Laziz 208 Posted February 25, 2010 Partager Posted February 25, 2010 Quand Toto est entré, il m'a cloué le bec alors que je m'apprêtais à lui parler d'un beau film que j'ai vu la veille, sur Pablo Neruda, Le facteur. Il maugréait. Il s'était rendu avec son garçon et sa fille à la Maison de la culture voir Pipoka Circus Miraculus. « D'abord, précisa-t-il, ç'avait bien débuté. On s'amusait, mes enfants riaient. C'était un spectacle pour toute la famille; du moins, c'est ce que j'avais compris. C'était annoncé comme tel. - Et c'est quoi exactement cette pièce, l'interrompis-je, des marionnettes? - Une marionnette, il n'y avait qu'une marionnette, Madame Pipoka. C'est une vendeuse de remèdes, quelque part dans un pays slave, avec un stand sur roues qu'elle pousse de ses épaules. Elle est thaumaturge et guérisseuse. Et tout l'artifice publicitaire recouvrant cette prestation laissait croire que Madame Pipoka était célèbre. C'est une magicienne. Moi, je regardais les enfants s'esclaffer et je riais avec eux. Mais ce n'était pas une pièce pour adulte, seul. Il n'y a pas d'histoire, ni pour les adultes ni pour les enfants; le langage est trop difficile pour eux; pour moi, il n'y avait rien, un peu de distraction, disons. Je parle pour moi, peut-être que leur mère aurait vu les choses différemment. - C'était quoi en fait, une marionnette qui faisait de la magie? - Une marionnette, mais hideuse, déformée et monstrueuse que l'on voulait sympathique malgré tout, parce que l'actrice qui la manipulait était jeune et belle et que Madame Pipoka croyait aux pouvoirs de la bonté et à la crédulité superstitieuse du peuple. Un numéro de saltimbanque classique d'un autre lieu, d'une autre époque. Tout de go, avec son partenaire, les deux acteurs mettent le public à contribution. Ce qui était très bien. Dans l'audience, des compères s'amusaient au jeu et se retrouvaient pour un temps sur scène. C'était divertissant. La promesse -qu'un événement exceptionnel allait se dérouler incessamment-, consistait à ce que Madame Pipoka tente de guérir l'audience de son mal. Car tout le monde a mal quelque part, n'est-ce pas? Un chagrin ou autre gruge notre sérénité. Nous n'en doutions plus après ses explications. C'était son ultime miracle qu'elle accomplissait durant cette soirée, et le dernier. . . Au final, pour l'adulte que je suis, c'était banal. Mais tu sais ce qui m'a sorti de mes gonds ? - Quoi ? » Il était subitement devenu morose. Mais j'avais remarqué son humeur tendu lorsqu'il était entré dans le bistro. « Je ne comprends pas ces gens, rétorqua-t-il. J'emmène mes enfants voir un spectacle; ma fille a onze ans et ils nous montrent ces conneries! » Je le laissais reprendre ses esprits, puis il continua : « C'était écrit sur l'affiche: "Venez vous faire guérir de vos maux lors de ce Cirkus Mirakulus où tout peut arriver et rien n'est -en principe-, laissé au hasard!" Madame Pipoka, c'est une marionnette avec une gigantesque tête et des grosses lèvres répugnantes. Une tête qui se détachait du corps qui était ridiculement petit et maigre et divertissait l'audience en s'agitant dans les airs à la recherche de pigeons. Comme c'était une femme espiègle, Madame Pipoka connaissait les ruses de la séduction. C'était une magicienne. Elle savait envouter, surtout les hommes. - Mais, enfin, qu'est ce qui t'a embêté? tes enfants ont aimé, c'est le principal, qu'ils aient compris ou non. C'est ça l'art, c'est magique et non analytique; l'art n'a pas besoin de donner d'explications, surtout si c'est féérique, comme tu le décris. Si j'avais su, j'y serais allé avec mon fils, ça lui aurait changé les idées. En ce moment, il ne parle que de religion; il ne cesse de poser à ma femme et moi des questions sur l'existence de Dieu. T'es au courant? - Non, répondit-il distraitement. - C'est bizarre, pourtant ta fille va à la même école. Raconte, alors, qu'est-ce