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Guest asteroideB612

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JE LIS TON CORPS ET… ME CULTIVE

 

Nizar KABBANI

 

Le jour où s'est arrêté

Le dialogue entre tes seins

Dans l'eau prenant leur bain

Et les tribus s'affrontant pour l'eau

L'ère de la décadence a commencé,

Alors la guerre de la pluie fut déclarée

Par les nuages

Pour une très longue durée,

La grève des vols fut déclenchée

Par la gente ailée,

Les épis ont refusé

De porter leurs semences

Et la terre a pris la ressemblance

D'une lampe à gaz.

 

II

 

Le jour où ils m'ont de la tribu chassé

Parce qu'à l'entrée de la tente j'ai déposé

Un poème

L'heure de la déchéance a sonné.

L'ère de la décadence

N'est pas celle de l'ignorance

Des règles grammaticales et de conjugaison,

Mais celle de l'ignorance

Des principes qui régissent le genre féminin,

Celle de la rature des noms de toutes les femmes

De la mémoire de la patrie.

 

III

 

O ma bien aimée,

Qu'est-ce donc que cette patrie

Qui se comporte avec l'Amour

En agent de la circulation ?

Cette patrie qui considère que la Rose

Est un complot dirigé contre le régime,

Que le Poème est un tract clandestin

Rédigé contre le régime ?

Qu'est-ce donc que ce pays

Façonné sous forme de criquet pèlerin

Sur son ventre rampant

De l'Atlantique au Golfe

Et du Golfe à l'Atlantique,

Parlant le jour comme un saint

Et qui, la nuit tombant,

Est pris de tourbillon

Autour d'un nombril féminin ?

 

...//...

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J’ai la nostalgie du pain de ma mère,

Du café de ma mère,

Des caresses de ma mère...

Et l’enfance grandit en moi,

Jour après jour,

Et je chéris ma vie, car

Si je mourais,

J’aurais honte des larmes de ma mère !

mercredi 20 avril 2005.

Fais de moi, si je rentre un jour,

Une ombrelle pour tes paupières.

Recouvre mes os de cette herbe

Baptisée sous tes talons innocents.

Attache-moi

Avec une mèche de tes cheveux,

Un fil qui pend à l’ourlet de ta robe...

Et je serai, peut-être, un dieu,

 

Peut-être un dieu,

Si j’effleurais ton coeur !

Si je rentre, enfouis-moi,

Bûche, dans ton âtre.

Et suspends-moi,

Corde à linge, sur le toit de ta maison.

Je ne tiens pas debout

Sans ta prière du jour.

J’ai vieilli. Ramène les étoiles de l’enfance

Et je partagerai avec les petits des oiseaux,

Le chemin du retour...

Au nid de ton attente !

 

Mahmoud DARWICH

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...//...

 

IV

 

Qu'est-ce donc cette patrie

Qui exerce son infamie

Contre tout nuage de pluie chargé,

Qui ouvre une fiche secrète

Pour chaque sein de femme,

Qui établit un PV de police

Contre chaque rose ?

 

V

 

O bien aimée

Que faisons-nous encore dans cette patrie

Qui craint de regarder

Son corps dans un miroir

Pour ne pas le désirer ?

Qui craint d'entendre au téléphone

Une vois féminine

De peur de rompre ses ablutions ?

Que faisons-nous dans cette patrie égarée

Entre les œuvres de Chafi'i et de Lénine,

Entre le matérialisme dialectique

Et les photos pornos,

Entre les exégèses coraniques

Et les revues Play Boy,

Entre le groupe mu'tazélite

Et le groupe des Beattles,

Entre Rabi'a-l-'Adaouya

Et Emmanuelle ?

 

VI

 

O toi être étonnant

Comme un jouet d'enfant

Je me considère comme homme civilisé

Parce que je suis ton Amant,

Et je considère mes vers comme historiques

Parce qu'ils sont tes contemporains.

