leparisien 10 Posted June 18, 2010 Partager Posted June 18, 2010 S’élever contre la diabolisation d’Israël ne doit pas vous empêcher de voir ce qui a fait de Gaza une région de réfugiés désespérés et vous faire nier les effets tragiques du blocus, écrit Gidéon Lévy dans Ha’Aretz. Cher Bernard-Henri Lévy, Nous ne nous connaissons malheureusement pas. Nous nous sommes brièvement croisés dans les décombres fumants de Gori pendant la guerre de Géorgie. Vous y avez fait un passage éclair et, comme d’habitude, vous avez attiré l’attention, là comme dans d’autres zones de conflit où vous vous êtes rendu. J’admire profondément les intellectuels de votre stature, qui se font fort de visiter les champs de bataille et de faire entendre leur voix. Votre tentative de protéger Israël, dont témoignait votre article publié le 8 juin dans Ha’Aretz (“Il est temps de cesser de diaboliser Israël”), a fait plaisir à beaucoup d’Israéliens, qui avaient grand besoin que quelqu’un dise un peu de bien de leur pays, chose rare par les temps qui courent. Je ne gâcherai pas leur plaisir. Mais, au nom de votre appel à mettre un terme à la désinformation, je souhaiterais attirer votre attention sur des informations qui ont peut-être échappé à votre mémoire. On pourrait se risquer à penser que, dans votre jeune temps, vous auriez été l’un des membres de la flottille. A cette époque, un blocus de plus de quatre ans imposé à 1,5 million d’individus aurait éveillé en vous un impératif moral vous poussant à vous joindre à la contestation. Mais, aujourd’hui, pour vous comme pour la plupart des Israéliens, il n’y a pas de blocus de Gaza. En parler relève pour vous de la “désinformation”. Au fait, puisque vous étiez sur place, pourquoi n’en avez-vous pas profité pour faire un saut à Gaza, à l’instar de votre ami Mario Vargas Llosa, pour voir de vos propres yeux s’il y avait ou non un blocus ? Les médecins de l’hôpital Shifa [à Gaza], par exemple, vous auraient parlé de leurs patients qui décèdent à cause du “non-blocus”. Certes, personne ne meurt de faim. Pourtant, l’association Gisha pour la liberté de mouvement a publié cette semaine un rapport expliquant qu’Israël autorise l’importation de 97 produits à Gaza, contre 4 000 avant le siège. Vous n’appelez pas cela un blocus ? Un grand supermarché israélien propose 10 000 à 15 000 articles ; à Paris, il y en a sûrement plus encore. Pourtant, Gaza n’a droit qu’à 97 produits. S’il est quelqu’un dont on aurait attendu davantage de compréhension à l’égard des besoins gastronomiques, c’est bien le bon vivant raffiné que vous êtes. Vous dites, comme si vous vous faisiez le porte-parole de Tsahal, qu’Israël laisse entrer 100 à 125 camions par jour à Gaza. Une centaine de camions pour 1,5 million de gens : ne s’agit-il pas là d’un “siège impitoyable”, comme l’écrivait [Laurent Joffrin dans] le journal Libération, contre lequel vous vous élevez ? 8O % des habitants de Gaza vivent de l’aide humanitaire ; 90 % des usines de Gaza sont fermées ou tournent au ralenti. Vraiment, Bernard-Henri Lévy, ne sommes-nous pas là face à un blocus ? Ne devrait-on pas s’attendre que, plus que tout autre, un grand intellectuel comme vous sache que les gens, y compris les Gazaouis, ont besoin d’autre chose que de pain et d’eau ? Mais oublions les statistiques car, après tout, les philosophes ne s’encombrent pas de chiffres. Vous écrivez qu’Israël a été accusé “jusqu’à la nausée” d’être responsable de ce blocus – tiens, voilà que maintenant vous parlez de blocus ? –, imposé autant par Israël que par l’Egypte. C’est exact. La participation de l’Egypte est en effet scandaleuse et inexplicable, mais on ne peut juger selon les mêmes critères l’Egypte et Israël. L’occupation de Gaza n’est pas terminée, elle a simplement été levée, pour arranger l’occupant, mais Israël n’en reste pas moins responsable. La monnaie officielle de Gaza est le shekel, les registres d’état civil sont établis par Israël, qui surveille également toutes les entrées dans la bande de Gaza. Des décennies d’occupation ont rendu Gaza dépendante d’Israël, et Israël ne saurait s’en défaire par un simple “désengagement”. Mais cessons de parler du blocus, que vous le niiez ou que vous le justifiiez. Comment pouvez-vous ignorer le contexte ? Depuis quarante-trois ans, des millions d’individus – dont certains auraient pu espérer devenir Bernard-Henri Lévy, au lieu de perdre leur vie à se battre pour survivre – connaissent une situation d’occupation et de désespoir. Quelles chances un jeune Palestinien a-t-il de faire quelque chose de sa vie ? Regardez les photos des Gazaouis qui se pressent au poste-frontière de Rafah et observez l’expression imprimée sur leur visage Citer Link to post Share on other sites
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