Ladoz 11 Posted December 7, 2010 Partager Posted December 7, 2010 comment Ouagadougou, Paris, Rabat et Washington ont géré le cas Dadis Une série de télégrammes diplomatiques américains, publiés par WikiLeaks samedi, détaille les discussions menées, à quatre, entre le président burkinabè Blaise Compaoré, les États-Unis, la France et le Maroc sur le sort du président guinéen déchu Moussa Dadis Camara. Ainsi que l'avenir de la Guinée, entre fin 2009 et début 2010. C'est une série de télégrammes exceptionnels. Rarement les documents publiés par WikiLeaks jusqu'à maintenant auront permis de suivre d'aussi près un épisode crucial des péripéties politiques africaines récentes. La chute de Moussa Dadis Camara de la présidence de la Guinée et sa succession par le général Sékouba Konaté est en effet racontée par le menu dans pas moins de onze câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks samedi. Les grandes lignes étaient évidemment connues, et certains épisodes avaient été dévoilés par Jeune Afrique. Mais ces documents permettent de suivre l'avancée des discussions, du point de vue des États-Unis, sur la crise guinéenne entre le 30 octobre 2009 (un moins après le massacre du 28 septembre), alors que Moussa Dadis Camara dirige toujours la junte guinéenne à Conakry, et le 20 janvier 2010, date à laquelle, il a débuté sa « convalescence » à Ouagadougou, après avoir subi une tentative d’assassinat. Sékouba Konaté a alors récupéré le pouvoir et parviendra à mener la transition à bien (ce dont doutaient plusieurs diplomates) jusqu'au second tour de la présidentielle le 7 novembre dernier. On prend au passage connaissance d’évènements aussi étonnants que méconnus, comme les circonstances du vol qui a amené Dadis de Rabat à Ouagadougou début janvier. (1/4) Citer Link to post Share on other sites
Ladoz 11 Posted December 7, 2010 Author Partager Posted December 7, 2010 (2/4) Octobre 2009 : négocier l'exil de Dadis La série de télégrammes débute le 30 octobre. Nous sommes un peu plus d'un mois après le massacre de plus de 150 personnes au stade du 28 septembre par des militaires guinéens. La communauté internationale est plus inquiète que jamais sur l'avenir du pays. L'ambassadeur des États-Unis à Conakry, Patricia Moller, a fait le déplacement à Paris pour rencontrer Stéphane Gompertz, le conseiller Afrique du ministère français des Affaires étrangères, Rémi Maréchaux, son homologue auprès de Nicolas Sarkozy, et Jérôme Spinoza, du ministère de la Défense. « Les Français sont généralement tombés d'accord avec les États-Unis » sur la situation guinéenne, écrit-on à l'ambassade de Paris après ces entretiens. Les Français « conviennent que le chef de la junte Dadis Camara doit être écarté du pouvoir, mais pensent que Dadis [décrit par Stéphane Gompertz comme "dangereux" et "fou"] peut être une partie de la solution au problème s'il est manœuvré de manière appropriée avec la bonne combinaison de "carottes et de bâton" », rapportent les diplomates américains. Pour mener à bien leur plan, Paris et Washington croient à ce stade devoir offrir à Dadis « une voie de sortie » : un pays prêt à l'accueillir. Le Maroc (où Dadis aurait caché la plupart de sa fortune) arrive alors dans les discussions, par une évocation de Gompertz. Mais Patricia Moller, qui semble avoir déjà sondé Rabat, indique aux Français que le royaume n’est pas intéressé. Paris s'inquiète par ailleurs d'éventuelles sanctions internationales qui pourraient déstabiliser la Guinée. Rémi Maréchaux, notamment, met en garde : des poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) pourraient empêcher la junte d'accepter de quitter le pouvoir. Le président burkinabè, Blaise Compaoré, déjà en charge d'une médiation auprès de la Guinée, est le mieux placé pour mener les discussions, jugent les deux diplomaties. Le texte rapporte alors quelques remarques de Gompertz sur la personnalité du médiateur. Il serait très soucieux d'avoir les coudées franches dans cette affaire, et craint, comme Paris, une réaction trop vive de la communauté internationale. Il faut le laisser faire, semble indiquer le Français : « Nous avons encore deux ou trois semaines avant de devoir vraiment s'inquiéter d'un manque de progrès. » Autre commentaire, sibyllin, et qui n’est pas explicité dans le texte : « Compaoré a des intérêts économiques personnels en Guinée (comme dans beaucoup d'autres pays) ce qui peut être un facteur dans sa prise de décision. » (2/4) Citer Link to post Share on other sites
