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L’historiographie française de l’Algérie et les Algériens en système colonial


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Voici le texte intégral de l'intervention de Gilbert Meynier à Alger lors des débats d'El Watan du 22 octobre 2010, aux côtés de Mohammed Harbi et de Mohammed Hachemaoui.

 

Avant d’explorer un passé plus ancien, remontons d’abord à 1830 et aux quatre décennies qui suivirent. Les morts algériens de l’implacable conquête de l’Algérie peuvent être évalués entre 250 000 et 400 000 .

 

Les victimes de la destructuration du vieux mode de production communautaire, en particulier lors de la grande famine de 1868 suite à une récolte désastreuse, étudiée no-tamment par André Nouschi , furent bien aussi nombreuses, et peut-être plus : au total il y eut disparition peut-être bien d’un quart à un tiers de la population algérienne de 1830 à 1870.

 

La population se mit à remonter à partir de la fin du XIXe siècle, plus du fait de ce que les Québécois appellent la « revanche des berceaux » que de la médecine : en 1914, l’Algérie, colonisée depuis 84 ans, compte 77 médecins de colonisation, moins qu’au Maroc, dont l’occupation a commencé sept ans plus tôt.

 

Il y eut en Algérie aussi dépossession de 2,9 millions d’ha sur 9 millions cultivables : le tiers en quantité, mais plus en qualité car ce sont les meilleures terres qui furent prises du fait des confiscations, des expropriations pour cause d’utilité publique, de saisies pour dettes de paysans insérés de gré ou de force dans le système monétaire et ayant dû mettre leurs terres en gage.

 

Quant à l’œuvre d’éducation tant vantée, d’après les chiffres officiels, 5% de la population était scolarisée dans les écoles françaises en 1914, moins de 15% en 1954 ; et elle n’augmenta qu’in fine durant la guerre de libération et du fait du plan de Constantine. La langue arabe, reléguée au second plan, n’était enseignée dans le système français que dans les trois médersas offi-cielles (puis les lycées franco-musulmans après la 2e guerre mondiale).

 

Le congrès des maires d’Algérie de 1909 avait voté une motion demandant « la disparition de l’enseignement indigène », au désespoir du recteur Jeanmaire, apôtre de l’école républicaine française.

 

La discrimination est aussi fiscale : les « impôts arabes » spécifiques (achour, hokor, lezma, zakât) sont payés par les Algériens jusqu’en 1918, dans la continuité du beylik de l’époque ottomane, et avec sensiblement les mêmes taux. S’y ajoutent les « centimes additionnels » et la corvée – formellement, l’assimilation fiscale fut édictée en 1918.

 

Ce furent ainsi largement les paysans algériens, dont entre le 1/3 et le 1/5 de leurs revenus s’envolait en impôts, qui financèrent la co-lonisation française, c’est à dire leur propre dépossession. Au politique, l’égalité dans une citoyen-neté commune fut refusée pendant longtemps ; puis, avec le statut de l’Algérie de 1947 furent institués deux collèges distincts élisant chacun le même nombre de représentants : un électeur français équivalait à huit électeurs algériens.

 

Comment l’historiographique coloniale a-t-elle traduit ces données historiques indubitables ?

 

-1- La tradition historiographique française coloniale

 

-a- Invention/création coloniale de l’Algérie par la France

 

A la différence du beylik de l’Algérie ottomane, des Français et des Européens s’enracinent en Algérie : c’est une colonisation de peuplement dont la population atteint fin XIXe siècle pres-que le quart de la population algérienne . Il y a, dans l’Algérie coloniale trois départements dits « français », des arrondissements, des communes : dans la logique jacobine française, il y a qua-drillage du pays par une véritable administration, mais conçue pour la domination et la discrimi-nation d’un peuple par un autre, d’une culture par une autre : discriminatoire, le code de l’indigénat existe jusqu’en 1927, et la discrimination persiste par la suite.

 

Existent deux sortes de communes, les communes de « plein exercice » à la française, et les « communes mixtes » régentées par l’administration coloniale, par l’administrateur de commune mixte. Et, depuis le Sénatus-consulte de 1865, si les Algériens sont considérés comme français, ils n’ont pas pour l’immense majorité les mêmes droits que les Français : ils sont sujets et non citoyens. Et l’on a parlé des deux collèges du statut de 1947.

 

Il faut revenir sur le narcissisme colonial classique de l’autocélébration : il y a l’avant 1830 désolant et l’après 1830 radieux. L’histoire coloniale exalte l’apport de la civilisation, de la médecine, de l’instruction, la construction de chemins de fer et de routes, l’édification de villes modernes qui portent une marque résolument française : à Alger la ville nouvelle ceinture la Casbah, à Oran le front de mer est une corniche à l’européenne et l’hôtel de ville d’Oran un bâtiment officiel français typé.

 

@ suivre sur http://www.elwatan.com/hebdo/histoire/l-historiographie-francaise-de-l-algerie-et-les-algeriens-en-systeme-colonial-ii-01-11-2010-97226_161.php

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