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Pétrole contre pomme de terre


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Guest elkhamass

par Abed Charef

 

 

La pomme de terre est aussi chère que le pétrole. Mais elle est renouvelable. Le pétrole non.

 

La lourde sanction de la bureaucratie est tombée. Un fellah, qui avait stocké vingt tonnes de pomme de terre dans une chambre froide à Remchi, dans la wilaya de Tlemcen, a été pris en flagrant délit de spéculation. La direction du commerce de la wilaya a donc décidé de saisir la marchandise et de porter l'affaire en justice. C'est à peine si le communiqué annonçant la saisie n'accuse pas le fellah en question d'être à l'origine de la hausse du prix de la pomme de terre.

 

C'est donc une grande victoire de la bureaucratie. Et de la bêtise aussi. Car dans tous les pays du monde, la construction d'une chambre froide répond à un objectif évident, celui d'acheter des produits durant la période où ils sont abondants et à bas prix, pour les revendre en saison creuse, lorsque les prix remontent. Le fellah ou le commerçant qui investit dans ce domaine affiche donc son intention dès le premier jour. L'accuser de spéculation relève d'une analyse primaire, sans fondement économique, avec pour seul but de blanchir une bureaucratie incapable de promouvoir la production et qui se réfugie dans la sanction bête et méchante, un domaine dans lequel elle excelle car elle n'a de comptes à rendre à personne.

 

Ceci est valable pour la pomme de terre comme pour le lait, les céréales et les autres produits de large consommation, dont les prix connaissent une hausse importante sur le marché international. Pour tous ces produits, il y avait deux attitudes possibles, mais antagoniques. La première a pour objectif de sauver le ministre ou le directeur en poste. Elle consiste à faire un discours creux, à menacer les spéculateurs, à annoncer des importations massives, à promettre que les prix n'augmenteront pas, même si c'est faux, et à demander l'application de mesures aussi illégales qu'absurdes, comme la suppression des taxes pour la pomme de terre importée. La seconde démarche est celle qui devrait pousser les pouvoirs publics à explorer les moyens devant permettre d'augmenter la production dans les prochaines années, quitte à traverser une période d'impopularité. C'est le bons sens, mais le bon sens semble avoir déserté l'Algérie, d'autant plus qu'il nécessite une véritable réflexion, suivie d'une démarche basée non sur le souci de plaire au chef, mais sur la nécessité d'aboutir à des résultats pour le pays.

 

Pour la pomme de terre, la démarche est non seulement possible, mais nécessaire. A l'heure actuelle, le pays peut produire pour satisfaire ses besoins. Mais l'objectif à atteindre est de doubler la production pour répondre à la poussée démographique, d'un côté, et, d'un autre côté, remplacer les céréales par la pomme de terre comme aliment de base des Algériens.

 

Parvenir à un tel objectif nécessite une action sur plusieurs fronts: augmenter les surfaces cultivées, étendre et améliorer l'irrigation, trouver de nouvelles terres, parvenir à une meilleure maîtrise des techniques, et notamment le renouvellement des semences. C'est donc un immense effort qui s'impose pour la construction de nouvelles infrastructures d'irrigation, la mise en valeur ou la conquête de nouvelles terres, et l'injection d'investissements massifs, ainsi que la construction de structures de stockage pour conserver la pomme de terre et spéculer, oui spéculer, car il ne sert à rien de produire massivement de la pomme de terre si elle doit pourrir en été.

 

Au bout du compte, les pouvoirs publics avaient intérêt à manipuler les prix de la pomme de terre pour les pousser vers le haut, en vue de favoriser une augmentation de la production. Mais non seulement ils en étaient incapables, mais quand la conjoncture leur a offert cette occasion, ils ont décidé de ne pas la saisir, et même de la combattre. Ils préfèrent importer, subventionnant ainsi les producteurs européens, plutôt que de subventionner les producteurs algériens en leur fournissant les infrastructures de base nécessaires à l'extension de la production.

 

Pourtant, le marché international offre un exemple édifiant sur la manipulation des prix, destinée à réguler des marchés pour préserver les intérêts du pays à long terme. Ainsi, le prix du pétrole a triplé en quelques années. Pourtant, tous les analystes sont d'accord sur plusieurs points: la production est suffisante, il n'y a pas de risque de pénurie à court et moyen termes, aucune crise majeure n'est attendue dans l'immédiat.

 

Pourquoi donc cette hausse ? Simplement parce que les pays riches, Etats-Unis en tête, ont besoin d'un prix du pétrole élevé pour relancer l'exploration et favoriser également la recherche et la construction dans le domaine du nucléaire. Un prix du pétrole élevé permet de contrer les lobbies écologistes, de justifier les investissements lourds qu'impose le nucléaire et de relancer une recherche coûteuse. Qu'importe les difficultés conjoncturelles si elles sont nécessaires pour préserver les intérêts du pays sur le long terme. Encore faudrait-il que cette affirmation puisse avoir cours en Algérie.

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