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A vos textes....


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Bonjour Sissa :40:

 

je t'ai encore trouvé un bout scanné dans l'ordinateur portable que je n'avais pas corrigé ... le reste il faut que je sois à la maison pour le finir

Chutt mon amie silence ! :o ;)

 

suite de l'histoire ...

...

En silence, n'échangeant qu'à voix basse les rares paroles essentielles, les voilà arrivés auprès de la carcasse plus qu'à moitié dépecée, au-dessus de laquelle tournoie encore le dernier corbeau de la journée. Tandis que le jour vacille tout à coup, et que s'établit le grand silence du crépuscule, ils se tapissent face au vent dans les buissons de chêne-vert, les oreilles entortillées dans leur turban à cause du froid, la tête dans le capuchon, les mains rentrées dans la Djellaba à manches courtes, leur fusil posé à terre devant eux. Et ils commencent patiemment d'attendre, aussi immobiles que les pierres l'alentour.

Le temps passe. Au glapissement modulé des chacals répond d'aboiement énervé des chiens, par quoi l'oreille exercée des chasseurs peut situer chaque douar dans la montagne. La lune s'est élevée dans le ciel pur, et sa clarté glaciale décolore les objets qu'elle éclaire. .../...

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Bonjour Sissa

 

je t'ai encore trouvé un bout scanné dans l'ordinateur portable que je n'avais pas corrigé ... le reste il faut que je sois à la maison pour le finir

Chutt mon amie silence ! ;)

 

suite de l'histoire ...

...

En silence, n'échangeant qu'à voix basse les rares paroles essentielles, les voilà arrivés auprès de la carcasse plus qu'à moitié dépecée, au-dessus de laquelle tournoie encore le dernier corbeau de la journée. Tandis que le jour vacille tout à coup, et que s'établit le grand silence du crépuscule, ils se tapissent face au vent dans les buissons de chêne-vert, les oreilles entortillées dans leur turban à cause du froid, la tête dans le capuchon, les mains rentrées dans la Djellaba à manches courtes, leur fusil posé à terre devant eux. Et ils commencent patiemment d'attendre, aussi immobiles que les pierres l'alentour.

Le temps passe. Au glapissement modulé des chacals répond d'aboiement énervé des chiens, par quoi l'oreille exercée des chasseurs peut situer chaque douar dans la montagne. La lune s'est élevée dans le ciel pur, et sa clarté glaciale décolore les objets qu'elle éclaire. .../...

 

Bonjour Hilar,

 

J'ai lu sans faire de bruit... ;)

 

Merci !

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Hôpital. Bégonias dans le jardin. Fenêtres ouvertes. Les infirmières à varices déambulent, se méfient des malades qui gloussent et des scorpions qui grouillent sous les lits. Elles ont peur, mais elles auraient mieux fait d'être apodes plutôt que d'énerver les patients avec le glissement furtif de leurs pas. A quoi rime ce va-et-vient doucereux ? L'agitation est d'autant plus vaine qu'elles ne craignent rien : au moindre incident, des hommes dissimulés derrière les portes interviendront et juguleront toute tentative de sédition. Titubation : un malade entre, il a l'air d'un anachorète qui a perdu sa transe; une fois couché, le nouveau venu perd de son intérêt et il ne nous reste plus qu'à chercher un nouveau pôle d'attraction. Les bégonias ? Ils ont l'air passif. Les scorpions ? Ils ne cessent de tourner en rond et le bruit qu'ils font en s'entrechoquant ne peut parvenir qu'à une oreille initée. Un plateau plein de fruits trône sur la petite table vissée à mon lit; elle est donc venue. Préciser l'heure de son arrivée ou de son départ est au-dessus de mes forces ; me souvenir de ce qu'elle m'a dit exige un effort qui me laissera fourbu toute la semaine, la peau moite ; impression d'avoir mué en utilisant un émollient que le médecin m'aurait donné en cachette car le règlement interdit de telles pratiques : changer de peau. Inutile de me rappeler l'heure de son arrivée, ni la couleur de sa robe ; je connais seulement son prénom : Céline, et le numéro très spécial de sa voiture. Elle vient me voir souvent et le médecin m'autorise à partir avec elle pendant le week-end ; nous retrouvons alors la chambre hideuse et la couverture effilochée et j'ai hâte de revenir à l'asile, bien que j'aie passé toute la nuit à répéter que je ne voulais pas y retourner. Dans le service où je suis, il n'y a pas de camisole de force et personne ne hurle ; seules les infirmières nous gâchent notre plaisir et notre bien-être ; elles sont laides et ont la manie de faire sécher leurs mouchoirs sur les rebords des fenêtres de la grande salle commune ; elles arborent aussi une nodosité qui donne à leurs viages un caractère inexpugnable et définitif. Effrayantes, bigles, simiesques haridelles ; elles se prennent pour des martyres parce qu'elles soignent des fous. L'une d'entre elles ressemble étrangement à Lella Aïcha, la belle-mère de ma défunte soeur ; elle évite de me regarder et j'en fais autant ; son fils s'est remarié depuis quelques temps (comment l'ai-je appris ? Je n'en sais rien ! ). Tremblements. Vibrations... Sueur, ma mère ! La ville nous parvenait comme une rumeur impalpable et démesurée ; l'été s'éternisait et venait de la mer ; nous ne savions plus que faire. Dis-moi, Céline, lentement, le nom de la ville où je suis et le nom de la mer qui la baigne... Les médecins refusent de me le dire, sous prétexte que je simule.