qui t'a embêté dans ce spectacle? - Eh bien, à un moment donné, Madame Pipoka a fait monter sur scène un bel homme qu'elle désirait ostensiblement de tous ses gémissements, comme les putes québécoises en chaleur désirent les hommes, c'est-à-dire sans gêne et sans détour. Mais la tâche de notre envouteuse consistait avant tout à unir ce jeune homme à une jolie participante, pour un mariage en quelque sorte, tous deux, bien sûr, de mèche avec l'actrice. Donc, alors que la salle est plus ou moins en liesse, voilà que Madame Pipoka tombe à genoux devant lui et, furtivement -car son acolyte s'en montrera outragé et l'en découragera énergiquement-, exprime sa folle envie de lui sucer son sexe! Le sang m'est monté à la tête. Là, devant moi et mes enfants, elle a mimé le désir de lui faire une pipe! Ma fille a onze ans, mon garçon neuf, que crois-tu qu'ils savent de toutes ces conneries, dis-moi!? » Je me redressai sur la chaise et me caler contre le dossier. Je m'abstins de commenter. De toute façon, il n'attendait pas une réponse. Il continua : « Mais pourquoi faut-il que le moindre spectacle au Québec soit toujours truffé de scènes de sexe, de grossièretés? » Il se tourna vers Malika, la patronne, et lui lança : « Comment ce fait-il que tu fasses la promotion d'un spectacle pareil? » Mais Malika, n'avait pas compris, affairée qu'elle était à son travail et une chanson de Gainsbourg ajoutait à son désintérêt. « Malika! » Elle ne venait toujours pas. « Pourtant, nous avions convenu, continua-t-il en se repliant sur moi, que ce soit des films ou des spectacles, ils devaient, pour être affichées ici, avoir reçu l'approbation des responsables et que quelqu'un ait vu l'œuvre préalablement pour nous assurer qu'il n'y ait pas de cochonneries si l'on y conduit les enfants. Je suis furieux ! - Elle n'a sûrement pas été au spectacle. - Ça me dégoutte! Je sais qu'à l'école elle en entendra parler, mais au moins, je n'aurais pas cette impression de saleté, de dégoût que je ressens quand mes enfants sont devant moi, lorsque de telles perversités sont montrées sur scène. Je ne comprends pas . . . T'es pas comme ça, toi? Ça y est, il va se montrer -c'est tout naturellement chez lui-, indiscret maintenant. Je dois surveiller ce que je vais dire. Il a raison, cependant, ce n'est pas normal. Mais mes propres enfants regardent souvent la tv en compagnie de ma femme et moi; ces indiscrétions au sujet su sexe sont monnaie courante. Je ne peux pas lui avouer ça. Je regarde au plafond, comme lui, pour chercher une réponse. Allais-je lui confier que j'avais de la sympathie pour cette liberté des mœurs dont les études scientifiques de Kinsley, aux ÉU, ont démontré la profonde ignorance chez les collégiens et les universitaires; une ignorance qui nous gardait enfouis sous les tabous du Moyen-âge? Heureusement, il n'attend pas: «J'ai trente cinq ans, et, ma femme et moi, jamais nous nous sommes rabaissés à de semblables actes. Même avec les copains, dans notre jeune âge, je ne me souviens pas qu'ils parlaient de ça. Et cela n'a rien à voir avec la religion. À quinze ans, même à dix huit, je ne me rappelle pas que nous faisions allusion à ces. . . pratiques dégueulasses. La pornographie, chez eux, est synonyme d'érotisme. - Toto, tu n'es pas en Algérie; ici, c'est le Québec. - Oh, de toute façon, l'Algérie, ça deviens pareil avec l'Internet et la consommation effrénée. Tous ceux à quoi aspire le peuple, c'est s'américaniser; aller manger au McDonald, boire du Pepsi-Cola et arborer des lunettes de soleil. - Je ne sais pas comment que c'est là-bas, mais au Québec, la culture, ce n'est pas pareil. Ici les hommes sont habitués depuis longtemps aux filles nues. Ils ont jeté par-dessus bord toutes les bondieuseries moralisantes. Partout, en ville ou en campagne, tu as des quasis bordels jouxtant les hôtels. Tu n'a qu'à prendre ta voiture et