yacoubm 10 Posted March 13, 2008 Partager Posted March 13, 2008 Le sionisme, de l'idéal au doute LE MONDE DES LIVRES | 13.03.08 | 12h03 ù en sont-ils du rêve de leurs pères ? Et de quelle charge (émotive, intellectuelle, idéologique) est encore lesté le mot "sionisme" pour les jeunes écrivains d'Israël ? Comme la majorité de leurs compatriotes, hommes et femmes, ils ont effectué leur service militaire. Vécu, de près ou de loin, les combats, les menaces et les secousses qui sont le lot quotidien de leur pays, depuis ses premiers jours. Et entendu l'histoire officielle, telle qu'on la raconte à l'école. Avant eux, la génération qui les précède, Amos Oz, Abraham Yehoshua, David Grossman pour les plus connus, a toujours défendu le sionisme, même en critiquant les gouvernements. Alors ? Au bout du compte, et même quand ils se disent encore profondément sionistes, ils le sont d'une manière qui laisse de la place aux doutes. Et à l'"Autre". "Quelle est notre identité réelle ?", se demande Alon Hilu (né en 1972), dont la famille est venue de Damas et qui a passé son enfance à essayer de desserrer le noeud de contradictions qui l'étranglait : Damas, terre de ses origines, était devenu "le lieu de l'ennemi". Sa génération, dit l'auteur de La Mort du moine (Seuil), a "plus le sens de la faute" que les précédentes et plus de propension à s'interroger. "Qu'est-il arrivé aux Palestiniens après 1948 ? Se sont-ils enfuis, comme on nous l'a appris à l'école, ou ont-ils été chassés ?" Lui se "définit comme sioniste", mais aussi comme un "Arabe israélien", qui a cherché à connaître, pour les besoins de son deuxième roman, "l'emplacement des villages palestiniens qui ont été détruits au moment de l'urbanisation de Tel-Aviv". Et qui a fait d'un enfant palestinien doué de voyance le héros de ce livre. Pour Eshkol Nevo (né en 1971), petit-fils d'un ancien premier ministre israélien, les sens uniques ne sont plus d'époque. "On nous a transmis une seule histoire, celle qui était vue du côté israélien, explique-t-il. La Naqba n'était pas un sujet au programme." La Naqba, autrement dit la "catastrophe", qui correspond pour les Palestiniens au jour anniversaire de la création de l'Etat d'Israël. Dans le cas d'Eshkol Nevo, la mise en scène de la parole de l'"Autre" a constitué un défi littéraire : pour créer un personnage palestinien dont la famille a perdu sa maison, dans Quatre maisons et un exil (Gallimard), l'auteur a dû faire des recherches et s'immerger, physiquement, dans l'écoute de la langue arabe. A chacune des conférences qu'il a données pour son livre, des voix juives indignées se sont élevées dans la salle, pour protester contre sa représentation de l'histoire - jusqu'à l'arrêt forcé de la séance, parfois. "SENS DE LA FIERTÉ NATIONALE" Pourtant, Eshkol Nevo (et bien qu'il garde un souvenir "honteux" de la période où il fut soldat, pendant la première Intifada) se revendique "non pas postsioniste, mais sioniste, très concerné par l'histoire d'Israël et fier du projet israélien". Même si, dit-il, il est "critique". Moins affirmatif, Ron Leshem (né en 1976) répond d'un air un peu rêveur à la question. "Si je suis sioniste ? Je suppose que oui, mais, au fond, je ne suis pas sûr de savoir exactement ce que c'est." Auteur de Beaufort (Seuil), roman social mais aussi très politique, il a le sentiment d'appartenir à une génération encore très jeune, qui n'a pas vraiment eu le temps de se forger une opinion. "Tout ce que je veux, affirme-t-il, c'est raconter des histoires et toucher mes concitoyens, et eux d'abord. Ici, c'est chez moi. J'aime cet endroit." Rien d'aussi simple pour Alona Kimhi. Née en 1966 à Lvov, en Ukraine, et arrivée à Tel-Aviv à l'âge de 7 ans, l'auteur de Moi, Anastasia (Gallimard) déclare tout de go : "Je ne suis pas sioniste. J'appartiens à un monde beaucoup plus cosmopolite." Celle qui glisse facilement des "nous, les Russes" dans la conversation dit être influencée par la langue de Tolstoï jusque dans sa syntaxe et se vit comme "juive plus qu'israélienne". "Le sens de la fierté nationale a beaucoup baissé, affirme-t-elle. La guerre du Kippour, en 1973, a été un tournant." Oui, mais "pourquoi devrait-on toujours avoir des doutes sur notre propre existence." ? C'est Orly Castel-Bloom (née en 1960) qui parle. Et qui, du haut de la génération tout juste précédente, n'hésite pas à proclamer qu'elle a "toujours considéré l'existence d'Israël comme un fait, et non une question. Le sionisme est un mouvement, donc il faut bouger". Entre elle et ceux qui la suivent, il n'y a guère plus que quelques années, mais beaucoup de fêlures. Et ce qu'il faut de divergences pour faire une époque nouvelle. Raphaëlle Rérolle Article paru dans l'édition du 14.03.08 Citer Link to post Share on other sites
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