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Quand la guerre d'Algérie inspire les écrivains


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La guerre d'Algérie a inspiré Passé sous silence à Alice Ferney et Où j'ai laissé mon âme à Jérôme Ferrari. A travers les destins de frères d'armes déchirés, deux histoires fortes sur l'injustice et la morale. Explications des auteurs.

 

Le documentaire télévisé serait-il le meilleur allié du roman, un formidable pourvoyeur d'idées ? Sans L'Ennemi intime (2002), le film de Patrick Rotman sur la guerre d'Algérie, Alice Ferney aurait-elle écrit Passé sous silence et Jérôme Ferrari, Où j'ai laissé mon âme, deux des plus forts récits de cette rentrée littéraire ? Sans doute pas. Alice Ferney avoue avoir ressenti un "choc" en découvrant l'extrême violence du conflit algérien - tortures, viols, mutilations... - mais aussi la part d'ombre, l'"ennemi intime" tapi en soi, capable du pire.

 

La romancière, née en 1961 - année chargée : référendum sur l'autodétermination, putsch des généraux, plasticages tous azimuts de l'OAS... - n'avait qu'une connaissance académique de la période. Depuis L'Ennemi intime, elle a pris le sujet à bras-le-corps, visionné tous les films disponibles, lu, dévoré même : La Guerre d'Algérie, d'Yves Courrière, Mon père, le dernier des fusillés, d'Agnès Bastien-Thiry, La Question, d'Henri Alleg, La Tragédie du général, de Jean-Raymond Tournoux, Algérie 1962, la guerre est finie, L'Algérie algérienne, de Jean Lacouture, Mémoires. Les champs de braise, d'Hélie de Saint-Marc, les ouvrages de l'historien Benjamin Stora... Elle a aussi interrogé des militaires, recueilli leur témoignage : elle voulait savoir. Plus elle progressait dans la complexité du drame algérien, plus "elle admirait, confie-t-elle à L'Express, les positions courageuses et solitaires d'Albert Camus ou de Germaine Tillon". Seule une affaire continue de la chiffonner : "l'injustice" faite à Bastien-Thiry, le chef du commando OAS de l'attentat raté du Petit-Clamart contre de Gaulle, fusillé un petit matin de mars 1963. Cette "injustice" est au coeur de son nouveau récit.

 

Jérôme Ferrari, né six ans après l'indépendance de l'Algérie (1968), a découvert L'Ennemi intime à Alger, alors qu'il enseignait la philosophie au lycée français. "C'est un film miraculeux", dit-il. La figure de l'officier, ancien résistant, déporté dans un camp de concentration nazi, interné dans un camp viêt-minh, puis tortionnaire, l'a bouleversé. Il a voulu en savoir plus sur le système concentrationnaire et son universelle abomination. Il s'est plongé dans les Récits de la Kolyma, de Varlam Chalamov, dont Soljenitsyne a dit : "[...] C'est à lui et non à moi qu'il fut échu de toucher le fond de l'abîme de férocité bestiale et de désespoir vers lequel toute la vie des camps nous entraînait." Dans le film de Rotman, un témoin avait, plus que d'autres, retenu son attention : Jean-Yves Templon, l'ex-séminariste qui avoue l'effroi mêlé de fascination qui l'assaillait à chaque séance de torture de prisonniers algériens. Le romancierl'a rencontré plusieurs fois et il lui dédie son magnifique roman, Où j'ai laissé mon âme...

 

Par Emmanuel Hecht

 

© Copyright L'Express

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