 

La Répudiation - Rachid Boudjedra 1969.

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Bonjour :)

 

suite de l'histoire ... je vais essayer de finir aujourd'hui ... il ne reste pas beaucoup ;)

 

Chutt ! suite

 

...

 

Le froid est devenu plus vif: il faut être berbère et dur comme le sont ces trois là pour demeurer éveillé, et immobile, attentif sans défaillance.

 

Tout à coup, comme hier, un bref silence se fait, et, sans qu'un froissement de feuille ait trahi sa venue, voici la panthère. à dix pas devant eux. Ils retiennent leur souffle, tandis que leur main, sortie de la djellaba avec précaution, va d'un mouvement insensible saisir la poignée du fusil.

 

Une inquiétude subtile est venue effleurer le fauve, Immobile au milieu de la clairière, il darde attentivement ses yeux verts, et sa queue, dans un lent mouvement de serpent qui déroule ses anneaux, va frôler tour à tour ses beaux flancs ocellés. Mais tout est si calme qu'il se rassure, revient à sa proie d'hier, et, fléchissant des quatre pattes à la fois, s'installe pour son repas.

 

Alors, Lahoucine ou Moussa, qui se trouve le mieux placé épaule son arme. Pour accomplir ce geste sans effrayer la bête par un mouvement trop brusque, il a mis plus d'une minute. Il vise soigneusement en arrière de l'épaule, il tire.

.../...

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... suite ;)

 

L'énorme détonation ébranle la nuit. Là-bas, les chiens exacerbés secouent leurs aboiements dans un grelot frénétique, Avec un miaulement de fureur douloureuse, le fauve a paru d'abord comme projeté en l'air, mais aussitôt ramassé, il fonce sur Lahoucine dont la lueur du coup lui a révélé la présence. Avant que l'homme ait pu esquisser un mouvement son fusil lui est arraché, le poids énorme de la bête est sur lui, les griffes déchirent son vêtement, les crocs s'enfoncent dans son épaule,

 

Tandis qu'étourdi, il tente de se dégager et de s'aplatir en protégeant sa tête, Ahmed ou Qaddour, des Ait Wikhelfen, vole bravement à son secours, et, de tout près, prenant garde à ne pas blesser son compagnon, il lâche son coup de fusil. Hélas, l'unique cartouche était mauvaise, le coup rate, et, seul résultat de l'intervention, la panthère lâche Lahoucine et se précipite plus furieuse sur ce nouvel adversaire qu elle jette a terre d'un coup de patte, et qu'elle entreprend d’accommoder ??

 

.../ ...

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suite et fin

 

...

 

Au même instant, Mimoun ou Lahcen, chasseur à barbe grise, est là à son tour, appuie le canon de son arme contre la poitrine de l'animal et, à, bout portant, presse la détente. Au tonnerre qui secoue les échos répond un rugissement de douleur et de rage folle. La panthère, abandonnant l'adversaire précédent, tombe de tout son poids sur le

vieillard, et, dans le dernier soubresaut de sa propre agonie,lui broie la nuque entre ses crocs. Les deux autres, mal en point et d'ailleurs désarmés ; n'avaient pas eu le temps de revenir à eux que chasseur et gibier, morts tous deux, gisaient l'un sur l'autre étendus.