Toute époque avant tes yeux

Ne peut être qu'hypothétique,

Toute époque après tes yeux

N'est que déchirement ;

Ne demande donc pas pourquoi

Je suis avec toi :

Je veux sortir de mon sous-développement

Pour vivre l'ère de l'Eau,

Je veux fuir la République de la Soif

Pour pénétrer dans celle du Magnolia,

Je veux quitter mon état de Bédouin

Pour m'asseoir à l'ombre des arbres,

Je veux me laver dans l'eau des Sources

Et apprendre les noms des Fleurs.

Je veux que tu m'enseignes

La lecture et l'écriture

Car l'écriture sur ton corps

Est le début de la connaissance

S'y engager de la connaissance :

S'y engager est s'engager

Sur la voie de la civilisation.

Ton corps n'est pas ennemi de la Culture,

Mais la culture même.

Celui qui ne sait pas faire la lecture

De l'Alphabet de ton corps

Restera analphabète sa vie durant

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Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage.

Et la mer est amère, et l'amour est amer,

L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,

Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

 

Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,

Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,

Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

 

La mère de l'amour eut la mer pour berceau,

Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,

Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

 

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,

Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,

Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

 

Pierre de Marbeuf

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Déjeuner du matin

 

Il a mis le café

Dans la tasse

Il a mis le lait

Dans la tasse de café

Il a mis le sucre

Dans le café au lait

Avec la petite cuiller

Il a tourné

Il a bu le café au lait

Et il a reposé la tasse

Sans me parler

 

Il a allumé

Une cigarette

Il a fait des ronds

Avec la fumée

Il a mis les cendres

Dans le cendrier

Sans me parler

Sans me regarder

 

Il s'est levé

Il a mis

Son chapeau sur sa tête

Il a mis son manteau de pluie

Parce qu'il pleuvait

Et il est parti

Sous la pluie

Sans une parole

Sans me regarder

 

Et moi j'ai pris

Ma tête dans ma main

Et j'ai pleuré

 

Poème de Jacques Prévert (Paroles, 1946)

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Les sans voix

 

dire l’angoisse des minutes assassines

qui régulent le silence

 

crier dans la nuit fourbe

l’immense vérité et se taire

- se taire -

la main sur la bouche de s’être rappelé

que les cris se dissipent

en échos sur les rocs

 

chanter de peine les nuits d’attente

et vivre au songe

d’une danse de cygnes au ras de l’eau

 

pleurer de joie aux retrouvailles

- oh pleurer de joie... - et s’en aller

toujours trop tôt - partir déjà -

avant de pouvoir tout dire

avant de ne rien dire

 

 

Poète algérien, Soleïman Adel Guémar

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Poème de prison

 

La prison, c'est laid

Tu la dessines, mon enfant

Avec des traits noirs

Des barreaux et des grilles

Tu imagines que c'est un lieu sans lumière

Qui fait peur aux petits

Aussi pour l'indiquer

Tu dis que c'est là-bas

Et tu montres avec ton petit doigt

Un point, un coin perdu

Que tu ne vois pas

Peut être la maîtresse t'a parlé

De prison hideuse

De maison de correction

Où l'on met les méchants

Qui volent les enfants

Dans ta petite tête

S'est alors posé une question

Comment et pourquoi

Moi qui suis pleine d'amour pour toi

Et tous les autres enfants

Suis-je là-bas ?

Parce que je veux que demain

La prison ne soit plus là.

 

Saïda MENEBHI : professeur d'anglais, membre du mouvement révolutionnaire Ila Al-Amam (En avant), arrêtée le 16 janvier 1976 à Rabat. Elle subit des tortures physiques et particulièrement psychologiques. Elle est jugée au procès de Casablanca de janvier 1977, avec 138 autres inculpés pour atteint à la Sûreté de l'État ; elle dénoncera entre autres la situation d'oppression que subissent les femmes au Maroc, (la salle l'applaudit), Elle est condamnée a 5 ans de détention, plus deux ans pour injure à magistrat. Elle est morte le 11 décembre 1977 (après 34 jours de la grève de la faim) à 25 ans à l'hôpital d'Averroes.

