordre du jour de Bush et a débouché sur un échec catastrophique.

 

"Blair a publiquement entériné le funeste pacte Sharon-Bush. C’était l’acte de félonie britannique le plus cynique à l’égard des Palestiniens depuis la Déclaration Balfour en 1917..."

 

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L’opposition de Tony Blair à un cessez-le-feu immédiat lors de la guerre du Liban l’été dernier, a précipité sa chute. Maintenant qu’il a annoncé la date de son départ de Downing Street, l’ensemble de son dossier relatif au Moyen-Orient doit être passé à la loupe sans concessions.

 

Blair est arrivé à son poste sans avoir d’expérience, et probablement sans avoir un intérêt pour les affaires étrangères, et finit par entraîner cinq fois ce pays dans la guerre. Blair prétend que sa politique étrangère a été inspirée par la doctrine de l’interventionnisme libéral. Mais la guerre en Irak est l’antithèse de l’intervention libérale. C’est une guerre illégale, immorale et inutile, une guerre déclenchée sous prétexte d’un document [qui s’est avéré] être un faux et sans l’aval des Nations-Unies.

 

Le bilan de Blair au Moyen-Orient est celui d’un échec catastrophique. Il avait pour habitude d’évoquer la Grande-Bretagne comme étant un pont entre les deux rives de l’Atlantique. En prenant le parti de l’Amérique contre l’Europe dans la question de l’Irak, il a cependant contribué à détruire ce pont. Entretenir un rapport privilégié avec l’Amérique était le tout pour le tout de la politique étrangère de Blair. Il a probablement soutenu l’administration Bush au sujet de l’Irak dans l’espoir d’influer sur sa politique. Pourtant aucun indice ne montre qu’il ait eu quelque influence sur une question politique d’importance. Son alignement sur l’agenda néoconservateur à propos de l’Irak était non critique et inconditionnel.

 

Blair n’a pu comprendre que la relation vraiment privilégiée, c’est à Israël et non à la Grande-Bretagne que l’Amérique la réserve. Chaque fois que George Bush a dû choisir entre Blair et Ariel Sharon, il a choisi ce dernier. Le rapport spécial de Blair avec Bush fonctionnait à sens unique : Blair a fait toutes les concessions et n’a rien obtenu de tangible en retour.

 

La politique américaine à l’égard du Moyen-Orient était condamnée à l’échec dès le départ, et le résultat final en est que l’on fait endosser à la Grande-Bretagne une part de responsabilité dans cet échec. La politique américaine postulait qu’au Moyen-Orient l’Irak constituait le problème majeur et qu’un changement de régime à Baghdad affaiblirait les Palestiniens et les forcerait à accepter un règlement selon les conditions d’Israël. On avançait l’argument que la route de Jérusalem passait par Baghdad. Mais le postulat initial était un trompe-l’œil. L’Irak c’était le faux problème ; il n’était une menace pour aucun de ses voisins, et certainement pas pour l’Amérique ou la Grande-Bretagne. Le vrai problème était l’occupation des territoires palestiniens par Israël, le soutien accordé par l’Amérique à Israël dans sa féroce guerre coloniale contre les palestiniens.

 

Au moment où il sollicitait l’approbation de la Chambre des Communes pour la guerre, Blair s’était engagé, dès que l’Irak aurait été désarmé, à s’efforcer avec ses amis américains, de trouver une solution à la question de Palestine. Mais il a définitivement manqué à sa promesse.

 

Il est vrai que Blair était la force motrice derrière la « feuille de route » qui envisageait la création d’un Etat palestinien indépendant aux côtés d’Israël pour la fin de l’année 2005. Mais Sharon a anéanti la feuille de route. En échange du retrait unilatéral de Gaza, Sharon a exigé des américains un accord écrit autorisant Israël à conserver ses principaux blocs de colonies en Cisjordanie. Blair a publiquement entériné le funeste pacte Sharon-Bush. C’était l’acte de félonie britannique le plus cynique à l’égard des Palestiniens depuis la Déclaration Balfour en 1917.

 

Blair et Bush ont également trahi le peuple irakien. Pour commencer, il y a eu toute une vaillante réthorique sur l’apport de la démocratie en Irak et la transformation du pays en un modèle pour le reste du monde arabe. Mais cette rhétorique était creuse. Les néoconservateurs dirigeant la politique américaine n’étaient concernés que par le renversement de Saddam Hussein et par rien d’autre.

 

L’invasion de l’Irak par les alliés n’était pas un épisode isolé mais s’inscrivait dans la prétendue guerre globale contre la terreur. Toutefois, le renversement du régime du Baath en Irak n’a fait qu’aggraver le problème du terrorisme. L’invasion de l’Irak a donné une puissante impulsion à la Qaeda et à ses associés en sapant la réputation de la Grande- Bretagne et en radicalisant ses jeunes musulmans. Les bombes de Londres peuvent ne pas avoir été une conséquence directe de la guerre en Irak - mais elles en sont indiscutablement, pour une part, le contrecoup.

 

Ce qui prévaut en Irak aujourd’hui, c’est l’instabilité chronique, une guerre civile naissante, une violence et une anarchie endémiques, une croissance d’activité terroriste de toute sorte, et une résistance nationale active à laquelle les alliés n’ont aucune réponse. Les néocons n’ont pas pris la peine de planifier la reconstruction pour l’après-guerre. A l’occupation se sont ajoutées la dévastation et la destruction massives, à une échelle gigantesque, et une mortalité civile, tribut de la guerre, estimée selon une source à 655 000 personnes.

 

Les alliés se vantent d’avoir apporté la démocratie au peuple irakien, mais ils ont failli au devoir premier de n’importe quel gouvernement qui est de garantir la sécurité de la population civile. En conséquence, dans la « guerre contre la terreur », l’Amérique et son passager du strapontin sont maintenant pris dans l’imbroglio d’un conflit pervers, interminable, impossible à remporter.

 

Blair a l’audace de dire que Dieu sera son juge pour la guerre de l’Irak. Curieuse attitude pour un politicien démocrate. L’Histoire portera sûrement un jugement sévère sur Blair dont le registre en ce qui concerne le Moyen-Orient est le pire en comparaison de celui de tous les premiers ministres britanniques du siècle dernier, infiniment pire que celui d’Anthony Eden lequel a au moins eu la décence d’accepter sa responsabilité dans la débâcle de Suez.

 

Avi Shlaim enseigne les relations internationales au Collège Saint Anthony, Oxford. Il est l’auteur de l’ouvrage The Iron Wall : Israel and the Arab World (Le mur de fer : Israël et le monde arabe).

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