tu verras le long des routes ces énormes encarts publicitaires pour entrer voir des filles dansant toutes nues; tu bois de l'alcool et tu fantasmes. -Qui ne les a pas vus, il y en a plein le centre ville de Montréal, sur la rue principale, la rue Sainte-Catherine. Laziz a très bien décrit tout le vice qui s'étale en ville au vu et au su de tout le monde. -Eh bien, toute cette expression érotique, ou pornographique, tu l'appelles comme tu veux, c'est correct au Québec, Toto. Ces pancartes, de femme nue et sexy, les enfants sont accoutumés à les voir, c'est culturel. Il n'y a plus de mal à ça. On s'y fait, c'est tout. Personne n'y peut rien. C'est le progrès. Si tu t'interposes, si tu censures, c'est pire. Regarde en Algérie, tout le monde veut fuir le pays à cause de ce fanatisme religieux qui veut garder les femmes sous la férule des hommes. C'est toi qui le dis tout le temps. - Ce sont des putes ces femmes, et je ne veux pas que mes enfants voient leurs mœurs ! - Arrête, tu parles comme un extrémiste. La méditerranée et le Québec, ce n'est pas la même chose. Ce que l'on perd ici, on le gagne d'une autre façon; tu le dis toi-même. - Je ne critique pas le Québec; c'est ma terre d'accueil et j'apprécie, comparée à l'incurie qui règne dans mon pays. Mais, au moins . . . Et puis laisse tomber! - Gosh! Regarde ton grand frère, il a passé quinze ans avec une hernie! Il marchait avec une ceinture, le pauvre. Quand Laziz, lui, s'est aperçu de son hernie, en moins de deux mois c'était réglé. C'est ça le Canada! En outre, il avait suivi un traitement pénible au max, pendant six mois, qui l'a guéri de l'hépatite C! Guéri, tu entends? Là-bas tu serais mort! On ne guéri pas de l'hépatite C. On peut ergoter tant qu'on voudra sur les bons et mauvais côté de ce pays mais, en définitive, personnellement, je crie sans hésitation : Vive le Canada! Vive la science! et vive la démocratie! » Pour la suite, vous avez un scénario dans lequel Fatima et Toto tentent de définir la **** de la prostituée. C’est ici : laziz - Fatima et Toto tentant de définir la **** de la prostituée - texte intégral - In Libro Veritas Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 25, 2010 Partager Posted February 25, 2010 Gé-nial ! Merci Laziz Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 25, 2010 Author Partager Posted February 25, 2010 Gé-nial ! Merci Laziz Merci Sylla. Je continue. La métaphore de la fumée blanche On s’affole et l’on jette des hauts cris parce qu’une publicité sur les méfaits du tabac a représenté des jeunes, cigarette en bouche, à genoux devant un homme, comme si elles et ils buvaient son lait. (« Boit mon lait » est une expression que j’ai entendue de la bouche d’enfants de 8 à 11 ans; ils s’amusaient entre eux et parlaient de zizi et de pipi; ils ne savaient probablement pas la signification.) Une image vaut mille mots : http://mry.blogs.com/.a/6a00d8341c5abc53ef01310f21a775970c-pi Ce n’était pourtant pas une publicité destinée à un affichage général mais ciblé, c’est-à-dire les discothèques et les restaurants, ce qui à mon sens ne porte pas préjudice à la société. Mais on voit par là où nous a conduits le sexe à gogo et la liberté sexuelle. Je trouve ça dégelasse ces mœurs étalés sur la place publique. Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 25, 2010 Partager Posted February 25, 2010 Merci Sylla. Je continue. La métaphore de la fumée blanche On s’affole et l’on jette des hauts cris parce qu’une publicité sur les méfaits du tabac a représenté des jeunes, cigarette en bouche, à genoux devant un homme, comme si elles et ils buvaient son lait. (« Boit mon lait » est une expression que j’ai entendue de la bouche d’enfants de 8 à 11 ans; ils s’amusaient entre eux et parlaient de zizi et de pipi; ils ne savaient probablement pas la signification.) Une image vaut mille mots : http://mry.blogs.com/.a/6a00d8341c5abc53ef01310f21a775970c-pi