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Les femmes et le travail en Kabylie


Guest misn'thmourth

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Décidément, la condition des femmes en Algérie a connu un changement important et significatif. Certes, il reste encore énormément de travail à faire pour que la femme joue pleinement son rôle aussi bien dans la famille que dans la société mais on peut affirmer que, pour des raisons économiques sans nul doute, bien des tendances générales discriminatoires ont été bannies.

Néanmoins, ce changement n’est pas sans entraîner de nombreuses interrogations, notamment sur le marché de travail qui s’ouvre de plus en plus à la gent féminine. Le patriarcat ne se manifeste pas qu'à travers des mentalités considérées comme résiduelles, mais il se nourrit encore d’une certaine volonté, voire d’un certain acharnement, à faire de la hiérarchie entre les sexes un ordre social. Enquête sur le terrain à Béjaia.

 

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Sois belle et tais-toi !

De nos jours, la contribution financière de chacun des membres de la famille, sans distinction de sexe, est plus que jamais une nécessité pour subvenir aux besoins de plus en plus nombreux. C’est la raison économique qui prévaut sur les considérations d’ordre morale ou autres. Pour cause, le besoin de travailler chez la femme ne se fait pratiquement pas sentir dans des familles dont la situation financière est prospère. En outre, bon nombre de femmes, notamment dans les zones rurales, n’ont pas encore accès au monde du travail, pour la simple raison qu’elles sont des femmes. Ce qui dénote toute la difficulté qu’éprouve notre société à intégrer dans ses mœurs ce changement.

« Quoiqu’il en soit, je suis optimiste et j’ai confiance en l’avenir. Je crois que, dans les années à venir, les droits de la femme se rapprocheront de plus en plus du principe d’égalité. Une fois la sécurité totalement rétablie, je suis persuadée qu’il y aura plus de femmes qui s’impliqueront également sur la scène politique. Nous verrons les femmes accéder à toutes les fonctions jusqu’alors réservées aux hommes. Si nous continuons à ce rythme, nous arriverons sûrement à atteindre la parité entre les hommes et les femmes », soutient Saliha, avocate en formation, avant d’ajouter : « J’espère que ces mentalités évolueront et que nos filles et petites filles auront d’autres missions plus positives à remplir que de passer leur temps à se battre pour l’amélioration de la condition de la femme. J’espère aussi que nous aurons la possibilité de leur préparer le terrain pour cela ».

Le piston, ce que des hommes en pensent

« Malheureusement, chez nous, pour être recruté par une entreprise, il suffit de connaître quelqu’un de haut placé dans l’administration ou d’être une belle femme, on passe comme une lettre à la poste. Quant au critère de compétence, on s’en balance royalement ! Je suis diplômé universitaire, j’ai envoyé des dizaines de demandes d’emploi aussi bien aux entreprises publiques que privées. Si certaines me répondent par la négative, d’autres ne daignent même pas me répondre, pourtant j’ai toujours pris soin d’inclure une enveloppe timbrée libellée à mon adresse ! », accuse Noureddine. Il poursuit : «En tout cas, je suis sûr qu’il n’y a pas une femme qui a les mêmes diplômes que moi et qui chôme. C’est navrant que cela puisse se produire à l’heure de l’économie concurrentielle où tout est question de profit pour l’entreprise ». Son ami ironise : « Ben, tu n’as qu’à mettre à la place de ton celui d’une femme et de joindre à ta demande une photo d’un canon trouvée sur Internet et tu verras ! ».

Nul n’est sans savoir que ces propos ne sont propres à ces deux jeunes chômeurs que nous avons rencontrés dans un café à Sidi-Aich et qu’ils sont révélateurs de l’avis général de la gent masculine.

Non, je refuse d’être une despesrate housewife !

« Comment peut-on avancer que les femmes bénéficient d’un favoritisme par rapport aux hommes pendant que, personne ne peut le nier, les femmes ne représentent encore qu’une infime minorité de la population active dans notre pays ! ? », s’interroge S. F., enseignante dans une école privée, à Akbou. « Il y a manifestement une volonté de faire des femmes un bouc émissaire afin de fuir le vrai débat sur le chômage », ajoute-t-elle.

