Ils ont fait l'Histoire avec leurs histoires...

[Guest elkhamass]

Si le prophète Moussa avait eu l'idée et le temps de prêcher sa mission en Algérie, le 21ème siècle, il aurait eu une énorme chance avec les Harraga et aurait pu vider le pays en ouvrant la mer avec son bâton. Sa mission aurait été un succès et Dieu aurait été très content de lui et de son frère comme l'Algérie du président et de ses frères. Israël n'aurait pas existé, ni Saddam, ni Djamel Abdelnasser, ni Bush.

 

Si le prophète Mahomet avait été envoyé aujourd'hui et pas à l'époque, il aurait eu lui aussi une énorme chance de recrutement avec les Harraga qui l'auraient suivi sans chameau à Médine, l'auraient précédé à pied en Abyssinie (Le petit roi gentil d'Errissala), l'auraient accueilli comme des coiffeurs clandestins à Marseille. Le calendrier de l'Hégire (le Départ) aurait commencé plutôt. L'Andalousie aurait pu être conquise sans Tarek Ibn Ziad et sans mensonges sur des bateaux brûlés et seulement avec des chaloupes de Harraga.

 

Si le prophète Aïssa (Jésus vu de l'autre côté) avait commencé par marcher sur de l'eau devant des Harraga, il aurait gagné son pari contre Rome et les Hébreux et aurait fini avec une armée et pas seulement avec douze apôtres et un 13ème traître. Chrétiens convaincus ou seulement pour obtenir l'aide de Caritas et des papiers en France, les Harraga auraient changé la terre en marchant sur l'eau et « coupé » les mers qui ne pourraient plus leur couper la route.

 

Si le prophète Nouh (Noé) avait ciblé des Harraga par exemple pour les convaincre que la fin était proche, ils l'auraient aidé à construire plus grand, plus vite et moins cher. L'Arche aurait servi à éviter de sauver certains animaux et aurait pu servir à sauver plus d'hommes, de femmes aussi. L'épopée aurait pu finir en Europe et pas sur une montagne en Turquie. L'univers aurait pu éviter une inondation générale. Noé aurait pu être plus content que le capitaine du Titanic.

 

Ce sont les Harraga qui expliquent l'Amérique, l'ont découvert. L'immigration clandestine étant l'épopée marine d'hier, avec ses rites, mythes, pertes et paniques. Elle explique le monde, le justifie, en fabrique les cartes et fait la jonction fascinante entre l'histoire à faire et la géographie déjà faite. Sans elle, l'humanité aurait partagé un destin de minéraux et aurait fini comme un cailloux. On comprendra alors le côté risible des campagnes de publicité espagnoles dans un pays africain, le Sénégal, appelant les candidats à ne pas risquer leur vie et à éviter la mort. Oubliant que la Harga est le centre moteur du monde. Sans elle, tout perd son sens: les courants marins, les cartes postales, Di caprio, l'avion présidentiel de Bouteflika, les coquillages, le Nil et l'émission Sans Visa.

Kamel Daoud