ichigobelg 10 Posted September 7, 2007 Partager Posted September 7, 2007 Au Maroc, se déroulent aujourd'hui les deuxièmes élections législatives depuis l'accession au trône de Mohammed VI en 1999. Ce scrutin, qui a valeur de test démocratique, pourrait donner lieu à une percée des islamistes modérés du Parti de la justice et du développement. Depuis le début de la décennie, le royaume tente de se développer à marche forcée pour faire reculer les frontières de la pauvreté encore très importante. Le réveil du Maroc Des jeunes filles avec des voiles ? Oui, il y en a. Et des jeunes filles aux terrasses de café aussi : vous n'en voyiez pas il y a quinze ans. » Comme beaucoup d'autres, dans les milieux aisés de Casablanca, Wafaa Guessous, secrétaire générale d'Attijariwafa Bank, s'étonne à l'évocation du risque d'une montée de l'islamisme au Maroc. Aujourd'hui, à l'occasion du deuxième scrutin législatif depuis l'accession au trône de Mohammed VI, les islamistes du Parti de la justice et du développement (PDJ), pourraient pourtant devenir la première force politique du royaume. Les dirigeants du PJD y croient. « Normalement, on doit être le premier parti », a anticipé son secrétaire général, Saâd Eddine Othmani. Le scénario est évoqué depuis plusieurs mois. Sans qu'il provoque de traumatisme. Les islamistes du PJD sont considérés comme modérés. Leur percée ? Au Maroc, on veut y voir le simple résultat d'une certaine fatigue à l'égard des deux grands partis historiques, l'Istiqlal et l'Union socialiste des forces populaires. Et la traduction d'un regain de religiosité, dans un pays où la moitié des Marocains ont moins de 23 ans et qui s'est rapidement ouvert aux influences extérieures. Les milieux économiques ne semblent d'ailleurs pas s'en s'émouvoir. « Même si le PJD accédait au pouvoir, cela ne changerait rien aux affaires. C'est un parti libéral », tranche Jean-Luc Martinet, le président de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc. En outre, le PJD n'aura pas la majorité absolue. Et il n'est même pas sûr que le roi soit prêt à lui offrir une poignée de portefeuilles ministériels. Activisme gouvernemental Contre une éventuelle poussée de fièvre fondamentaliste, Mohammed VI, sur le trône depuis 1999, a choisi une méthode : développer, à marche forcée, son pays, où 20 % de la population vivent encore dans une grande pauvreté. L'économie du royaume dépend encore trop des récoltes céréalières, soumises aux caprices du ciel. « L'attentisme qui prévalait sous Hassan II est terminé. Tout est à construire au Maroc. C'est une opportunité formidable », commente Kamal Nasrollah, associé du cabinet d'avocats August & Debouzy. « Le roi veut faire avancer les deux Maroc, celui de la bourgeoisie commerçante et le Maroc moyenâgeux. Le développement de l'un sera le salut de l'autre », poursuit-il. De mémoire de Marocains, il y avait longtemps que le royaume n'avait pas assisté à un tel activisme gouvernemental. La stratégie relève du sprint, plus que de la course de fond. L'initiative nationale de développement humain, avec 1 milliard d'euros investis sur cinq ans pour mettre à niveau environ 300 communes rurales très déshéritées et de plus de 200 quartiers urbains, est en une illustration. C'est « une course contre la montre pour occuper le terrain et arracher les populations pauvres des mafias religieuses », explique Nadia Salah, administratrice du groupe EcoMédias qui édite le quotidien « L'Economiste ». Infrastructures routières et autoroutières (Agadir n'est plus qu'à deux heures de Casablanca), logements sociaux neufs qui se comptent en dizaines de milliers, aménagements touristiques, création de zones franches industrielles : le gouvernement de Driss Jettou a métamorphosé le royaume en un gigantesque chantier à ciel ouvert. Les pelleteuses sont à l'oeuvre De nouvelles stations balnéaires sortent ou vont sortir de terre, avec l'appui des capitaux espagnols et moyen-orientaux notamment : Tazghazout, Mogador ou Mazagan sur la côte Atlantique ; Saïda sur les rives méditerranéennes, à quelques encablures de la frontière algérienne. Le plan Azur, lancé en 2001, visait 10 millions de touristes par an à l'horizon de 2010. Le pays en a reçu, l'an dernier, environ 6 millions, dont 2,5 de Marocains qui résident à l'étranger. Et dans la foulée de l'accord ciel ouvert conclu entre l'Union européenne et le Maroc, les compagnies aériennes à bas coût, comme Jet4 you, bousculent le duopole confortable de Royal Air Maroc et Air France. « Les autorités ont cédé des terrains à des coûts très attractifs aux opérateurs, car leur priorité, ce sont vraiment les créations d'emplois », confirme Jean-Luc Martinet. Partout, dans toutes les régions du pays, les pelleteuses sont à l'oeuvre. « Nous réalisons des suppléments régions où il y a quelques filons publicitaires. Dans le Sud, nous avions prévu 2 pages. Nous avons terminé à 