 

Là-bas, dans les douars, les chiens jaunes mènent leur tumulte, les femmes poussent des cris aigus. Des appels se croisent de proche en proche. Ahmed ou Qaddour, se redressant tout endolori, gonfle sa poitrine pour y répondre. Puis il se traine jusqu'à Lahoucine, dont l'épaule saigne abondamment, et de son turban, bande sommairement la blessure: "il n'y a pas de mal", dit-il.

 

Au bout d'un moment arrivent les hommes. Ils voient toute la scène d'un-coup d'œil, et jettent sur les survivants un regard interrogateur, "Ia Rebbi"(ô" Dieu), dit Lahoucine à voix naturelle.-"ô fils des gens, ajoute Ahmed, voici qu'une âme a suivi l'âme. Dieu lui accorde le salut !"

 

Et je ne sais pas encore, en contant cette histoire vraie, et vieille de cinq ans déjà, ce qui m'étonne le plus du courage de ces Hommes Libres, ou de leur naïveté, ou de leur magnifique simplicité. En vérité ils sont très naïvement et très simplement courageux: c'est pourquoi ils sont si dignes d'être aimés.

 

 

A. H. 24 janvier 1938

 

je l'ai lu à son arrière petit fils Slimane, il était très content et m'a dit que lui il aurait eu une corde, un filet et plein d'autres astuces ... j'ai discuté avec lui beaucoup ... :confused:

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Ainsi se referme l'histoire sur tes sourires et le temps d'une absence. J'entends encore tes doigts sur le piano de mon enfance. Je t'ai cherchée partout, même ailleurs. Je t'ai trouvée, où que je sois, je m'endors dans tes regards. Ta chair était ma chair. De nos moitiés, nous avions inventé des promesses ; ensemble nous étions nos demains. Je sais désormais que les rêves les plus fous s'écrivent à l'encre du coeur. J'ai vécu là où les souvenirs se forment à deux, à l'abri d'une seule confidence où tu règnes encore.Tu m'as donné ce que je ne soupçonnais pas, un temps où chaque seconde de toi comptera dans ma vie bien plus que tout autre seconde. J'étais de tous les villages, tu as inventé un monde. Te souviendras-tu, un jour ? Je t'ai aimée comme je n'imaginais pas cela possible. Tu es entrée dans ma vie comme on entre en été. Je ne ressens rien ni colère ni regrets. Les moments que tu m'as donnés portent un nom, l'émerveillement. Ils le portent encore, ils sont faits de ton éternité. Même sans toi, je ne serai plus jamais seul, puisque tu existes quelque part.

 

Vous revoir....,Marc Lévy.

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suite et fin

 

...

 

Au même instant, Mimoun ou Lahcen, chasseur à barbe grise, est là à son tour, appuie le canon de son arme contre la poitrine de l'animal et, à, bout portant, presse la détente. Au tonnerre qui secoue les échos répond un rugissement de douleur et de rage folle. La panthère, abandonnant l'adversaire précédent, tombe de tout son poids sur le

vieillard, et, dans le dernier soubresaut de sa propre agonie,lui broie la nuque entre ses crocs. Les deux autres, mal en point et d'ailleurs désarmés ; n'avaient pas eu le temps de revenir à eux que chasseur et gibier, morts tous deux, gisaient l'un sur l'autre étendus.

 

Là-bas, dans les douars, les chiens jaunes mènent leur tumulte, les femmes poussent des cris aigus. Des appels se croisent de proche en proche. Ahmed ou Qaddour, se redressant tout endolori, gonfle sa poitrine pour y répondre. Puis il se traine jusqu'à Lahoucine, dont l'épaule saigne abondamment, et de son turban, bande sommairement la blessure: "il n'y a pas de mal", dit-il.

 

Au bout d'un moment arrivent les hommes. Ils voient toute la scène d'un-coup d'œil, et jettent sur les survivants un regard interrogateur, "Ia Rebbi"(ô" Dieu), dit Lahoucine à voix naturelle.-"ô fils des gens, ajoute Ahmed, voici qu'une âme a suivi l'âme. Dieu lui accorde le salut !"

 

Et je ne sais pas encore, en contant cette histoire vraie, et vieille de cinq ans déjà, ce qui m'étonne le plus du courage de ces Hommes Libres, ou de leur naïveté, ou de leur magnifique simplicité. En vérité ils sont très naïvement et très simplement courageux: c'est pourquoi ils sont si dignes d'être aimés.