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FIN DE LA NUIT (1967)

 

L’Impossible

 

je meurs d’espoir

d’embrasement je meurs

Je meurs pendu

égorgé je meurs

mais je ne dis point :

Notre amour est fini et mort

Non

notre amour est impérissable

 

 

Mahmoud Darwich

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JE PASSE PAR TON NOM

 

Dans ma rêverie solitaire

Au gré de mon souffle

Je passe par ton nom

Tel un promeneur Damascène

Par l'Andalousie

 

C'est ici que le citron

A rendu incandescent

Pour toi le sel de mon sang

C'est là que de son cheval

Un jour est tombé le vent

 

Je passe par ton nom

Nulle armée ne m'encercle

Nul pays. Tel le dernier garde-frontières

Ou encore un poète arpentant ses chimères

 

Mahmoud Darwich

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APPARITION

 

 

Elle apparaît...et dans le champ éperdu

court un frisson troublé

les épis sont chargés de blé

Sa démarche fait revivre

Toute une harmonie

le pas piaffant du cheval

le pas élancé de l'autruche

Le pas balancé du chameau

Elle esquisse un geste

Et le couchant vers elle chavire

Les chevrettes égrènent leur béguètement

Son regard furtif est un dard

Ses paupières un frémissement

Une chanson d'été

Son corsage est cerise.

 

Adonis

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AIME-MOI

 

 

Aime-moi

Celles que j'ai aimé

Avant toi

Ne m'aimaient pas.

Et toi?

Peut-être est-ce de la pitié?

Je ne puis pardonner Dieu,

Si c'est de lui

que vient la misércorde

et non l'amour

Qui m'a fait boire

des coupes de paradis.

 

Ah, apporte-moi l'amour,

Désaltère-moi

Dors sur ma poitrine

Laisse-moi dormir sur tes

seins.

Ah, ces brûlures

qui m'ont avalé le coeur

Puis dévoré les veines

Aime-moi

Celles que j'ai aimé

Avant toi

Ne m'aimaient pas.

 

Badr Chaker AS-Sayyab

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PAREIL A L'EAU

 

Le coeur est pareil à l'eau,

les passions flottent à sa surface,

goutes d'eau dans l'eau.

 

La parole, comme les créatures,

est mélange de beau et de mauvais,

les gens, comme le temps,

sont de lumière et d'obscurité.

 

Le jour éclaire puis vient la nuit,

une étoile s'évanouit,

une autre apparaît.

 

Comme ont disparu nos ancêtres,

nous disparaîtrons,

seul le temps demeure,

tel que tu le vois.

 

Etrangers dans leur pays

sont ceux qui font le bien,

même leurs proches

les abandonnent,

s'en éloignent.

 

Si tu as scellé une amitié

aux jours de misère,

ne l'oublie pas

aux jours de prospérité

 

AL MAARRI (973-1059)

 

 

AL MAARRI (973-1059). Né à Maaeeat près d'Alep (Syrie) Aveugle à 4 ans. Surnommé le double prisonnier (des sensations visuelles et de la pauvreté volontaire). Connu pour sa révolte permanente contre le pouvoir, les institutions religieuses et la lâcheté de son temps. Réputé pour sa mémoire légendaire. Tantôt perçu comme impie, tantôt comme musulman fidèle ou philosophe sceptique. Il exerce une une influence incontestable sur la "Divine Comédie" de Dante. Son recueil "Nécessité de ce qui n'est pas nécessaire" illustre sa vision du destin tragique de l'homme.

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Je venais de baiser la Pierre noire

Quand d'avenantes femmes

vers moi se pressèrent.

Elles venaient accomplir

les tournées rituelles

En se couvrant la face d'un voile

 

Elles se découvrirent

Elles, pareilles aux rais des soleils

"Retiens-toi!" me dirent-elle

Car l'âme se perd dans les oeillades.

 

Mon coeur est devenu capable

D'accueillir toute forme.

Il est pâturage pour gazelles

Et abbaye pour moines

 

Il est temple pour idoles

Et la Kaaba pour qui en fait le tour,

Il est les Tables de la Thora

Et aussi les feuillets du Coran!

 

Je crois en la religion

de l'Amour,

Où que se dirigent ses caravanes

Car l'amour est ma religion et ma foi.

