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La vie des serviteurs d’État, la vie de l’État


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Par : Mustapha Hammouche du quotidiens "Liberté"

 

Toutes les télévisions annonçaient “ightyel” (l’assassinat) du directeur général de la Sûreté nationale, sauf l’Unique qui annonçait “ouafat” (le décès) du défunt… Le communiqué du ministère de l’Intérieur, repris par l’agence de presse nationale, parlait en effet de “décès” de feu Ali Tounsi.

Cette hésitation à nommer le crime par son nom et d’autres éléments de l’information officielle, comme le fait que l’assassin était “apparemment” pris de démence, expriment tout l’embarras d’un pouvoir devant un événement qui, pour être tragique, est aussi lourd de significations.

Ce n’est pas tellement le rang et la fonction de la victime qui aggravent à ce point l’acte. Un cadre de la police est le mieux placé pour savoir que le risque zéro n’existe nulle part. C’est plutôt la qualité de son assassin présumé qui pose problème, en effet. Les autorités, qui s’expriment comme voix de la République, semblaient avoir de la peine à formuler l’acte d’assassinat du premier responsable de la sécurité intérieure par un autre responsable de haut niveau dans une enceinte symbolique de cette République. Ce sera à l’enquête judiciaire de révéler les circonstances et le mobile réels du crime, mais, pour l’heure, le constat de cet épisode sanglant de notre vie institutionnelle ne peut qu’inquiéter.

L’opinion générale ne se faisait pas d’ illusions sur la sérénité d’un État dont le fonctionnement est pollué par les rivalités claniques, les luttes d’intérêts et les scandales de gestion. Mais en arriver à ce genre de situations, tragiquement conclues – le rédacteur du communiqué officiel semble l’avoir le premier compris –, cela ne peut qu’ajouter à l’appréhension que suscite le mode de gouvernance qui transforme les fonctions de la République en enjeu de confrontations de pouvoir.

Il n’est pas question de supputer sur les circonstances qui ont conduit au drame de jeudi, mais il n’est pas possible d’ignorer le contexte qui l’entoure. Il est alors difficile de ne pas y entrevoir le signe effrayant d’une dangereuse dégénérescence de notre système institutionnel. Un confrère avait révélé qu’un président de chambre s’est plaint, dans ses mémoires, d’avoir été menacé avec une arme par un sénateur. Ce genre de geste, inconcevable dans un fonctionnement de la République, atteste du fait que la vie politique, qui devait progresser dans le sens d’un fonctionnement républicain assaini, a, au contraire, subi une régression dans le sens du rapport de force physique.

Quel égarement pouvait pousser un responsable jusqu’au crime manuel et au drame qui met en scène une victime et un meurtrier réunis par une haute mission d’État ? Même une accusation, si grave soit-elle, ou un limogeage n’expliquerait pas tout : cela renverrait à la nature du système.

Si celui-ci est conçu pour que la fonction détermine à ce point le statut et la condition de ses hommes, de sorte que l’attachement à la position devient, pour eux, une question vitale, il serait urgent qu’il se réforme. S’il en est capable. Parce que ce serait aussi une question vitale pour l’État.

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Par : Mustapha Hammouche du quotidiens "Liberté"

 

Toutes les télévisions annonçaient “ightyel” (l’assassinat) du directeur général de la Sûreté nationale, sauf l’Unique qui annonçait “ouafat” (le décès) du défunt… Le communiqué du ministère de l’Intérieur, repris par l’agence de presse nationale, parlait en effet de “décès” de feu Ali Tounsi.

Cette hésitation à nommer le crime par son nom et d’autres éléments de l’information officielle, comme le fait que l’assassin était “apparemment” pris de démence, expriment tout l’embarras d’un pouvoir devant un événement qui, pour être tragique, est aussi lourd de significations.

Ce n’est pas tellement le rang et la fonction de la victime qui aggravent à ce point l’acte. Un cadre de la police est le mieux placé pour savoir que le risque zéro n’existe nulle part. C’est plutôt la qualité de son assassin présumé qui pose problème, en effet. Les autorités, qui s’expriment comme voix de la République, semblaient avoir de la peine à formuler l’acte d’assassinat du premier responsable de la sécurité intérieure par un autre responsable de haut niveau dans une enceinte symbolique de cette République. Ce sera à l’enquête judiciaire de révéler les circonstances et le mobile réels du crime, mais, pour l’heure, le constat de cet épisode sanglant de notre vie institutionnelle ne peut qu’inquiéter.

L’opinion générale ne se faisait pas d’ illusions sur la sérénité d’un État dont le fonctionnement est pollué par les rivalités claniques, les luttes d’intérêts et les scandales de gestion. Mais en arriver à ce genre de situations, tragiquement conclues – le rédacteur du communiqué officiel semble l’avoir le premier compris –, cela ne peut qu’ajouter à l’appréhension que suscite le mode de gouvernance qui transforme les fonctions de la République en enjeu de confrontations de pouvoir.