 

 

A. H. 24 janvier 1938

 

je l'ai lu à son arrière petit fils Slimane, il était très content et m'a dit que lui il aurait eu une corde, un filet et plein d'autres astuces ... j'ai discuté avec lui beaucoup ... :confused:

 

...Ça valait la peine d'attendre...

 

Merci Hilar :)

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Merci les amis du fond du coeur !

 

oui Esmeralda :40: surtout pour la lire à un petit j'ai beaucoup hésité !:confused: Autrement elle m'a bouleversé un peu ! Sissa :40: mon amie ça m'a pris un peu de temps pour vous la transcrire mais je suis très content que vous soyez là ... maintenant elle est encore plus belle cette petite histoire :confused:

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En arriver à ne plus apprécier que le silence, c'est réaliser l'expression essentielle du fait de vivre en marge de la vie. Chez les grands solitaires et les fondateurs de religions, l'éloge du silence a des racines plus profondes qu'on ne l'imagine. Il faut pour cela que la présence des hommes vous ait exaspéré, que la complexité des problèmes vous ait dégoûté au point que vous ne vous intéressiez plus qu'au silence et à ses cris.

 

La lassitude porte à un amour illimité du silence, car elle prive les mots de leur signification pour en faire des sonorités vides; les concepts se diluent, la puissance des expressions s'atténue, toute parole dite ou entendue repousse, stérile. Tout ce qui part vers l'extérieur, ou qui en vient, reste un murmure monocorde et lointain, incapable d'éveiller l'intérêt ou la curiosité. Il vous semble alors inutile de donner votre avis, de prendre position ou d'impressionner quiconque; les bruits auxquels vous avez renoncé s'ajoutent au tourment de votre âme. Au moment de la solution suprême, après avoir déployé une énergie folle à résoudre tous les problèmes, et affronté le vertige des cimes, vous trouvez dans le silence la seule réalité, l'unique forme d'expression.

 

Face au silence

Emil Cioran

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...

 

;) ... :40: ... cela fait longtemps que je ne parle plus réellement vraiment ... j'entends, j'écoute, je fais mais je ne suis plus capable de dépeindre avec justesse les tempêtes qui secouent mon âme ...

 

... un jour un jour peut être je pourrais répondre et dire la merveilleuse lueur ...

un jour un jour peut être l'intérieur et l’extérieur trouveront les notes d'harmonie ces clefs de notes qui érotiquement me font amer la vie ... sans pouvoir la toucher ... l'atteindre ... mon coeur bat vite là ... je respire cette sublimation sans résistance sans savoir où je vais ...

 

merci pour le choix de ce texte sissa :40:

 

Esmeralda :40: je vais lire les deux textes je ne l'ai pas encore fait :)

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Guest Stalactite

Petronille de Amélie Nothomb

 

 

Il est très difficile d’exprimer une admiration profonde à qui l’inspire. Par oral, j’en suis incapable. La plume me permet de contourner ce blocage. À l’abri du papier, je parviens à me désempêtrer de mon excès d’émotion. Pessoa dit qu’écrire diminue la fièvre de ressentir. Ce propos sublime ne se vérifie pas chez moi, au contraire : écrire augmente ma fièvre de ressentir mais, à la faveur de cette élévation grave d’une température déjà critique, fait jaillir des formes précises de la confusion dans laquelle je baigne.

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Guest Stalactite

Le parfum de Patrick Süskind

 

 

" Les hommes pouvaient fermer les yeux devant la grandeur, devant l’horreur, devant la beauté, et ils pouvaient ne pas prêter l’oreille à des mélodies ou à des paroles enjôleuses. Mais ils ne pouvaient se soustraire à l’odeur. Car l’odeur était la sœur de la respiration. Elle pénétrait dans les hommes en même temps que celle-ci ; Ils ne pouvaient se défendre d’elle, s’ils voulaient vivre. Et l’odeur pénétrait directement en eux jusqu’à leur cœur, et elle y décidait catégoriquement de l’inclination et du mépris, du dégoût et du désir, de l’amour et de la haine.

 

Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le cœur des hommes."