Ce n’était pourtant pas une publicité destinée à un affichage général mais ciblé, c’est-à-dire les discothèques et les restaurants, ce qui à mon sens ne porte pas préjudice à la société. Mais on voit par là où nous a conduits le sexe à gogo et la liberté sexuelle. Je trouve ça dégelasse ces mœurs étalés sur la place publique. Disons que le message est double...terriblement suggestif mais double. "Fumer, c'est être l'esclave du tabac" est le message immédiatement compréhensible. Mais si l'on regarde bien...il y a trois images qui mettent en scène deux jeunes garçons et une jeune fille. S'agissant de cette dernière, l'homme qui lui maintient la tête n'a pas de veste....elle est à hauteur de son pantalon....une domination peut laisser entrevoir une autre. C'est comme ça que je l'interprèterais pour ma part. Bonne soirée Laziz Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 26, 2010 Author Partager Posted February 26, 2010 C'est vrai, je n'avais pas remarqué ce détail. Mais je ne comprends pas la subtilité de ta remarque. Peut-être m'en diras-tu plus? Laziz Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 26, 2010 Partager Posted February 26, 2010 C'est vrai, je n'avais pas remarqué ce détail. Mais je ne comprends pas la subtilité de ta remarque. Peut-être m'en diras-tu plus? Laziz Bonsoir Laziz Aucune subtilité. ;) Je rebondissais juste sur le texte. La cigarette renvoie à d'autres addictions tels que la drogue et l'alcool et le risque de rapports sexuels non consentis. La publicité avait sans doute pour ambition de savamment suggérer tout cela sans forcément en montrer beaucoup (pour ne pas choquer les plus jeunes justement je pense). La liberté d'expression et sans doute des moeurs ont rendu nécessaire ce type d'alerte car, comme je l'ai dit une fois, "la liberté de l'un s'arrête là où commence celle des autres". Ce qui n'est pas forcément évident pour tout le monde. Maintenant, est ce que dans une société moins permissive, les dérapages de ce type sont exclus...je ne le pense pas. Cachés tout au plus. La nature humaine est ainsi faite...avec ou sans carcan, l'Homme reste faillible. Citer Link to post Share on other sites
Jasmine77 10 Posted February 27, 2010 Partager Posted February 27, 2010 salut sylla Citer Link to post Share on other sites
Jasmine77 10 Posted February 27, 2010 Partager Posted February 27, 2010 t'aime la polémique toi !!! :cool: Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 27, 2010 Partager Posted February 27, 2010 t'aime la polémique toi !!! :cool: Salut Jasmine !! Pourquoi tu dis ça ? :confused: J'ai dit quoi ? Je suis hors sujet ? lol J'ai voulu faire BTS publicité plus jeune...j'adorais ça. Et puis, chaque image, chaque chanson, chaque histoire et même chaque être humain a un sens caché qu'il me plaisait de deviner. C'est juste par rapport à cela. Ai-je eu un commentaire déplacé ? brrr N'hésite pas à me le dire parce que je ne le vois pas (j'ai un peu de mal à deviner mes sens cachés involontaires lol) Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 27, 2010 Author Partager Posted February 27, 2010 Vidéo de Laziz sur l'islam Pourquoi tu dis ça ? :confused: J'ai dit quoi ? Je suis hors sujet ? lol Voilà, je te replace sur la traque, plus conventionel. Une vidéo que j'ai réalisée avec les moyens du bord, pour m'amuser. Tu me dis. :innocent: Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 27, 2010 Partager Posted February 27, 2010 Voilà, je te replace sur la traque, plus conventionel. Une vidéo que j'ai réalisée avec les moyens du bord, pour m'amuser. Tu me dis. :innocent: zut ! Internet rame, je ne peux pas visionner. Plus tard, promis. Mais...question ? C'est toi qui a écrit le texte plus haut ? Je ne comprends plus du tout là. lol Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 27, 2010 Author Partager Posted February 27, 2010 Mais pourquoi en doutes-tu? Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted February 27, 2010 Partager Posted February 27, 2010 Mais pourquoi en doutes-tu? Mais je ne doute pas ! J'admire !!!! Même l'histoire de toto ?!! Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 28, 2010 Author Partager Posted February 28, 2010 Même l'histoire de toto ?!! La première partie est vraie, celle avec Madame Pipoka; le reste je l'ai entièrement inventé. C'est pour me distraire de mes écrits trop graves. Je m'essaye à mélanger mes idées avec des histoires drôles mais percutantes. J'en ai d'autres. Si je tombe dessus, je te montre. Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted April 10, 2010 Author Partager Posted April 10, 2010 :mdr: Toto et les toilettes :ghostface: Toto et Pino, c’est-à-dire moi, celui qui écrit ses lignes, sommes de retour. On se dirige vers le Maghreb où la soirée promet d’être chargée. En face du café, on joue Les émigrés de Slavomir Mrozek, et, demain, une représentation du Mahabharata. Durant tout le trajet, Toto a enchaîné ses histoires l’une après l’autre en mimant les DJs sur les tables de mixage. Quand il jette le joint en le pitchant du doigt, il s’écrit : « Et c’est recyclable! » Ça m’a rappelé un truc. J’ai pouffé. Je lui ai dit : « Tu sais quoi, les Américains te chient dessus! - Tu cherches des crosses ou quoi? » me rétorqua-t-il, d’un ton grave. » Et voilà! Tu veux blaguer, et le gars monte sur ses grands chevaux! Je te l’épingle : « Fais pas chier, j’suis pas ricain à ce que je sache. C’est de Laziz que je le tiens. En Amérique, ils ont des belles toilettes toute blanche, avec ton prénom, toto, gravé en couleur vert jade sur la céramique. - Hé! Ne me parle pas comme ça, j’viens te dire - Là, je t’arrête! » Je lui pose la main sur son bras. « On est des frères. Alors on se parle comme ça. D’accord? Si les québécoises se traitent de putes et de salopes entre elles alors qu’elles sont de bonnes amies, on peut bien, toi et moi, rigoler sans se montrer les dents. Elles ne sont pas plus civilisées que nous…» Il s’est détendu. Sans se tourner, en continuant à marcher, il joua des doigts et éructa : « C’est quoi ton truc, alors? -Tu les niques les Américains! » Il s’arrêta et me dévisagea, penaud : « Tu blagues pas, hein?! » Puis l’excitation aiguisa son regard mais il resta muet. « Ben, si c’est des toilettes Toto, j’veux dire avec ton nom inscrit sur la faïence, où un gros porc viendra s’asseoir dessus, t’en à rien à foutre. C’est un hasard. Faut pas le prendre perso. Toi, mon vieux, t’en profite. Il y a toujours un revers à la médaille, le mauvais et le bon. Tu peux pas faire autrement. Il y a les avantages -et les désavantages. - Ok, fais pas chier avec tes leçons, crache le morceau. C’est du fric que tu parles? Tu me vois en train d’attaquer la compagnie américaine Toto parce que dans les toilettes, quand je vois mon nom écrit dessus, « en vert jade », ça me constipe?? - Tu comprends vraiment pas où je veux en venir? » (Mais c’est vrai, je n’y avais pas pensé à sa magouille. Avec un bon avocat qui a besoin d’argent, il pourrait réclamer des dommages. Enfin, c’est une idée comme une autre. Faut arrêter de croire que ce qui est malhonnête n’a pas de chance. Il s’avère que c’est même le contraire.) Je me lance dans l’embrouille : « Toto, cesse un instant de penser à l’argent. » Et je plaçais les mains sur les côtés de mes tempes en signe de concentration. Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted April 10, 2010 Author Partager Posted April 10, 2010 Il se tait. On marche en silence. Lui réfléchit. Je ne sais pas si je dois en rire ou m’inquiéter. « Là, j’ai un blanc, me répond-il, c’est con mais c’est comme ça. T’es sûr que c’est une compagnie américaine? » Je suis estomaqué. Il continue à marcher tout en parlant : « J’dirais plutôt que c’est des ritals. Il y a plein à NY.» Il n’y a même pas une minute, il était tout remonté et le voilà en train de déconner à nouveau. « Et pourquoi pas des juifs pendant que tu es! lui lançai-je, pour ravaler ma langue aussitôt. Trop tard. - Justement! j’allais t’le dire. Ça peut être que des juifs. Quand il y a de l’argent à faire, ils sont derrière. C’est dans leurs gènes. -Toto! Tu vas arrêter avec tes histoires de juifs qui complotent même sur les toilettes. - C’est toi qu’est naïf Pino, répondit-il, du tic au tac. T’es comme Laziz. Écoute! des grands mots, des idées, d’la connaissance, ah, ça vous en avez! Mais quand il s’agit de voir les choses comme elles sont, vous tombez des nues. Le côté pratique, vous êtes nuls. Une p***, c’est une p***. Pas besoin de faire de la philosophie pour m’expliquer la définition d’une p***. Tu sais pourquoi on croit qu’au World Trade Center il n’y avait pas de juifs? J’vais t’l’apprendre, moi. Parce que les juifs sont toujours derrière, pas dedans. Qui a coulé le Titanic, tu veux me le dire? -Mais personne à couler le Titanic, il a coulé tout seul! - Tout seul? Tiens… Les tours, elles se sont écroulées toutes seules? » Ça y est, il m’embobine dans ses raisonnements totalement givrés. Je dois m’en sortir. Pas par orgueil, mais parce que je suis son ami et que j’ai commencé cette blague, je dois la mener à terme. Donc, à mon avantage. Sinon, avec lui, on perd la boule. C’est une loi non écrite entre nous deux; celui qui commence une blague la finit sûrement, ou il s’abstient de la faire. En fait, c’est moi l’initiateur de ce jeu. Justement pour ne pas devenir un homo dingo à trop le fréquenter. « Toto, repris-je, incrédule, tout le monde sait que c’est un iceberg qui a couler le Titanic. - Iceberg, Pino, Iceberg! » Il approcha dangereusement son doigt de mon œil. « Met un i majuscule à iceberg et pense un peu. » Il retourna ensuite son index vers sa tempe et le fit tourner sur lui-même. « Food for thoughts »* , plaisantai-je, essayant, effectivement, de réfléchir sur ce qu’il tramait dans ce délire, pour m’y précipiter. « Hé, mec! c’est le meilleur endroit pour réfléchir à faire de l’oseille, assis sur un bol de toilette. Tu vas pas me dire c’est quoi un juif! J’ai pas besoin d’une définition. Les Américains ont toujours chié sur les Arabes… » Là, je perds patience. Je m’écrie : « Mais tu ne peux pas penser à quelque chose de plus terre-à-terre que tes spéculations sur le fric et les juifs! Relaaaaxe! T’es dans une toilette Toto, allume! » Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted April 10, 2010 Author Partager Posted April 10, 2010 Un sourire niais s’est alors formé sur ses lèvres. Il me regarde comme s’il ne me voyait pas. Il cherche, en fait. Puis, il prononça, dans un murmure inquisiteur: « Tu dis que je peux niquer les américains? - Con, va! Pas les Américains, les A-mé-ri-caines! Toto, voyons! T’es dans les toilettes… » J’ai envie de l’étriper. « Tu te rappelles cette chanson ? Je lui fredonne l’air : Je voudrais être un parfum pour dame, juste pour me faire sentir par ces belles âmes, pour embaumer vos corps. J’aimerais être un peigne et caresser vos mèches… - Évidemment, l’Amazigh, l’homme libre! » Il leva le bras au ciel, les doigts tendus dans toutes les directions, et continua : « C’est un super musicien. Le fils du plus célébré des poètes maghrébins, Kateb Yacine, mort en 1989? C’est moi, d’ailleurs, qui a refilé le CD à Laziz. C’est de la transe, cette musique, de la tradition du gnawa. - On s’en fout de ce que c’est, rappelle-toi les paroles de la chanson : Je voudrais être un fauteuil dans un salon de coiffure pour dame… » Il s’est arrêté de marcher et s’est tourné vers moi, immobile. Je lui mime au ralentit un crochet du droit que je lui décroche en pleine face, mais il ne bronche pas. « Eh alors? » Il avait prononcé ces paroles sur un ton impassible et provocateur. « Ben, si