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LA STRATÉGIE DU CHOC

Le Soir d'Algérie du 13/03/2010

 

«Celui qui voit la mort, se réjouit de la fièvre !»

Voilà une citation bien de chez nous que Cheaâyeb Lekhdim, en insoucieux et malheureux infortuné, ne cesse, pourtant, de répéter, à chaque croisée des affres lancinantes caractérisant les dos-d’âne de sa vie qu’il traîne en bandoulière, dans une quête de Sisyphe, telle une guerba du Rif ! Il ne pouvait, lui, l’éternel «préoccupé » par le cours de son baril de pétrole réduit au généreux et inflexible filet social, au labyrinthe de la toile d’araignée dans laquelle «on» a majestueusement emprisonné, sans droit d’appel, son nom, tant par manque d’ambition à un quelconque koursi que par son ignorance du cours de change de «merci» !

 

Imaginons ce qu’il aurait pu gagner comme brevet d’invention et droits d’auteur qui en découlent s’il avait «vendu» aux véritables écoles à partir desquelles les génies décollent, cette théorie qu’ils ont finalement baptisée par «la théorie du désordre» et «la stratégie du chaos»…!

Il est vrai que même si on ne lui avait pas légué un somptueux bien vacant ou une miraculeuse fiche communale, il a cependant hérité toute la sagesse d’Abderrahmane El Mejdoub dont, entre autres, «dors tout nu sur les épines jusqu’au lever de ton jour» ou l’interprétation qu’on lui avait, mauvais gré mal gré, greffée au sujet du verset «Mais il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose qui constitue pourtant un bien pour vous, et il se peut que vous chérissiez une autre, alors qu’elle constitue un mal pour vous»(1). C’est de là, d’ailleurs, qu’il puise toute la force tant pour affronter ces indomptables colonnes journalistiques qui «noircissent» son naïf écran par les interminables feuilletons de corruption que pour tromper ce mal qui ronge sa Aïni et ses Aïcha et Omar, qui, en chanceux damnés de la terre, peinent, sous leur taudis, à gagner le pain maudit, bien qu’ils soient les misérables actionnaires à la Sonatrach and Family et qu’ils n’aient aucune chance d’emprunter, faute de quatre/quatre, une autoroute qui fait «gagner» des milliards !

Avant que l’aurore n’eût étalé les rayons de l’aube de l’Algérie post-coloniale, et alors que Cheaâyeb Lekhdim — qui se souvient comme si cela datait d’hier —, en brave soldat Chvéïk, envoûté par l’euphorique «tahia El Djazaïr», dansait, drapeau algérien en mains, sur les toits des véhicules, parcourant les routes et rues — épilées des tortionnaires de Ben M’hidi et bourreaux de Zabana — à proximité des hanches des Fatmas moulées telles des colombes dans leurs haïks blancs, les «initiés» — légitimité révolutionnaire oblige — se partageaient les luxueux biens vacants qu’ils «sécurisèrent» en y plantant des drapeaux dissuasifs !

Sous le soleil de ce bon vieux temps, les uniques trois pièces de Louis d’or, que Aïni avait hérités de sa défunte mère, ornant un chapelet de fausses perles noires, furent généreusement et joyeusement cédées contre un bon portant le cachet humide de l’Algérie indépendante, au représentant des forces locales pour approvisionner le Trésor public «vidé» par les déportés ! Cheaâyeb Lekhdim était aux anges ! «On» allait tous savourer la liberté en profitant ensemble des richesses de cette terre sacrée, arrachée par le sang et le feu !

Les jours étoilés succédèrent aux nuits ensoleillées et les eaux coulant sous les ponts finirent par déborder la jetée d’Octobre 1988 ! Les stridents cris de la jeunesse révélèrent au mauvais œil toutes les conséquences de cette «dangereuse» hardiesse ! La main étrangère, «conspirationnisme» opaque, diront les uns, les forces occultes et apprentis sorciers, diront les autres, s’attelèrent à la tâche pour accoucher, par césarienne, de la théorie du désordre en mettant la stratégie du chaos en marche ! Ainsi, de la revendication de la «semoule» qui avait comme charge sémantique : emploi, logement, dignité, liberté. Cheaâyeb Lekhdim et Aïni, résignés et domptés par les images atroces du terrorisme «chaotique », consentirent au sacrifice de leurs acquis sociaux en réduisant leurs revendications à ces prières lancées, dans un ultime soubresaut d’une âme en agonie, au ciel «Allah yenazzal bezzoult errahma», «Allah yettaffi had ejjamra»… Et la salvatrice réconciliation nationale fut !

