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NÉGOCIATIONS Aux Émirats, le contrat du Rafale sur une pente fatale


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Voici une affaire comme seuls les Français savent en inventer ! Depuis le début de l'été, les négociations sur la vente d'une soixantaine d'avions de chasse polyvalents Rafale aux Émirats arabes unis, pour six milliards d'euros au bas mot, sont au point mort. Pire : une rupture définitive n'est plus complètement écartée, faisant craindre à plusieurs responsables en charge du dossier que celui-ci se trouve désormais engagé sur une pente fatale. Les lourdes exigences technico-financières présentées depuis le début des négociations par les Émirats ne sont pas insolubles, mais c'est avec peine, et sans succès, que les deux parties cherchent un rapprochement depuis plus de deux ans. Là-dessus, les autorités des Émirats ont pris ombrage (le mot est faible !) de deux articles de presse successifs. Publié fin juin, le premier avait conduit à une première suspension des discussions. Fin août, le second a précipité la rupture. Le risque qu'elle soit définitive est bien réel. Rompant de facto les négociations exclusives avec la France, les Émirats ont demandé des informations à Boeing sur deux de ses appareils : le F/A-18E/F Super Hornet, en compétition contre le Rafale au Brésil, et le F-15, qui a gagné contre le chasseur national en Corée et à Singapour.

 

Le premier accroc se produit le 26 juin. Sous la plume de son journaliste Georges Malbrunot, excellent connaisseur du monde arabe, Le Figaro publie un article bien informé relatant le fait que la sécurité de l'émirat d'Abu Dhabi repose pour une large part sur la technologie israélienne (drones, systèmes de surveillance, images satellitaires), L'information n'était pas nouvelle, puisque le quotidien Haaretz l'avait révélée deux ans plus tôt. Mais, dans le Golfe, ce journal israélien est jugé sans intérêt... C'est autre chose quand il s'agit un organe de presse français, citant l'ancien chef de l'armée de l'air des Émirats. Le général Khaled al Bu-Ainnain confirme à demi-mot : "Pour nous, c'est une question de survie. Regardez ce qui est arrivé au Koweït en 1990. Il n'avait pas de tel système d'alerte ; et, un matin, les Koweïtiens se sont réveillés avec l'armée irakienne contrôlant les carrefours de leur capitale." Les Émiriens n'aiment pas trop être désignés comme des traîtres à la cause arabe, surtout quand l'accusateur n'est autre que le journal d'un fournisseur de l'armée nationale (Le Figaro est la propriété de Dassault) ! Lors de la visite d'un envoyé de l'Élysée en juillet, celui-ci entendit de la bouche de son interlocuteur, le prince héritier et ministre de la Défense Mohammed ben Zayed Al Nahyane, des propos assez désagréables quand ils sont tenus par un client : "Nous négocions. Pourquoi m'avez-vous planté un poignard entre les omoplates ?" Pour sa part, Serge Dassault aurait fait répondre qu'il "ne contrôle pas" les journalistes du Figaro. Un discours qui a du sens à Paris, pas aux Émirats.

 

Des secrets révélés

 

 

Là-dessus, alors que la plaie ouverte n'était pas refermée, c'est un officier général français qui passe la deuxième couche. Dans une interview à la revue Défense et sécurité internationale (groupe Areion) parue en août, le général de division Alain Silvy, sous-chef d'état-major plans programmes à l'état-major de l'armée de l'air (promu le 7 juillet dernier au poste d'inspecteur de l'armée de l'air, en gagnant une quatrième étoile), donne des précisions sur les discussions confidentielles entre la France et les Émirats. Là encore, les exigences étaient connues : nous les avions révélées dans les grandes lignes en mars 2009. Mais là, c'est différent : Alain Silvy donne des précisions jamais vues sur les attentes des Émirats en matière de puissance des moteurs, de performances de l'antenne du radar AESA, voire de spécification du Spectra (Système de protection et d'évitement des conduites de tir du Rafale). Pour les Émiriens, qui demandent le secret sur tout ce qui concerne leurs armements, les voilà servis. Même leurs demandes en matière de guerre électronique sont révélées : "Au-delà du radar, ils font montre d'exigences assez fortes sur les évolutions du Spectra avec, par exemple, l'élargissement de certaines bandes, l'augmentation de la sensibilité, l'ajout de fonctionnalités, bref, ils veulent que l'on pousse au maximum les technologies actuelles."

 

 

 

 

 

 

 

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Pour un industriel français très proche du GIE Rafale (associant Dassault, Thales et Snecma), "cette interview a violé à la fois le secret et l'obligation de réserve. On est entre la puérilité et l'inconscience. Si un général ne comprend pas ça, où va-t-on ?" Sans doute, le général Silvy n'était-il pas en charge du dossier à l'état-major de l'armée de l'air et n'avait-il soumis son article pour approbation ni au chef d'état-major, le général Jean-Paul Paloméros, ni au cabinet du ministre de la Défense Hervé Morin. Pour un diplomate connaissant bien le Golfe, et cette négociation, "il ne faut vraiment pas connaître la région, la famille régnante, ni tout ce qui touche le secret de négociations en cours ou les relations inavouables des Émirats avec Israël, pour ne pas mesurer l'extrême gravité de cette affaire."

 

Humiliation

 

 

À entendre ces derniers jours plusieurs sources françaises proches du dossier, les négociations sont très compromises, mais le contact n'est pas rompu. Pour l'un de nos interlocuteurs : "La France a gravement humilié le prince héritier, son interlocuteur et ami, celui qui veut lui acheter ses avions. Si les choses peuvent repartir, cela prendra des mois !" Mais Paris est en position de grande faiblesse : "On est dans leurs mains, c'est eux qui choisissent", avoue un connaisseur du dossier. À Abu Dhabi, des officiels auraient dit à leurs interlocuteurs français : "C'est à Nicolas Sarkozy de régler ce problème." Une source gouvernementale citée par Reuters affirme, pour sa part, qu'il s'agit d'un "mouvement d'humeur tout à fait compréhensible, qui se traduit par un ralentissement des discussions, mais il n'y a pas de rupture." Voir !

 

 

Le 13 septembre, l'hebdomadaire spécialisé Defense News avait annoncé que les Émiriens avaient demandé durant le mois d'août à Boeing des informations sur les versions monoplace et biplace du F/A-18E/F Super Hornet. Ce n'est peut-être pas encore le crash, mais il va falloir réagir vite !

NÉGOCIATIONS : Aux Émirats, le contrat du Rafale sur une pente fatale, actualité Défense ouverte : Le Point

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