Vain Août ?

[Guest elkhamass]

par Ahmed Saïfi Benziane

 

Des symboles d'une nation, il faut, bien sûr, compter les dates et leurs célébrations en des rituels qui se transmettent de génération en génération pour marquer l'Histoire, la mémoire. Pour que l'oubli soit combattu, pour que les erreurs soient évitées. Voilà une occasion de célébrer un Vingt Août, qui passera de dépôts de gerbes de fleurs au pied de monuments aux morts, à des réceptions de retrouvailles dans des cercles fermés au public. A la société.

 

Une occasion de plus qui ne transmettra que des images d'une télévision zappée par son propre mutisme sur les questions de fond. Le fond, c'est ce qu'auront retenu les jeunes de cette date en plein été, mois des loisirs. Le fond, c'est cette image de grandeur du combattant pour la libération qui a été traînée dans la boue par ceux-là mêmes qui auraient mené le combat. Le fond, c'est ce qui reste une fois le fleuve asséché. Et que reste-t-il puisque l'assèchement est venu à bout de toute volonté ? Pas grand-chose.

 

Les géants qui ont marqué nos esprits d'enfants de la guerre ont été réduits pour certains à quelques licences de taxi ou de débit de boissons, pour d'autres à quelques centenaires en provenance de toutes parts. Et c'est peut-être dans ce sens qu'une révolution s'est transformée en simple guerre de libération. Qu'une indépendance n'a réussi qu'à diviser des régions, l'intérêt commun et un pays grand comme un paradis. Trop peu pour un peuple qui attendait tellement d'une guerre. Pour ceux qui ont refusé la comptabilité de la «fiche communale», ceux-là, nombreux malgré ce que l'on pense, ont subi l'exil intérieur et se sont réfugiés dans la marge. Aux côtés des pauvres et des sans-abri, à l'ombre d'un silence chargé de non-dits.

 

Comment écrire, comment décrire ce qui s'est passé ? Lourde charge pour les intellectuels qui ont fait le choix de rester. Amertume de la sincérité pour ceux qui ont choisi l'ailleurs, juste pour dire par la plume. Les uns et les autres se bousculent aux portes de la vérité fermées pour cause d'inventaires, en attendant l'arrivée de ceux qui n'ont rien à se reprocher et qui peuvent défier les archives sans complexe, sans attendre d'excuses de la France coloniale, ni de l'autre France d'ailleurs, ni de Rome. Le bourreau ne présente jamais d'excuses, il tue sous le regard de la loi et en son nom. Ceux qui viendront et qui ne seront pas avalés par la mer de tous les dangers, berceau de l'inhumanité: ceux-là demanderont que l'Histoire soit écrite en remontant le temps et intégreront la guerre de sept ans dans un chapelet de guerres depuis le début. Le tout début. Jusqu'à nos jours.

 

Et ils interrogeront le moindre geste, le moindre souffle, le moindre vent, pour en extraire quelques fleurs, quelques épines. Et cela fera certainement mal là où cela devrait faire du bien. Sereinement. Ils comprendront pourquoi il y avait de faux moudjahids qui n'ont laissé que quelques mots, quelques discours, et de vrais combattants qui ont laissé un silence merveilleusement interprétable.

 

Juste pour que le 20 Août, tout comme les autres dates depuis l'arrivée des Romains et des autres qui se sont succédé, ne soit plus qu'une date. Pour que le moudjahid ne soit ni ancien ni nouveau, mais un homme de la rue qui intégrera l'institution sur son rôle, sa raison d'être et non un robot répétiteur de bonnes aventures dont il pense détenir l'exclusivité, alors qu'elles sont un patrimoine commun. Vainement.

[salmi 105]

Arrêtons de nous poser les questions dont nous connaissons les réponses

 

Le problème en Algerie est que nous avons une lecture partisane de l'histoire de notre pays, pire encore, cette lecture est quasiment clanique dans bien des cas.

 

Aussi, nous savons pourquoi le 20 Août, date anniversaire du congrès de la Soumam, passe sans être particulièrement célébré par les autorités du pays, ni remarquablement souligné par certains médias.

 

A l'inverse, on fête d'autres anniversaires bruyemment. Les algeriens savent.