L’herbe verte ayant repoussé, les revendications reprenaient de plus belle, avec une jeunesse prête tant à la casse qu’à la fête en masse ! Les grèves ajoutaient leurs touches au décor et Cheaâyeb Lekhdim ne pouvait plus savoir qui avait vraiment tort ? Son grand cœur était parasité par sa petite tête qui s’est retrouvée, malgré elle, en train de compter ces faramineuses suites de «zéros» qui font la queue derrière le premier chiffre «imposant», caractérisant la dubitative richesse des nouveaux héros (liaison facultative !) et dont les «m’charkines el foum» n’arrêtent pas d’indexer comme labyrinthique mafia politico-financière !

Quel «désordre» faut-il encore importer/ inventer pour calmer cette dérangeante grogne qui ne cesse de monter !? «Seule une crise, réelle ou supposée, peut produire des changements», disait Milton Friedman(2), et dont l’idéologie inspira la Canadienne Naomi Klein à publier en 2007 La Stratégie du choc(3), essai sur la généalogie du néolibéralisme, «les foules étant nettement plus malléables lorsqu’elles sont en état de choc». Où est-elle allée trouver cette «vérité» !?

Cheaâyab Lekhdim, en travaillant ses neurones, s’est finalement dit qu’il s’agit de cette «vieille» sagesse qu’il avait héritée de sa grand-mère «celui qui voit la mort, se réjouit de la fièvre !»

 

«La lumière de l'après-midi éclaire les bambous, les fontaines babillent délicieusement, le soupir des pins murmure dans notre bouilloire. Rêvons de l'éphémère et laissons-nous errer dans la belle folie des choses.»(4)

B. Khelfaoui (Saïda)

 

Notes :

1- Coran, 02,216

2- (1912-2006). Prix Nobel d’économie 1976, conseiller des présidents Richard Nexon et Ronald Reagan

3- Œuvre ayant inspirée, à son tour, Michael Winterbottom et Mat Whitecross à l’adapter à l’écran par un film documentaire britannique, sorti en salle le 3 mars 2010, qui, en utilisant de nombreuses images d'archives, démontre la puissance du texte de Naomi Klein et la nécessité de résister.

4- Okakura Kakuzo.

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Lahouari Addi. Professeur de sociologie politique

« Le gouvernement est en train de piloter à vue en plein brouillard »

 

- L’actualité nationale est marquée par un regain de luttes syndicales depuis plusieurs mois. A quoi est due cette combativité syndicale ?

 

La résurgence syndicale de ces derniers mois s’explique par plusieurs facteurs, dont le plus important est la faiblesse de la parité du dinar. Dans les années 1990, le gouvernement avait dévalué de 500% la monnaie nationale. Le contexte de la lutte antiterroriste ne permettait pas à la protestation salariale de s’organiser et de s’affirmer. Maintenant, avec un retour relatif à la normale, les travailleurs cherchent à récupérer leur pouvoir d’achat des années 1980. La deuxième raison est que l’Algérie a une histoire syndicale qui remonte à la colonisation. La cherté de la vie a réveillé la mémoire et la culture syndicales.

 

- Est-ce possible pour le budget de l’Etat d’augmenter les salaires pour satisfaire les revendications ?

 

C’est possible avec un prix du baril de pétrole à 80 dollars. Mais si ce prix diminue à 30 dollars, ce qui n’est pas à exclure, le gouvernement aura à emprunter sur le marché international pour payer ses fonctionnaires. Le problème est que l’Algérie n’exporte pas de biens en dehors des hydrocarbures. Si l’on mesure la richesse créée par le travail productif, on constatera que l’Algérie est un pays pauvre. La pauvreté du pays est cachée par le pétrole.

 

- Quelle est la solution pour payer « correctement » les travailleurs sans tomber dans les griffes des institutions financières internationales ?

 

La solution est d’abord politique et ensuite économique. Il faut réformer l’économie algérienne qui est encore administrée. L’Etat doit cesser d’utiliser l’économie comme ressource politique pour contrôler la société. L’économie est le lieu de création des richesses et non pas un moyen de domination.

 

- Mais l’Algérie n’a plus d’économie socialiste. Elle a opté pour l’ouverture du marché...