Ladoz 11 Posted December 7, 2010 Author Partager Posted December 7, 2010 (3/4) Décembre 2009 : Dadis gravement blessé Le 3 décembre 2009, Moussa Dadis Camara subit une tentative d'assassinat de son aide de camp « Toumba Diakité ». Il est évacué en urgence à Rabat, qui n'en est pas informé au préalable rappellent ses diplomates dans plusieurs autres télégrammes. Mais le Maroc l'accepte alors pour des raisons humanitaires. Treize jours plus tard, Toumba témoigne lors d'une interview à RFI qui donnera lieu à un nouveau télégramme de Patricia Meller. « Les Guinéens paraissent généralement prêts, non seulement à l'excuser pour ses méfaits [il était l'un des principaux responsables du massacre du 28 septembre] mais aussi à oublier ce qu'il a fait, parce qu'il a mis hors-jeu un Dadis largement vu comme fou et drogué », écrit-elle. Mais surtout, les Américains voient dans ce coup du destin une « fenêtre d'opportunité ». « Le dirigeant par intérim du CNDD [Conseil national pour la démocratie et le développement, junte guinéenne] Sékouba Konaté est le seul véritable espoir pour une transition politique », s'accordent à penser Américains et Français selon un télégramme du 14 décembre. Seule question : en est-il capable ? Lors d'une réunion avec Blaise Compaoré le même jour, le médiateur burkinabè en doute. Il le décrit certes comme quelqu'un qui ne cherche pas le pouvoir, mais il n'est pas sûr qu'il ait la « volonté politique » et les « capacités physiques » pour le faire. Tout le monde tombe en tout cas, d'accord sur un point : Dadis doit rester au Maroc. Reste à convaincre le pays hôte, le principal intéressé, et ses partisans. Ce sont ces derniers, emmenés par le colonel Moussa Keita, l'un des plus proches de Dadis qui prennent le contrôle de la délégation de la junte pour une réunion du Groupe international de contact (GIC), le lendemain, à Ouagadougou. Alors que l’envoi d’une force internationale est en discussion, Moussa Keita se révèle menaçant. « Un colonel Moussa Keita méprisant et belliqueux a déclaré franchement que la présence de toute force internationale, quel que soit son déguisement, sur le sol guinéen, serait considérée comme une attaque contre la souveraineté de la Guinée et une déclaration de guerre », rapporte la diplomate dans une autre dépêche. Mais, analyse-t-elle, « la capacité des jusqu'au-boutistes pro-Dadis à prendre le contrôle de la délégation du CNDD s'est retournée contre eux – en parvenant à convaincre les dirigeants africains, de par leur attitude belliciste, qu'il ne peut pas y avoir de solution avec Dadis ». Pendant ce temps, à Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri, informe les Américains de l'état de santé de Dadis. Il raconte avoir rendu visite au président guinéen d'alors le 9 décembre. Des fragments de balles ont été retirés de son crâne. Il serait alors « conscient » mais tenant des propos « incohérents ». Il a encore une balle dans la tête souffre d'une vision et d'une locution affaiblie, complètera un autre télégramme à la fin du mois. Ce qui ne l'aurait pas empêché de demander aux Marocains de l'aider à enregistrer un message vidéo de cinq minutes à destination de la télévision guinéenne. Cela ne se fera pas. Fassi Fihri informe alors ses partenaires étrangers que Moussa Dadis Camara ne pourra rester que jusqu'à la fin du mois de décembre à Rabat. Les Marocains sont en effet gênés, comprend-on dans un autre télégramme daté du 28 décembre. Ils continuent de s'opposer aux velléités de Dadis de rentrer en Guinée, mais veulent éviter d’avoir à le remettre à la CPI eux-mêmes. Le responsable du personnel au ministère des Affaires étrangères Nasser Bourita « a dit que les relations du Maroc avec la Guinée et d'autres devaient être prises en compte ». Et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies à venir, risquent de mettre le royaume « dans une position difficile ». Du coup, rapporte le diplomate américain, il demande aux État-Unis et à la France de ne pas demander publiquement au Maroc de garder Dadis. Quant à Sékouba Konaté, c'est peu dire que les Marocains ne croient pas en lui. « Un ivrogne », dit-on de lui mi-décembre, tandis qu'un militaire le décrit comme faible et sans doute incapable d'être chef d'État. Pour Rabat, la meilleure solution reste alors un rapatriement en Guinée. « Peut-être est-ce la seule option viable », semble se résoudre le diplomate américain. Mais les Américains reviennent à la charge deux jours plus tard avec la visite du général Ward, d'Africom, à Rabat. Ward presse l'Inspecteur général des Forces armées royales, le général Abdelaziz Bennani, de garder Moussa Dadis Camara aussi longtemps que possible. (3/4) Citer Link to post Share on other sites