 

IBN ARABI

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La Courbe de tes yeux

 

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu

C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,

Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,

Bateaux chargés du ciel et de la mer,

Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

 

Parfums éclos d'une couvée d'aurores

Qui gît toujours sur la paille des astres,

Comme le jour dépend de l'innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards.

 

Paul ELUARD, Capitale de la douleur

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Victor Hugo

 

Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe !

 

Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe !

Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe !

Qui sait combien de jours sa faim a combattu !

Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu,

Qui de nous n'a pas vu de ces femmes brisées

S'y cramponner longtemps de leurs mains épuisées !

Comme au bout d'une branche on voit étinceler

Une goutte de pluie où le ciel vient briller,

Qu'on secoue avec l'arbre et qui tremble et qui lutte,

Perle avant de tomber et fange après sa chute !

 

La faute en est à nous ; à toi, riche ! à ton or !

Cette fange d'ailleurs contient l'eau pure encor.

Pour que la goutte d'eau sorte de la poussière,

Et redevienne perle en sa splendeur première,

Il suffit, c'est ainsi que tout remonte au jour,

D'un rayon de soleil ou d'un rayon d'amour !

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Guest asteroideB612

Se voir le plus possible et s'aimer seulement,

Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,

Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge,

Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;

 

Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge,

Faire de son amour un jour au lieu d'un songe,

Et dans cette clarté respirer librement -

Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

 

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,

Cest vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci,

C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.

 

Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,

Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :

Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.

 

Alfred de Musset.

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Premier jour

 

Des draps blancs dans une armoire

Des draps rouges dans un lit

Un enfant dans sa mère

Sa mère dans les douleurs

Le père dans le couloir

Le couloir dans la maison

La maison dans la ville

La ville dans la nuit

La mort dans un cri

Et l'enfant dans la vie.

 

Prévert

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Dors-tu ?

 

Marceline Desbordes-Valmore

 

"Et toi ! dors-tu quand la nuit est si belle,

Quand l'eau me cherche et me fuit comme toi ;

Quand je te donne un coeur longtemps rebelle ?

Dors-tu, ma vie ! ou rêves-tu de moi ?

 

Démêles-tu, dans ton âme confuse,

Les doux secrets qui brûlent entre nous ?

Ces longs secrets dont l'amour nous accuse,

Viens-tu les rompre en songe à mes genoux ?

 

As-tu livré ta voix tendre et hardie

Aux fraîches voix qui font trembler les fleurs ?

Non ! c'est du soir la vague mélodie ;

Ton souffle encor n'a pas séché mes pleurs !

 

Garde toujours ce douloureux empire

Sur notre amour qui cherche à nous trahir :

Mais garde aussi son mal dont je soupire ;

Son mal est doux, bien qu'il fasse mourir !"

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Chut, et silence !

 

de Philistin Panger

 

Le bruit a gagné le combat

Et le silence doit se taire.

Nombreux sont ici bas

Qui le vacarme préfèrent.

 

Quelle peut être cette crainte

qu’il nous faut trahir,

cette solitude feinte

et par des sons se mentir ?

 

Le silence, c’est l’écoute,

l’entente de son pareil.

Le bruit sans aucun doute

torture nos oreilles.

 

Il faut donc des morts

pour qu’on s’accorde une minute

et hurler nos remords

avant l’ultime chute ?

 

Pourtant les rêves des hommes

sont fait de poésies

dans lesquelles raisonnent

bien plus de silence que de bruit.

 

Et la beauté se contemple

dans un absolu silence.

Elle devient bien plus ample

et beaucoup plus intense.

 

Lorsqu’elles sont immenses

Les joies sont des cris.

Mais c’est bien dans le silence

que le bonheur s’apprécie.

 

Les bruits ont bien souvent tord

et qu’importe l’offense,

je le dis haut et fort

Chut, et Silence.

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Mon silence

 

Peuchy

 

 

"Votre silence s'impose et affaiblit mon âme

De mon regard d'enfant ne jaillissent plus de flammes

C'est le fracas des vagues qui me parle le plus

Que ce bout de falaise, il ne me reste plus.

Malgré moi je vous aime, et vous admire tant

D'une preuve d'amour, vous en coûte-t'il tant ?