24. On va d'étonnement en étonnement. Cela bouge partout », raconte Nadia Salah. Tout en fondant de gros espoirs sur le tourisme, le Maroc cherche aussi à s'imposer comme un atelier de production pour les pays du Vieux Continent. Engagé dans des accords de libre-échange avec l'Union européenne et les Etats-Unis, il était temps que le Maroc se secoue. En 2005, le cabinet de conseil en stratégie McKinsey avait tiré la sonnette d'alarme : si le Maroc ne se réveille pas très vite, il n'aura aucune place dans la globalisation, estimait McKinsey. Les autorités marocaines avaient été assommées par ce sombre pronostic. Mais elles ont vite trouvé la parade, avec le plan Emergence. Il fixe comme priorité de faire du Maroc un pays compétitif dans l'agroalimentaire, l'aéronautique, l'automobile, l'off-shoring (centres d'appels, sous-traitance ou délocalisation d'activités administratives ou informatiques), l'électronique et le textile. « Une offre compétitive » Mohamed Ali Ghannam, président de MedZ, filiale de la CDG Développement est aussi chargé de développer le projet de Casanearshore, un parc d'affaires dédiées à l'off-shoring devant ouvrir en 2008. « L'outsourcing est inéluctable, affirme-t-il. Cela a déjà eu lieu en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, avec d'importants mouvements de sous-traitance en Inde. Le monde francophone n'en est qu'à ses débuts. Le Maroc doit donc se positionner sur une offre compétitive sans attendre. Regardez : l'Inde forme déjà des francophones », insiste Mohamed Ali Ghannam. Un discours relayé par Jamal Mikou, le directeur général de Tanger Free Zone. « Les délocalisations ont été mal présentées, diabolisées en France. Les entreprises installées dans la zone franche de Tanger sont devenues plus compétitives. Les Espagnols n'ont absolument aucun état d'âme. Ils arrivent à une vitesse vertigineuse. » Pour mener de front la politique de réformes, de restructuration des grandes entreprises publiques et attirer des investisseurs internationaux, Mohammed VI a rebattu les cartes. Il a notamment procédé à quelque 300 nominations depuis son accession au trône. Walis (les préfets), ministres, directeurs de sociétés publiques : bien peu de postes ont été épargnés. « M6 », comme on surnomme souvent le roi, a rajeuni les grands décideurs politiques et économiques du pays. Dans le lot, beaucoup de quadras et surtout de têtes bien faites. Parfois condisciples de « M6 » au Collège royale, ils ont usé les bancs des grandes écoles françaises, fréquenté de prestigieuses universités américaines ou canadiennes. Témoins de ce changement de génération Adil Douiri, ministre du Tourisme et de l'Habitat, Karim Ghellab, ministre de l'Equipement et du Transport ou encore Taoufik Hjira, ministre délégué à l'Habitat et à l'Urbanisme ou encore Mustapha Bakkoury, bombardé en août 2001, directeur général de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), l'équivalent marocain de notre Caisse des Dépôts et Consignations. « Trop jeunes, pas d'expérience », raillent les détracteurs des choix du jeune souverain. Peut-être. Pourtant, les premiers résultats sont là. C'est le Fond monétaire international lui-même qui le dit. Dans sa dernière évaluation de l'économie marocaine, le FMI estime que la croissance du royaume alaouite devrait atteindre à 5,9 % en 2008, deux fois plus qu'en 2007 (2,5 %). L'inflation est contenue. Et les investissements directs étrangers sont passés de 500 millions de dollars au milieu des années 1990 à 3 milliards de dollars l'an dernier. Mais, comme toujours, le fonds ne délivre pas de satisfecit sans avertissement. « Il faudra que le Maroc confirme et améliore ses solides performances économiques pour rapprocher son revenu par habitant de celui des pays émergents de l'OCDE et réduire davantage le chômage et la pauvreté », souligne-t-il. Tripler le nombre d'ingénieurs Les points noirs de l'économie marocaine demeurent nombreux : un système administratif archaïque, un Code du travail manquant de flexibilité, un coût élevé de l'énergie, une corruption mal maîtrisée... Le royaume n'est pas au bout de ses peines. Anachronique, l'agriculture, qui représente 12 à 16 % du PIB et emploie 45 % de la population active, plombe l'économie marocaine. L'exode rural est en marche, avec souvent un désastre social à la clef. « Des filles de 15 ans viennent du bled faire la bonne pour 400 dirhams par mois » (36 euros), résume un homme d'affaires. Surtout, pour assouvir ses ambitions, le royaume doit s'attaquer à son système éducatif, défaillant. Quelque 90 % des Marocains entrent dans le primaire, mais plus de la moitié abandonne l'école avant le secondaire. Et le royaume du Maroc ne produit, bon an mal an, que 4.000 ingénieurs. Il voudrait tripler ce nombre. Le réveil du Maroc - VIE POLITIQUE Citer Link to post Share on other sites
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