 

Dans le discours, elle a opté pour le marché. Dans la réalité, l’économie est encore administrée et de façon plus incohérente qu’il y a trente ans. Le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur a été levé, mais le commerce extérieur est passé entre les mains de spéculateurs sans foi ni loi. A ce niveau, c’est l’anarchie destructrice de la production nationale privée et publique. Quand on voit ce qui est vendu en Algérie, on se demande s’il existe encore des services de douanes. La politique économique de Ouyahia a enrichi des groupes d’individus par l’importation. Un gouvernement responsable aurait imposé l’exportation comme moyen d’enrichissement et non l’importation. C’est ce qu’a fait la Chine. Les importateurs en Algérie sont en train d’appauvrir le pays.

 

- Comment encourager les exportations ?

 

En mettant l’administration au service de la société, en réévaluant le dinar, en combattant la corruption, en valorisant le travail productif, en aidant les PME, en citant nommément les entrepreneurs publics et privés qui font rentrer des devises au pays par des exportations hors hydrocarbures. Et d’autres mesures encore. Il suffit de savoir ce qu’on veut et de se mettre au service du pays et non d’un groupe d’individus.

 

- Revenons aux syndicats. La cherté de la vie est-elle la seule explication de leur formidable mobilisation ? Les syndicats ne sont-ils pas motivés par des considérations politiques ?

 

La désorganisation totale de l’économie, le déficit chronique du secteur public, la spéculation et la corruption font que les prix en Algérie ont flambé. Ceci a motivé les titulaires des revenus fixes (travailleurs et fonctionnaires) à revendiquer des augmentations de salaires substantielles. Leurs actions ont des conséquences politiques mais leurs motivations sont salariales avant tout. Ils ne cherchent pas à faire tomber le gouvernement ; ils cherchent à récupérer le pouvoir d’achat perdu dans les années 1990.

 

- Comment expliquez-vous qu’ils se sont réveillés aujourd’hui et qu’ils soient devenus autant combatifs ?

 

Je crois que ce qui a fait basculer la masse des travailleurs du côté des syndicats autonomes, c’est l’augmentation des salaires des députés. Les médecins, les enseignants, les fonctionnaires… ont vécu cette augmentation comme une profonde injustice et l’ont trouvée indécente. Le gouvernement a pris une mesure dont il n’a pas calculé les conséquences. Surtout que la population ne voit pas l’utilité d’un député qui vote toutes les lois qui lui sont proposées et qui ne sanctionne jamais le gouvernement.

 

- Les affaires de corruption ont dû jeter de l’huile sur le feu ?

 

Certainement. Les affaires de corruption, avant les scandales de Sonatrach et de l’autoroute Est-Ouest, ont discrédité encore plus le gouvernement. Les travailleurs ont perdu confiance dans les dirigeants. C’est ce qui explique que les syndicats autonomes, qui étaient minoritaires il y a deux ans, sont devenus un partenaire social incontournable. Chez les enseignants, l’UGTA a quasiment disparu, et chez les praticiens de la santé, elle fait partie de l’histoire. L’absence du chef de l’Etat aggrave la situation. Les travailleurs ont le sentiment d’être abandonnés à eux-mêmes et que le Président se désintéresse de leur sort. Un système politique, quel qu’il soit, fonctionne soit aux institutions, soit au charisme du chef. En Algérie, il n’y a ni les institutions de l’Etat de droit ni le charisme du leader populaire.

 

- Quel regard portez-vous sur les nouveaux salaires annoncés par le ministère de l’Education nationale qui visaient à mettre fin aux grèves dans les lycées et collèges ?

 

De mon point de vue, cette annonce a été une erreur stratégique de la part du ministère de l’Education nationale. Il aurait fallu présenter ces augmentations comme le résultat de négociations avec les syndicats. Cette annonce unilatérale montre que le gouvernement a eu peur de l’année blanche dans les lycées et collèges et il a fait des concessions. Les enseignants vont certainement demander plus car ils ont compris que le rapport de force est en leur faveur

 

- Ne pensez-vous pas que ces augmentations vont inciter d’autres catégories de travailleurs à revendiquer des augmentations de salaires ?

 

Le gouvernement s’est mis dans une situation ingérable. Les salaires des différentes catégories des travailleurs appartiennent à une échelle où il y a des proportions à respecter. Or, le gouvernement a cassé la cohérence de la grille des salaires avec les policiers, les magistrats et les militaires. Le ministère a rendu publics les salaires des enseignants, ce qui a irrité ces derniers qui vont demander que les salaires des commissaires de police, des magistrats et des officiers de l’armée soient rendus publics.

 

- La question salariale est-elle une bombe à retardement ?

