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Il faut fermer le FMI et la Banque mondiale


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Mme Barry Aminata Touré.

Présidente de la Coalition des alternatives africaines dette et développement (CAD-Mali)

 

 

« Il faut fermer la Banque mondiale et le FMI »

 

 

Mme Barry Aminata Touré est une figure emblématique des mouvements sociaux malien et africain. A ce titre, elle est l’une des initiatrices du Forum des peuples, dont la 6e édition vient de se tenir à Sikasso, au sud du Mali, du 4 au 7 juin. Dans cet entretien, elle revient sur les enjeux de ce forum et ses lignes de force : l’annulation de la dette du Tiers-Monde et la création d’une banque du Sud.

 

Pour commencer,

le Forum des peuples, qu’est-ce que c’est exactement ?

 

 

Le Forum des peuples est un espace d’expression citoyenne créé par la Coalition des alternatives africaines dette et développement, et aujourd’hui, le mouvement social malien, le mouvement social mondial s’en est approprié comme le montre la diversité des participants. Au sein de ce forum, nous essayons de discuter des problèmes que nous vivons et de les mettre en rapport avec les politiques qui sont menées dans notre pays. Les participants ont demandé la fermeture de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et que les plans d’ajustement structurels soient arrêtés. Il faut dire que ces plans n’ont pas servi. Ils ont changé de nom et nous voyons aujourd’hui que non seulement nos pays ne sont pas riches mais, le pire, c’est qu’ils sont de plus en plus pauvres. Et comme la Banque mondiale et le FMI ne sont pas nécessaires, il faut juste les fermer.

 

Ce forum a coïncidé avec la tenue du G8.

Ce timing n’est certainement pas fortuit...

 

En effet. Nous agissons sur le G8 parce que le G8 représente les huit pays les plus riches du monde et ce sont eux qui ont le veto au niveau de la Banque mondiale. Nous pensons que le G8 ne doit pas décider comme bon lui semble. Il faut qu’il laisse le temps à nos gouvernements d’échanger, avec les communautés pour lesquelles les décisions seront prises, de voir les priorités et de les mettre dans un programme de développement. A ce moment-là seulement, ils pourront le financer. Encore faut-il s’entendre sur un consensus sur la question de savoir comment payer cette dette, à quel taux d’intérêt. Il ne faut pas que cette dette augmente, se fructifie et devienne un fardeau pour nos pays. Nos pays sont endettés depuis l’indépendance et jusqu’à présent, on continue à rembourser mais la dette est encore là. La dernière initiative en date qui est l’initiative du G8, approuvée par la Banque mondiale où 18 pays, dont le Mali, devraient bénéficier d’un allégement de la dette multilatérale, n’aura pas d’effet avant 40 ans ou plus.

 

A combien s’élève la dette extérieure du Mali ?

 

La dette malienne aujourd’hui est de 1000 milliards de FCFA.

Chaque année, le gouvernement malien rembourse environ 70 milliards de FCFA.

Et donc, il n’y a plus de possibilité de financer tout ce qui est social : l’éducation, la santé, l’eau potable, les services d’assainissement...

A Bamako, nous vivons la galère dans l’accès à l’eau potable. Nous vivons des problèmes environnementaux. Toute la ville est sale. Nous avons des problèmes de santé publique. La population s’organise en associations de santé communautaire pour prendre sa santé en main. Et tout cela, sans revenus, on ne peut pas le faire. Un pays où le développement humain n’est pas pris en considération ne peut pas avoir de développement durable.

 

George Bush a annoncé, la veille du sommet du G8, une nouvelle initiative d’aide aux pays pauvres. Quel crédit accordez-vous à ces promesses ? Pensez-vous que le G8 soit crédible ?

 

Non, le G8 n’est pas crédible ! Cela fait longtemps qu’il fait des propositions au niveau du Club de Paris. La Banque mondiale peut bien peser de tout son poids pour dire tout simplement : « Annulez la dette. » Nous ne croyons pas à ce que dit Bush. Nous ne croyons pas à ce que l’ensemble des pays du G8 disent. Nous disons qu’aujourd’hui le G8 n’a plus de nécessité. Il ne doit plus parler des problèmes de développement en Afrique. Le G8 ne doit pas parler à la place de nos présidents. Ces pays qui nous dictent les règles de bonne gouvernance ont tout à apprendre de nous. Nous avons participé à développer l’Europe et l’Amérique avec notre force physique et nos ressources naturelles. Alors, aujourd’hui, ce sont eux qui nous doivent quelque chose, nous ne devons rien !

