Cyrta 10 Posted May 24, 2010 Partager Posted May 24, 2010 Depuis la fin des années de terreur, les Algériennes sont de plus en plus nombreuses à enlever leur hidjab. Des sociologues y voient l’effet de la modernisation de l’Algérie et du recul de l’islamisme. “Je ne pouvais plus supporter ces vêtements bien que mes convictions religieuses soient restées intactes, affirme Selma. Mettre le voile était devenu pour moi plus qu’une corvée.” Au plus fort de la tragédie nationale, il y a dix ans, il aurait été difficile d’entendre une jeune Algérienne tenir ces propos. Etudiante, Selma a commencé à porter le hidjab dès son plus jeune âge. “Nous habitions dans une région où le terrorisme n’a épargné personne. A l’époque, le voile était devenu obligatoire pour toutes les femmes et pour les jeunes filles de plus de 12 ans qui sortaient.” C’est son père qui lui a suggéré de porter le foulard, pour des raisons de sécurité. Plusieurs années plus tard, l’idée d’ôter son voile lui traversa l’esprit. “Après notre déménagement à Alger, une grande ville connue pour la diversité de sa population et des mentalités, j’ai commencé à l’envisager. Mon entrée à la faculté fut seulement un élément déclencheur. Rien n’a changé en moi, je suis aussi pieuse qu’avant. La religion ne se limite pas à ça ! Au final, ce n’est que mon apparence qui a un peu changé”, justifie la jeune fille, qui craint d’être mal comprise. Quand on l’interroge sur les raisons réelles qui l’ont poussée à prendre cette décision, Selma maintient : “Ce n’est sûrement pas par manque de foi…” Nacéra a également porté le voile. En l’enlevant, elle a voulu se libérer de la contrainte imposée par les années de terrorisme. Cette quinquagénaire a franchi le pas il y a quelques années. “Quelle femme ne s’est pas vue contrainte de porter le hidjab durant les années 1990 ? Toutes les femmes voyaient ce foulard comme l’ultime solution de survie. Il n’était pas rare d’en voir qui n’étaient même pas de confession musulmane le porter pour se mettre à l’abri de l’hydre terroriste ! Comme elles, je l’ai porté moi aussi, même si ce fut à contrecœur.” “Avec du recul, j’ai été influencée par la mode du hidjab, confie Mouna. J’étais à la faculté, beaucoup de filles avaient décidé de le porter. Lorsqu’une fille le mettait et qu’il lui allait bien, les autres finissaient par le mettre. Il faut dire aussi que c’était quelque chose qui attirait fortement les prétendants… Je suis tombée dans le même engrenage. Ce n’est qu’après, quand je suis entrée dans le monde du travail, que j’ai ouvert les yeux. Mon foulard ne me posait pas de problèmes dans ma vie de tous les jours, c’est juste que je ne savais plus pourquoi je l’avais mis. Au final, ma décision ne reposait sur aucune conviction, si ce n’est que le voile mettait mon visage en valeur.” Ces témoignages renseignent sur l’évolution de la société et le statut de la femme algérienne. C’est ce qu’expliquent bon nombre de sociologues algériens et étrangers qui se sont penchés sur la question. A commencer par les chercheurs du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD). “Ce phénomène, même s’il est relativement nouveau et encore peu étudié, traduit l’évolution de la femme algérienne, explique un de ses membres. Le voile était perçu comme une condition sine qua non de l’accès des jeunes filles, notamment du monde rural, à l’éducation et surtout à l’université. Et, contrairement aux idées reçues, c’est un symbole d’émancipation, un moyen pour investir la rue. Aujourd’hui, elles ont réussi. Le voile qui représentait leur passeport pour ces univers ne leur est plus utile.” Les Algériennes étaient scindées en deux groupes. Il y avait d’un côté les femmes instruites, travailleuses, vêtues de tenues occidentales, les cheveux découverts et qui circulaient librement. De l’autre, les femmes recluses, faisant de rares et brèves incursions publiques, parfois même accompagnées d’un “tuteur”. Le Pr Ouchaalal Kahina, également chercheuse au CREAD, défend un autre point de vue. “Le voile symbolise beaucoup de choses à la fois, explique-t-elle. Certaines le portent pour se trouver un mari.” En effet, [dans les années 1990] les jeunes femmes voilées étaient vues comme des femmes pieuses, vertueuses et soumises, n’ayant jamais eu de contact avec le sexe opposé. Or, aujourd’hui, avec les mutations enregistrées dans la société algérienne, encouragée par un mouvement de modernisation, ce critère de sélection semble désuet. Ouchaalal Kahina évoque également un autre aspect de la “hidjabisation”, abordé dans un article de la revue du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (CIDDEF) de mars 2008. Il y est expliqué que le voile est perçu comme “le moyen pour les femmes de voir sans être vues et la possibilité de communiquer avec les hommes”. Il reste qu’aujourd’hui la perception de cet “accessoire” n’est plus la même que celle d’il y a dix ou quinze ans. C’était au temps où l’islamisme bombait le torse. Kaouthar Semroudi Citer Link to post Share on other sites
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