Et je parle en silence, me surprends à chanter

Fais vibrer de mes larmes ces mots inespérés

L'horizon est lointain, ma vie entre vos mains

Et de vous supplier, je clame mon chagrin.

Mes dessins s'assombrissent mais ne vous parlent pas

Mes poèmes sont tristes, ils sont tout comme moi

L'ivresse des nuages est ma seule gaieté

Elle fige mon sourire quand je suis allongé

En haut de la falaise, et les bras repliés

Telle une mise en terre, sans caveau ni curé.

Qu'ai-je donc à souffrir, je ne manque de rien

De l'amour qu'on me donne, on me le donne en biens

Une simple caresse, deux mots dit de tout près

M'aideraient tout de même à me sentir aimé.

Mais le mensonge est là, il crucifie mon être

Telle une religion qui m'oblige à paraître

Et qui sournoisement se déguise en comptine

Mais qui embrase en moi ces souffrances enfantines.

Alors, plutôt que de céder à l'attrait de la mort

Je me tais à jamais et ne mens plus à tort

Je vous laisse corrompre la joie et l'innocence

Je me terre à regret au fond de mon silence."

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A ma mère

 

 

je me languis du pain de ma mère

du café de ma mère

des caresses de ma mère

jour après jour

l'enfance grandit en moi

j'aime mon âge

car si je meurs

j'aurai honte des larmes de ma mère

 

si un jour je reviens

fais de moi un pendentif à tes cils

recouvre mes os avec de l'herbe

qui se sera purifiée à l'eau bénite de tes chevilles

attache -moi avec une natte de tes cheveux

avec un fil de la traîne de ta robe

peut-être deviendrai-je un dieu

oui un dieu

si je parviens à toucher le fond de ton cœur

 

si je reviens

mets-moi ainsi qu'une brassée de bois dans ton four

fais de moi une corde à linge sur la terrasse de ta maison

car je ne peux plus me lever

quand tu ne fais pas ta prière du jour

 

j'ai vieilli

rends-moi la constellation de l'enfance

que je puisse emprunter avec les petits oiseaux

la voie du retour

au nid de ton attente

 

Mahmoud Darwich

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ENIVREZ-VOUS

 

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

 

Charles Baudelaire

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Madrigal

 

Pierre de Ronsard

 

"Si c'est aimer, Madame, et de jour, et de nuit

Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,

Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire

Qu'adorer et servir la beauté qui me nuit :

 

Si c'est aimer que de suivre un bonheur qui me fuit,

De me perdre moi même et d'être solitaire,

Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,

Pleurer, crier merci, et m'en voir éconduit :

 

Si c'est aimer que de vivre en vous plus qu'en moi même,

Cacher d'un front joyeux, une langueur extrême,

Sentir au fond de l'âme un combat inégal,

Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

 

Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !

Si cela est aimer : furieux je vous aime :

Je vous aime et sait bien que mon mal est fatal :

Le coeur le dit assez, mais la langue est muette."

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L'amoureuse

 

 

Elle est debout sur mes paupières

Et ses cheveux sont dans les miens,

Elle a la forme de mes mains,

Elle a la couleur de mes yeux,

Elle s'engloutit dans mon ombre

Comme une pierre sur le ciel.

 

Elle a toujours les yeux ouverts

Et ne me laisse pas dormir.

Ses rêves en pleine lumière

Font s'évaporer les soleils,

Me font rire, pleurer et rire,

Parler sans avoir rien à dire.

 

 

Ecrit en 1921 par Paul Eluard

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QUE SERAIS-JE SANS TOI

 

Aragon

 

"Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

 

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines

Et j'ai vu désormais le monde à ta façon

J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines

Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines

Comme au passant qui chante on reprend sa chanson

J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.

 

 

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

 

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne

Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu

Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne

Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne

Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux

Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

 

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

 

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes

N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue

Une corde brisée aux doigts du guitariste

Et pourtant je vous dis que le bonheur existe

Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.

Terre, terre, voici ses rades inconnues.

 

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant

Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

Que serais-je sans toi que ce balbutiement. "

 

[V]http://www.youtube.com/watch?v=ihNgbmTNtMI?fs=1&hl=fr_FR[/V]

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