 

Ce gouvernement n’a pas les moyens de régler la question salariale. Il n’en a ni la volonté, ni la capacité ni l’autorité. Le gouvernement est en train de piloter à vue en plein brouillard et n’a pas de politique économique cohérente.

 

- Comment s’en sortir ?

 

Par des réformes politiques et économiques radicales. Si la population était représentée dans les institutions de l’Etat, en premier lieu l’Assemblée nationale, une politique salariale serait définie par des élus en qui la population aurait confiance. Et si les élus demandent des sacrifices à leurs électeurs, il y a des chances qu’ils soient entendus. Mais si un député gagne dix fois plus qu’un médecin, il perdra toute crédibilité. La confiance est un élément important dans la vie politique. Pour aider l’économie à créer des richesses, il faut apporter des modifications institutionnelles de telle manière à ce que n’importe quel citoyen ou agent économique puisse déposer plainte contre un inspecteur des impôts, un officier de douanes ou un chef de service de wilaya.

 

Avec une telle mesure, l’administration cessera d’être un obstacle au fonctionnement de l’économie nationale. Le régime algérien né en 1962 a épuisé sa dynamique et sa pertinence historiques en octobre 1988. Il a raté l’occasion de se réformer avec Mouloud Hamrouche. Depuis, il vit artificiellement grâce au pétrole et à la violence d’Etat. Le régime algérien est trop rigide et n’a aucune souplesse. Ou bien il perdure, ou bien il s’effondre. C’est dommage parce que dans le premier cas, il génère de nombreuses souffrances, et dans le second cas, il y aura mort d’hommes, ce qu’il faut éviter.

 

Par Amel Blidi, ELWATAN 14/03/2010

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LA STRATÉGIE DU CHOC

 

Michael WINTERBOTTOM et Mat WHITECROSS - documentaire GB 2009 1h22mn VOSTF - D'après le livre de Naomi KLEIN, publié chez Leméac/Actes Sud.

 

Du 03/03/10 au 23/03/10

 

Savez- vous comment se passe un électrochoc ?… Après la secousse électrique qui vous traverse le cerveau, vous voilà sonné, inconscient, vide. Vous ne savez plus qui vous êtes, où vous êtes et vous tentez de vous raccrocher à quelque chose qui pourrait apaiser cette angoisse qui vous submerge devant la profusion de question auxquelles vous ne savez plus répondre. Alors celui qui se trouve à côté de vous, et qui vous parle d'une voix rassurante a tout à coup un air de bouée de sauvetage dans un océan sans repères… Vous êtes redevenu un enfant dépendant, prêt à suivre sans réfléchir qui semble pouvoir vous protéger…

En 2007 Naomi Klein publiait La Stratégie du Choc : un traumatisme collectif, une catastrophe naturelle, un coup d'état, une attaque terroriste peuvent produire au niveau collectif le même genre d'effets que l'électrochoc évoqué plus haut. Quelqu'un a compris très tôt ce phénomène, un ultra-libéral pur jus qui ne jure que par le marché libre : c'est Milton Friedman, croisé en chef d'un capitalisme sans foi ni loi.

 

Prix Nobel d'économie en 1976, Friedman expérimenta ses théories au Chili avec Pinochet par l'intermédiaire des Chicago Boys, ses fidèles adeptes. Du coup d'état du 11 septembre qui renversa Salvador Allende jusqu'au 11 septembre qui vit la pulvérisation des tours jumelles, en passant par les Tsunamis, les politiques de Thatcher et Reagan, Gantanamo, l'Irak… Les théories de Friedman ont été adoptées par plein d'autres et on suit la montée du capitalisme du désastre pour le meilleur profit d'une minorité de vampires. Bien sûr, les quasis 800 pages de ce formidable bouquin ne sauraient être reprises dans le film concoctés par deux réalisateurs impressionnés par cette somme et qui ont choisi de s'appuyer sur des images d'archives pour démontrer la puissance du texte de Naomi Klein, sans pour autant l'absorber dans son intégralité. S'ils réussissent quelque chose, c'est au minimum à nous donner une furieuse envie de nous jeter sur le bouquin d'origine, pour savoir tout ce qu'ils disent n'avoir pas pu mettre dans le film : la crise boursière, Israël…

 

« Nous voulions que le film s'achève sur l'encouragement de Naomi à ne pas laisser les politiques décider seuls des changements. Si vous voulez que quelque chose change, vous devez contribuer personnellement à ce changement. »

 

Source : LA STRATÉGIE DU CHOC - Cinéma Utopia Bordeaux

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