Nous avons pris langue avec des employeurs pour connaître leur avis sur le sujet. « Pour des raisons plutôt de rentabilité, je préfère recruter des jeunes femmes pour certaines fonctions comme cela se fait à l’échelle universelle », nous dit entre autres Gh. Malek, patron d’une société spécialisée en informatique.

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Plus franc, B. Mohamed, cogérant d’une société, nous dira : « Si la composante de notre personnel est essentiellement constituée de jeunes femmes, c’est surtout parce que les jeunes hommes exigent des salaires plus importants que notre société n’a pas les capacités d’honorer ». Il pense que « cette méthode permet à sa société de fonctionner et à plus de personnes de trouver un emploi ». La forte demande fait que bien des employeurs peu scrupuleux ne se soucient guère des lois en vigueur régissant le monde du travail en Algérie, ni de la situation de leurs employés vis-à-vis de la sécurité sociale.

« Je gagne 4000 DA le mois, je travaille à plein-temps, j’ignore encore si je suis assurée ou non », révèle Samia, employée dans une société privée. Mais, pour Fatiha, sa collègue, « l’essentiel pour moi étant de gagner un salaire, aussi modique soit-il, et surtout de ne pas rester chez moi à me tourner les pouces. Pis, j’ai travaillé pendant des années comme adjointe d’éducation dans un collège dans le cadre du filet social, ma situation n’avait pas bougé d’un iota ».

Les femmes vivant en zones rurales souffrent davantage du chômage, elles souhaitent que l’Etat leur viennent en aide pour qu’elles puissent exercer des activités chez elles même. Tout ce dont ces femmes ont besoin, c’est d’un peu d’égard, et elles sont convaincues qu’elles incarnent un potentiel humain à même de contribuer à donner un coup de pouce au développement du pays.

 

Travailler et m’occuper de mon foyer, je ne sais où donner de la tête !

Constat : bon nombre de jeunes femmes travailleuses, notamment celles ayant un certain niveau scolaire, sont les victimes par excellence du célibat et de l’ambivalence des systèmes sociaux : entre le statut traditionnel de la femme au foyer et celui de la femme moderne qui souhaite jouer un rôle de citoyenne à part entière.

Néanmoins, pour Souad, étudiante en sociologie, «entre travailler et être au diapason de la représentation que se fait notre société de la femme bien élevée, il faut simplement trouver le juste milieu. Ce n’est pas évident, je vous l’accorde, mais l’important, c’est surtout d’être soi-même satisfaite de sa manière d’être et de se comporter en société ».

Par ailleurs, pour les femmes mariées, concilier vie professionnelle et responsabilités familiales n’est pas de tout repos. Les propos que voici de Madame A. F., 43 ans, candidate aux dernières élections municipales, illustrent on ne peut plus clair la difficile situation de la femme travailleuse : « Je suis responsable d’une entreprise et mère de trois enfants en bas âge. Mon mari est instituteur. Même s’il a plus de temps libre que moi, il ne fait rien pour me donner un coup de main à la maison. Pour lui, c’est un travail de femme que de s’occuper de la maison. Entre l’éducation de mes enfants, les tâches ménagères et le boulot, je n’ai plus le temps de me reposer, je risque de craquer ! ». Elle avoue également que son mari se sent gêné depuis qu’elle gagne plus que lui. « Bien que je sois responsable d’une entreprise, à la maison, je redeviens épouse et maman et je ne fais jamais le chef avec mon mari ! Maintenant il commence à comprendre que si je gagne plus que luicela ne change rien en notre relation et ça va de mieux en mieux entre nous », ajoute-t-elle.

 

L’espoir au féminin pluriel

Le monde du travail devient de plus en plus mixte. Notre société saisit que la femme constitue la réponse même à la problématique de développement et son rôle est crucial dans le changement social. Même s’il est vrai que l’activité féminine se limite encore à certains domaines, on ne peut nier toutefois la présence de nombreux signes avant-coureurs de lendemains meilleurs pour les femmes.

 

 

Karim KHERBOUCHE

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