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Et quand on est sûr de s'aimer, quand on a reconnu dans l'être chéri la fraternité qu'on y cherchait, quelle sérénité dans l'âme ! La parole expire d'elle-même ; on sait d'avance ce qu'on va se dire ; les âmes s'entendent, les lèvres se taisent. Oh ! quel silence ! quel oubli de tout !.

 

La confession d'un enfant du siècle d'Alfred de Musset

 

j'ai vu que des choix et des pépites ... comment se sentir encore seul lorsqu'on partage ces belles choses merci à vous toutes et tous pour ce jardin je me suis balader bien fatigué ce soir ... triste un peu aussi mais lire et contempler ces beautés m'a aidé à retrouver le sommeil

 

Demain je trouverais le temps de lire aussi ...

 

Stalactite Esmeralda ... votre affection et votre prévenance me touchent, me caressent et m'aident ce soir Merci vraiment

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Hôpital. Bégonias dans le jardin. Fenêtres ouvertes. Les infirmières à varices déambulent, se méfient des malades qui gloussent et des scorpions qui grouillent sous les lits. Elles ont peur, mais elles auraient mieux fait d'être apodes plutôt que d'énerver les patients avec le glissement furtif de leurs pas. A quoi rime ce va-et-vient doucereux ? L'agitation est d'autant plus vaine qu'elles ne craignent rien : au moindre incident, des hommes dissimulés derrière les portes interviendront et juguleront toute tentative de sédition. Titubation : un malade entre, il a l'air d'un anachorète qui a perdu sa transe; une fois couché, le nouveau venu perd de son intérêt et il ne nous reste plus qu'à chercher un nouveau pôle d'attraction. Les bégonias ? Ils ont l'air passif. Les scorpions ? Ils ne cessent de tourner en rond et le bruit qu'ils font en s'entrechoquant ne peut parvenir qu'à une oreille initée. Un plateau plein de fruits trône sur la petite table vissée à mon lit; elle est donc venue. Préciser l'heure de son arrivée ou de son départ est au-dessus de mes forces ; me souvenir de ce qu'elle m'a dit exige un effort qui me laissera fourbu toute la semaine, la peau moite ; impression d'avoir mué en utilisant un émollient que le médecin m'aurait donné en cachette car le règlement interdit de telles pratiques : changer de peau. Inutile de me rappeler l'heure de son arrivée, ni la couleur de sa robe ; je connais seulement son prénom : Céline, et le numéro très spécial de sa voiture. Elle vient me voir souvent et le médecin m'autorise à partir avec elle pendant le week-end ; nous retrouvons alors la chambre hideuse et la couverture effilochée et j'ai hâte de revenir à l'asile, bien que j'aie passé toute la nuit à répéter que je ne voulais pas y retourner. Dans le service où je suis, il n'y a pas de camisole de force et personne ne hurle ; seules les infirmières nous gâchent notre plaisir et notre bien-être ; elles sont laides et ont la manie de faire sécher leurs mouchoirs sur les rebords des fenêtres de la grande salle commune ; elles arborent aussi une nodosité qui donne à leurs viages un caractère inexpugnable et définitif. Effrayantes, bigles, simiesques haridelles ; elles se prennent pour des martyres parce qu'elles soignent des fous. L'une d'entre elles ressemble étrangement à Lella Aïcha, la belle-mère de ma défunte soeur ; elle évite de me regarder et j'en fais autant ; son fils s'est remarié depuis quelques temps (comment l'ai-je appris ? Je n'en sais rien ! ). Tremblements. Vibrations... Sueur, ma mère ! La ville nous parvenait comme une rumeur impalpable et démesurée ; l'été s'éternisait et venait de la mer ; nous ne savions plus que faire. Dis-moi, Céline, lentement, le nom de la ville où je suis et le nom de la mer qui la baigne... Les médecins refusent de me le dire, sous prétexte que je simule.

 

La Répudiation - Rachid Boudjedra 1969.

 

 

Très beau et dense juste ce qu'il faut ! maintenant j'ai envie de lire ces auteurs Algériens !

Existent ils encore des écrivains qui écrivent en Français chez nous ?

qui d-écrivent sur les instants de ce peuple mal mené ... parfois par lui même ? Je ferais les librairies chez nous à Alger lorsque j'y serais existe il encore des librairies et une activité d'écriture ?

Merci Esmeralda :40: je lirais l'autre texte tout à l'heure

En fait ce sont les seules lectures que je fais depuis longtemps !

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