 

Vous avez fait un plaidoyer pour un retrait pur et simple des pays du Tiers-Monde de la Banque mondiale et créer, en contrepartie, une banque du Sud. Concrètement, comment imaginez-vous cette banque ?

 

La banque du Sud est une idée lancée par les mouvements sociaux et dont les pays de l’Amérique latine se sont emparés. C’est notre lutte depuis 1990 pour dire que la Banque mondiale et le FMI ne sont pas des instruments de développement en faveur des pays du Sud. Aujourd’hui, nous avons une raison. Le Brésil, la Bolivie et l’Equateur ont déjà payé ce qu’ils doivent au FMI. Nous pensons qu’il faut lancer le débat en Afrique. Nous avons la même culture, nous sommes tous des Africains. Nous devons nous donner la main entre gens du Sud et faire le développement social, économique et culturel de nos pays.

 

Le président Hugo Chavez a appelé, lui aussi, à boycotter la Banque mondiale. Où en sont les échanges avec l’Amérique latine ?

 

Chavez est venu au Mali et nous l’avons bien accueilli. Il a parlé de la nécessité de créer un marché du Sud et développer des relations entre les peuples du Mali et du Venezuela. Nous avons, en tant que mouvement social, des relations très fortes avec le mouvement social d’Amérique latine, de Bolivie et d’Equateur. Nous sommes également membres du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM) et nous nous retrouvons au niveau du Forum social mondial.

 

Où en sont justement les démarches pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde ?

 

L’annulation de la dette a été proposée plusieurs fois. Au niveau de la Banque mondiale, le Mali a été élu à l’initiative Pays pauvres très endettés. Le Mali a élaboré dans un premier temps le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).

 

Il avait comme axe macroéconomique de poursuivre les privatisations, de libéraliser les services et de se retirer de tout ce qui est social et diminuer les effectifs au niveau de l’administration. Ce cadre stratégique a été appliqué, et bien qu’il y ait eu une augmentation de la croissance, il n’y a pas eu de réduction de la pauvreté comme objectif du CSLP première génération. En 2006, le Mali a adopté le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté. Cela veut dire qu’ils vont encore accélérer la croissance et appeler le privé parce que cette croissance est axée sur le privé. Ils pensent qu’avec le privé, il y aura beaucoup d’argent. Mais cet argent va servir à quoi ?

 

Encore à rembourser la dette. C’est l’argent des multinationales qui vont utiliser nos enfants, nos maris, nous utiliser comme des ouvriers sans qualification car l’école n’est plus une école de qualité, et qui vont produire pour renforcer le capital privé. Où est le social là-dedans ? L’être humain n’aura, une fois de plus, pas sa place dans ce document. Même chose pour le Nepad. On a obligé nos gouvernements à l’élaborer pour dire que c’est le document de l’Afrique et c’est encore axé sur le privé. Mais nous, nous luttons contre cette politique néolibérale et nous allons continuer à lutter en renforçant nos rangs. D’où cet espace du Forum des peuples où d’année en année, de plus en plus de citoyens maliens, de paysans, viennent s’exprimer car ils comprennent parfaitement l’enjeu de cette politique.

 

Avez-vous des connexions avec les mouvements sociaux du Maghreb, l’Algérie en particulier ?

 

Nous avons des partenaires au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Ils sont tous membres comme nous du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde. Nous avons fait un travail sur l’immigration. Nous avons participé à des ateliers au Maroc. En Algérie, nous avons participé à des ateliers sur la dette et le développement et ensemble, nous menons des stratégies au niveau de notre réseau. Une fois par an, au mois d’octobre, nous nous rencontrons et nous évaluons ce que nous avons fait ensemble.

 

Qu’attendez-vous de ce 6e Forum des peuples ? Y a-t-il des résolutions qui se dessinent ?

 

Ce n’est ni à moi en tant que présidente ni à la Coalition des alternatives africaines en tant qu’initiatrice de ce forum de faire des résolutions. Celles-ci vont sortir des ateliers. Il faut noter que cette 6e édition est basée sur quelques thématiques qui étaient les recommandations de la 5e édition. Des thématiques comme le problème de la dette, le problème des politiques néolibérales à travers les accords de Cotonou et à travers les politiques de la Banque mondiale, les problèmes de l’immigration, l’accès aux services sociaux de base et la transparence dans la gouvernance, la transparence dans l’exploitation des mines, la transparence dans la gestion du budget... ce sont ces quelques axes que nous nous attelons à développer pendant ces quatre jours d’échanges.

 

 

Mustapha Benfodil

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