c’est des toilettes Toto, de la marque, je parle, alors dans les toilettes des hommes tu fais du yoga, tu bloques tous tes sens. Tu sais, comme les infirmières, quand elles changent les couches aux vieux; elles stoppent les odeurs tout en continuant à respirer, à travailler. C’est la seule façon pour elles de continuer sans être écœurées. Tu fermes les yeux. Dans les toilettes des femmes, tu te rinces les yeux!!! » J’éclatais de rire. Plus je l’observais et plus je riais. « Tape-là! » Je lui tendis la paume de ma main, mais il la refusa. Au lieu de cela, il me jeta, désabusé : « J’aime pas tes histoires à la con! C’est des chiottes de merde que tu me racontes-là. Tu les a vus, toi, d’abord … Tu as vu écrit le mot toto sur un chiotte? T’as une image-là? Un magazine? T’as rien vu de tes yeux! Tu radotes; tu radotes, Pino. Tu devrais écrire des histoires. Tiens, là tu ferais du fric! » Et on entra dans le café. :beer_smile: Citer Link to post Share on other sites
hurlevent 10 Posted April 12, 2010 Partager Posted April 12, 2010 Moi j'ai surtout retenu que tu connaissais les tactiques des putes montréalaises. Pourtant ce n'est pas écrit dans les livres ca non?:mdr::mdr: Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted April 14, 2010 Author Partager Posted April 14, 2010 Tu as parfaitement raison. Je ne fais pas du copier/coller, sinon je préviens. Si tu veux des confidences, j'ai plus d'expériences avec les p*** marseillaises et parisiennes que les montréaliases. :angel: Citer Link to post Share on other sites
Guest Sylla Posted April 14, 2010 Partager Posted April 14, 2010 Tu écris trop bien Laziz...franchement. :-))) Tu as un blog ? Non ? Tu devrais...si si, je t'assure. Fais toi connaître. C'est trop bon. Citer Link to post Share on other sites
Guest Didine RAYAN Posted April 14, 2010 Partager Posted April 14, 2010 très beau et très bien je l'ai remonté en off ce n'est pas du copié collé, parce que je viens de découvrir une copie quelque part....:confused: Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted April 16, 2010 Author Partager Posted April 16, 2010 Tu écris trop bien Laziz...franchement. :-))) Merci beaucoup, je vais me dépêcher de me faire connaître. :zoo_dog: Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 3, 2015 Author Partager Posted February 3, 2015 Le procès de DSK : "je ne savais pas." Voici la fiction que j'avais écrit dans le premier poste : Laziz a très bien décrit tout le vice qui s'étale en ville au vu et au su de tout le monde. -Eh bien, toute cette expression érotique, ou pornographique, tu l'appelles comme tu veux, c'est correct au Québec, Toto. Ces pancartes, de femme nue et sexy, les enfants sont accoutumés à les voir, c'est culturel. Il n'y a plus de mal à ça. On s'y fait, c'est tout. Personne n'y peut rien. C'est le progrès. Si tu t'interposes, si tu censures, c'est pire. Regarde en Algérie, tout le monde veut fuir le pays à cause de ce fanatisme religieux qui veut garder les femmes sous la férule des hommes. C'est toi qui le dis tout le temps. - Ce sont des putes ces femmes, et je ne veux pas que mes enfants voient leurs mœurs ! - Arrête, tu parles comme un extrémiste. Mais voici un témoignage fort à propos de DSK : "Je ne savais pas que j'avais à faire à des prostituées". Normal, aujourd'hui on ne fait pas la différence ; fille de joie, étudiante ou mère de famille, elles s'habillent pareilles. On ne peut donc pas lui repprocher d'avoir errer. Citer Link to post Share on other sites
rosier belda 10 Posted February 4, 2015 Partager Posted February 4, 2015 Laziz j'ai trouvé ton écrit superbe!...Merci pour le partage! Citer Link to post Share on other sites
Laziz 208 Posted February 4, 2015 Author Partager Posted February 4, 2015 Je suis content que cela t'ait plaisir. Citer Link to post Share on other sites
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