L'ingouchie Vers Le Chaos : Assassinats De Russes, Attentats "islamistes", Repress

[Guest anais]

Assassinats de Russes, attentats "islamistes" et répression entraînent l'Ingouchie vers le chaos

LE MONDE | 01.09.07 | 14h34

MOSCOU CORRESPONDANTE

 

Région voisine de la Tchétchénie, dans le sud de la Russie, l'Ingouchie (500 000 habitants) est depuis quelques mois le théâtre d'attentats incessants et d'assassinats de civils imputés à des rebelles islamistes. Vendredi 31 août, une voiture a explosé au centre-ville de Nazran, capitale de l'Ingouchie, tuant quatre policiers et en blessant deux autres. Deux jours plus tôt, des inconnus armés ont ouvert le feu sur un véhicule qui transportait des gardes frontières russes, tuant deux militaires.

 

 

Dans la nuit de jeudi à vendredi, le mari et les deux fils d'une institutrice russe, Vera Dragantchouk, ont été tués d'une balle dans la tête par des inconnus, à leur domicile, dans le village de Karaboulak. L'enseignante a raconté, sur la première chaîne russe, avoir réussi à échapper aux assaillants en sautant par la fenêtre. Selon les premiers éléments de l'enquête, les assassins ont utilisé des pistolets munis de silencieux.

 

Ce n'est pas la première fois que des Russes sont assassinés en Ingouchie. A la mi-juillet, dans le village d'Ordjonikizevskaïa, une institutrice russe, Lioudmila Terekhina, et ses deux enfants (un fils de 24 ans et une fille de 19 ans) ont été tués de la même façon, à leur domicile.

 

Selon le parquet ingouche, ces assassinats auraient été commis par des rebelles islamistes qui viseraient à faire échouer le programme de retour des Russes en Ingouchie lancé par les autorités depuis 2002. Deux guerres extrêmement brutales en Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2002) ont contraint les Russes installés dans la région, en Tchétchénie mais aussi en Ingouchie, à partir. Depuis la fin des hostilités, quelques centaines de familles sont revenues. Promptes à mettre en avant les agissements de "terroristes islamistes", les autorités ingouches sont indifférentes à la vague de répression qui s'abat sur la population, les jeunes surtout.

 

OPÉRATIONS DE "NETTOYAGE"

 

Le 23 août, Moscou a dépêché sur place 2 500 militaires du ministère de l'intérieur (OMON) chargés de procéder à de vastes opérations de "nettoyage" (zatchistka). Au cours d'une de ces opérations, le 29 août, sur un marché non loin de Nazran, les OMON ont tué un jeune Ingouche de 18 ans, Islam Garakoev. Selon les militaires, il s'agissait d'un terroriste armé. Toutefois, les témoins cités par le correspondant sur place de Radio Svoboda donnent une tout autre version de la scène. Selon eux, le jeune homme a été tué à bout portant alors qu'il n'offrait aucune résistance. Les militaires auraient, selon ces témoins, empêché qu'il lui soit porté secours. En signe de protestation, une foule s'est massée autour de la morgue, appelant le président ingouche, Mourat Ziazikov, à la démission.

 

En visite à Moscou, Mourat Ziazikov a accusé la presse de diffuser des informations mensongères et alarmistes : "Je dirai que nous avons affaire là à une guerre de l'information. (...) La situation s'améliore en Ingouchie et, bien sûr, cela déplaît à certains, en particulier à certaines forces qui agissent depuis notre pays et depuis l'étranger." Selon Magomed Moutsoulgov, de l'ONG Macher, la brutalité policière est à l'origine du chaos qui règne en Ingouchie. "Les forces de police et les militaires sont responsables de nombreuses violations des droits de l'homme en toute impunité", explique-t-il.

 

Depuis l'arrivée au pouvoir du général du FSB Ziazikov, en 2002, une répression aveugle s'est abattue sur la population. Les groupes de défense des droits de l'homme dénoncent les enlèvements effectués de nuit par des hommes masqués qui emmènent leurs victimes dans des véhicules militaires sans plaques d'immatriculation et réclament ensuite des rançons pour restituer les corps aux familles.

 

L'Ingouchie figure parmi les régions les plus pauvres de la Fédération de Russie. La petite république méridionale a souffert des conséquences du conflit tchétchène et nombre d'Ingouches ont rejoint la rébellion tchétchène.

Marie Jégo

Article paru dans l'édition du 02.09.07.