Ladoz 11 Posted December 7, 2010 Author Partager Posted December 7, 2010 (4/4) Janvier 2010 : Konaté adoubé Le 5 janvier, réunion au sommet à Rabat, entre le sous-secrétaire d'État américain aux Affaires africaines Johnnie Carson, le conseiller de l'Élysée André Parant, et le ministre marocain des Affaires étrangères Taieb Fassi Fihri. Comme Jeune Afrique l'avait révélé au mois de juin, il s'agit alors de sceller le transfert du pouvoir de Moussa Dadis Camara à Sékouba Konaté. Les Marocains, désormais convaincus de la volonté de Konaté, se sont ralliés à cette option, la mieux à même de stabiliser le pays. Konaté, visiblement inquiet pour sa sécurité et celle de son pays, réclame l'engagement, par écrit, de Paris, Rabat et Washington qu'ils le soutiendront. Ce sera la déclaration de Rabat. Le général s'engage quant à lui à ce que Dadis ne soit pas autorisé à rentrer en Guinée. Il faut donc maintenant trouver un point de chute à Dadis. D'autant que ce dernier, qui a toujours du mal à aligner plus de cinq mots, a néanmoins recouvré « environ 80 % de ses facultés », d'après Fassi Fihri. Il commencerait même à se demander pourquoi il est maintenu à l'hôpital. Surtout, l'impatience du Maroc à s'en débarrasser ne cesser de monter. Le 7 janvier, le roi Mohammed VI aurait appelé le président gabonais Ali Bongo Ondimba pour savoir s'il voulait bien l'accueillir. Bongo refuse. Bernard Kouchner, aurait quant à lui contacté le Congolais Denis Sassou Nguesso. On demande à l'Arabie saoudite de bien vouloir l'accueillir, et on évoque aussi le Sénégal, le Burkina Faso,la Gambie... Mais sans solution ferme, à l'exception de la Libye, que les diplomates occidentaux semblent refuser. Une semaine plus tard, c'est la panique à l'ambassade américaine à Rabat. Le gouvernement marocain vient de les informer du départ imminent de Dadis. Apparemment, la décision a été prise par Mohammed VI la veille, après un entretien tendu avec Blaise Compaoré au téléphone. Selon les Américains, le roi du Maroc craint alors que Compaoré, vexé de n'avoir pas été associé aux discussions du 5 janvier, ne veuille torpiller la solution adoptée par Paris, Rabat et Washington. C'est pour s'assurer que Compaoré ne soit pas tenté de laisser tomber la médiation, que Rabat aurait pris une décisions radicale : envoyer Dadis à Ouagadougou, sans prévenir le président burkinabè. Le Maroc demande alors aux Américains de ne pas dévoiler ses plans aux Burkinabè, et Compaoré n'en sera informé qu'une fois l'avion de Dadis au-dessus de Ouagadougou. Toutefois, ce schéma semble ne s’être confirmé qu’au tout dernier moment. Le 12 janvier au soir, juste après avoir appris la nouvelle, l'ambassade américaine affirme avoir démarché le ministère marocain des Affaires étrangères pour le convaincre de ne pas laisser Dadis monter dans un avion affrété par ses partisans. Les Américains craignent un rapatriement en Guinée. Rabat accepte, et c'est finalement, un avion médicalisé marocain qui sera utilisé. Compaoré aurait alors fait savoir qu'il ne garderait pas Dadis Camara plus de cinq jours, malgré les demandes des Marocains. Six jours plus tard, Mohamed Yassine Mansouri, le directeur général des études et de la documentation (renseignements marocains), est envoyé à Ouaga pour arrondir les angles avec Blaise Compaoré. Il rencontre pendant son séjour Sékouba Konaté et Moussa Dadis Camara, et dissuade ce dernier de revenir au Maroc comme il le souhaite. Mais il lui promet toute l'aide marocaine doit il peut avoir besoin. Commentaire d'un officiel marocain amusé : « Puisque Dadis ne peut pas venir à Rabat, Rabat va aller à Dadis. » Aux dernières nouvelles, ce dernier était toujours « en convalescence » dans la capitale burkinabè. In : jeuneafrique.com Citer Link to post Share on other sites
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