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La Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie dénoncée


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La Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie dénoncée

 

Gilles Manceron, historien et vice-président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a affirmé que

la décision d’installer cette fondation montre que la société française est “à la croisée des chemins”.

 

Le secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, a installé hier à l’Hôtel des Invalides la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, en application de l’article 3 de la loi du 23 février 2005. Cette loi demandait (dans son article 4 abrogé) que “les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord”. La fondation a pour vice-président celui qui a été le principal artisan de cette loi, M. Hamlaoui Mekachera.

 

Dans son conseil d’administration, outre cinq représentants de l’État, siègent trois généraux (Bertrand de La Presle, Jean Salvan et François Meyer), signataires en 2002 d’un manifeste affirmant que “ce qui a caractérisé l’action de l’armée française en Algérie, ce fut d’abord sa lutte contre toutes les formes de torture”, rappelle la Ligue des droits de l'Homme. Ce texte est la préface d’un Livre blanc de l’armée française en Algérie qui s’en prend violemment, comme au temps de cette guerre, à la soi-disant campagne de “désinformation” contre l’armée, attribuée notamment au quotidien Le Monde, et qui conteste que des instances universitaires aient admis à la soutenance la thèse de l’historienne Raphaëlle Branche, “L’armée et la torture dans la guerre d’Algérie”, primée à l’Institut politique de Paris par la mention très bien et les félicitations d’un jury unanime et parfaitement qualifié.

 

C’est au conseil d’administration de cette fondation qu’il reviendra de choisir un conseil scientifique, dont il n’a pu encore annoncer la composition, en “nommant les chercheurs qui lui sembleront le plus à même d’apporter leur pierre singulière à l’édifice de la mémoire”. Loin des déclarations de M. Falco disant que cette fondation œuvrera à l’apaisement et à la réconciliation, une telle institution, en raison notamment de la confusion qu’elle entretient entre mémoire et histoire, des conditions de son installation et de sa composition, ne peut qu’apparaître comme un obstacle aux demandes, auxquelles la Ligue des droits de l’Homme a toujours été attachée, de vérité et de reconnaissance concernant la période tragique de la guerre d’Algérie.

Gilles Manceron, historien et vice-président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a affirmé que la décision d’installer cette fondation montre que la société française est “à la croisée des chemins”. Il a relevé que “d’une part, une grande partie de la population française demande que la vérité soit dite sur la nature de la colonisation et, d’autre part, une fraction de celle-ci, plus âgée, surtout implantée dans le Midi de la France, ne veut rien reconnaître, ni regarder en face, et reste attachée aux dénégations et aux anciens mensonges”.

 

M. Manceron a déploré que la fondation en question soit contrôlée par “des institutions à la tête desquelles se trouvent des généraux qui persistent dans la justification de l’emploi de la torture par l’armée française en Algérie et dans la négation du mouvement nationaliste algérien”. Il a ajouté que les tenants de cette fondation “tournent le dos” au travail conduit par de nombreux universitaires français en collaboration avec leurs collègues algériens pour une réécriture “honnête” de l’Histoire. L’installation de cette fondation risque de susciter “un tollé” non seulement en Algérie mais aussi en France, a averti Gilles Manceron. De son côté, l’historien Olivier Le Cour Grandmaison a estimé que cette fondation confirme que “l’offensive de la majorité actuelle (la droite UMP, ndlr) se poursuit sous des formes diverses et se poursuivra sans doute jusqu’en 2012 pour des raisons électoralistes”.

Il a souligné que la loi “scandaleuse” du 23 février 2005, qui “sanctionnait une interprétation positive, officielle et mensongère de la colonisation française”, n’a “aucun équivalent européen, sinistre exception française” et “n’est pas l’épilogue d’une offensive idéologique menée, il y a cinq ans, mais bien le prologue d’un combat en réhabilitation qui n’a jamais cessé depuis”. Aux yeux de cet historien, il est essentiel que les candidats des gauches parlementaires et radicales présents au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 “prennent clairement position pour l’abrogation de cette législation” qu’il a qualifiée de “scélérate”.

 

Pour Henri Pouillot, militant anticolonialiste, ancien appelé de la guerre d’Algérie et auteur du livre La villa Susini qui dénonce la pratique de la torture en Algérie par l’armée coloniale, la politique “menée par le pouvoir actuel” dans le domaine de la mémoire est “inquiétante”.

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