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Qui viendra à notre secours, qui ?


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- Toi qui es mon fils, tu me diras la vérité. Car à ma question répétée, je n'ai pu obtenir nulle réponse. Que s'est-il passé au pays ? Pourquoi les oiseaux ont-ils disparu ? Pourquoi construit-on des ponts sur des rivières mortes ? Pourquoi les paysans se laissent-ils lentement transformer en statues de pierre ? Pourquoi les morts refusent-ils de témoigner ?

 

- Qui te dit que je suis ton fils ? - Tes yeux.

 

- Tu divagues, l'homme. Tous les désespérés ont mes yeux. Je ne te reconnais pas. Tu n'es pas mon père. Je n'ai pas de père. Mon père est mort il y a bien longtemps. Nous sommes ainsi des milliers à traîner dans les rues, orphelins sans passé et sans mémoire, confrontés au plus total désarroi.

 

- Toute l'injustice du monde! En un instant tout est consommé. Les hommes abasourdis lèvent les yeux vers le ciel, resté immuable. La foudre est venue d'ailleurs. Déflagration diurne. As-tu déjà vu la terre s'entrouvrir ? Comme une grenade trop mûre ? Qui montre ses entrailles. Toute puissance de la matière minérale dans sa fausse apparence d'inertie. Quelles sombres forces ont provoqué ces soubresauts ? Les bêtes rompent leur attache et s'enfuient. Les oiseaux s'envolent et disparaissent. Ils ne reviendront plus. Les montagnes s'ébrouent. Des rocs immenses dégringolent vers les ravins. Une fraction de seconde pour transformer un relief familier : la croûte se boursoufle, d'anciennes sources tarissent, jaillissent de nouvelles sources, en pleine montagne, qui projettent d'un jet furieux leur eau fumante vers le ciel, le fleuve, détourné de son lit initial, s'égare parmi de nouveaux vallonnements. Il a perdu la direction de la mer. Où ira-t-il ?

 

« La terre devenue légère sous les pieds, comme une feuille morte, toute pesanteur anéantie. Un immense nuage de poussière recouvre la ville. Le ciel disparaît. Un géant invisible s'amuse à désarticuler une maquette. La voie ferrée tordue. Le train, ventre en l'air, bousculé d'une chiquenaude. Le béton se déchire comme du carton entre les mains d'un enfant capricieux. Grilles fantastiques de la ferraille dénudée dessinant le ciel. Décombres. Cris des moribonds ensevelis. Le soleil boit le sang. Putréfaction de la chair. Qui viendra à notre secours, qui ?

 

 

Rachid MIMOUNI

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Rachid MIMOUNI

(né à Boudouaou, près d'Alger en 1945, mort à Paris en 1995.) Écrivain algérien d'expression française. *Dans ses romans (le Fleuve détourné, 1982 ; Une peine à vivre, 1991), ses pamphlets (De la barbarie en général et de l'intégrisme en particulier, 1992) et ses Chroniques de Tanger (1995), il lie intimement son écriture à l'histoire de l'Algérie contemporaine.

 

ya pas de qoui les amis

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