Il n’est pas question de supputer sur les circonstances qui ont conduit au drame de jeudi, mais il n’est pas possible d’ignorer le contexte qui l’entoure. Il est alors difficile de ne pas y entrevoir le signe effrayant d’une dangereuse dégénérescence de notre système institutionnel. Un confrère avait révélé qu’un président de chambre s’est plaint, dans ses mémoires, d’avoir été menacé avec une arme par un sénateur. Ce genre de geste, inconcevable dans un fonctionnement de la République, atteste du fait que la vie politique, qui devait progresser dans le sens d’un fonctionnement républicain assaini, a, au contraire, subi une régression dans le sens du rapport de force physique.

Quel égarement pouvait pousser un responsable jusqu’au crime manuel et au drame qui met en scène une victime et un meurtrier réunis par une haute mission d’État ? Même une accusation, si grave soit-elle, ou un limogeage n’expliquerait pas tout : cela renverrait à la nature du système.

Si celui-ci est conçu pour que la fonction détermine à ce point le statut et la condition de ses hommes, de sorte que l’attachement à la position devient, pour eux, une question vitale, il serait urgent qu’il se réforme. S’il en est capable. Parce que ce serait aussi une question vitale pour l’État.

 

Mustapha Hammouche, auteur de Hammouche, est bien placé pour parler de l'affaire. Il a fait lui aussi partie des services.

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Par : Mustapha Hammouche du quotidiens "Liberté"

 

Toutes les télévisions annonçaient “ightyel” (l’assassinat) du directeur général de la Sûreté nationale, sauf l’Unique qui annonçait “ouafat” (le décès) du défunt… Le communiqué du ministère de l’Intérieur, repris par l’agence de presse nationale, parlait en effet de “décès” de feu Ali Tounsi.

Cette hésitation à nommer le crime par son nom et d’autres éléments de l’information officielle, comme le fait que l’assassin était “apparemment” pris de démence, expriment tout l’embarras d’un pouvoir devant un événement qui, pour être tragique, est aussi lourd de significations.

Ce n’est pas tellement le rang et la fonction de la victime qui aggravent à ce point l’acte. Un cadre de la police est le mieux placé pour savoir que le risque zéro n’existe nulle part. C’est plutôt la qualité de son assassin présumé qui pose problème, en effet. Les autorités, qui s’expriment comme voix de la République, semblaient avoir de la peine à formuler l’acte d’assassinat du premier responsable de la sécurité intérieure par un autre responsable de haut niveau dans une enceinte symbolique de cette République. Ce sera à l’enquête judiciaire de révéler les circonstances et le mobile réels du crime, mais, pour l’heure, le constat de cet épisode sanglant de notre vie institutionnelle ne peut qu’inquiéter.

L’opinion générale ne se faisait pas d’ illusions sur la sérénité d’un État dont le fonctionnement est pollué par les rivalités claniques, les luttes d’intérêts et les scandales de gestion. Mais en arriver à ce genre de situations, tragiquement conclues – le rédacteur du communiqué officiel semble l’avoir le premier compris –, cela ne peut qu’ajouter à l’appréhension que suscite le mode de gouvernance qui transforme les fonctions de la République en enjeu de confrontations de pouvoir.

Il n’est pas question de supputer sur les circonstances qui ont conduit au drame de jeudi, mais il n’est pas possible d’ignorer le contexte qui l’entoure. Il est alors difficile de ne pas y entrevoir le signe effrayant d’une dangereuse dégénérescence de notre système institutionnel. Un confrère avait révélé qu’un président de chambre s’est plaint, dans ses mémoires, d’avoir été menacé avec une arme par un sénateur. Ce genre de geste, inconcevable dans un fonctionnement de la République, atteste du fait que la vie politique, qui devait progresser dans le sens d’un fonctionnement républicain assaini, a, au contraire, subi une régression dans le sens du rapport de force physique.

Quel égarement pouvait pousser un responsable jusqu’au crime manuel et au drame qui met en scène une victime et un meurtrier réunis par une haute mission d’État ? Même une accusation, si grave soit-elle, ou un limogeage n’expliquerait pas tout : cela renverrait à la nature du système.

Si celui-ci est conçu pour que la fonction détermine à ce point le statut et la condition de ses hommes, de sorte que l’attachement à la position devient, pour eux, une question vitale, il serait urgent qu’il se réforme. S’il en est capable. Parce que ce serait aussi une question vitale pour l’État.

 

en effet le communiqué du ministère de l'intérieur essayait en vain de contenir une bavures de haut niveau mais mon ptit doigt me dit que le résultat de l'enquête sera encore moin convainquant (crise de demence:rolleyes:)

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